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Histoire. La vie sous la dynastie Ming rapportée par les Espagnols à l’époque des grandes découvertes

CHINE ANCIENNE > Histoire

La dynastie Ming (1368-1644) est la dernière grande dynastie unifiée, fondée par les Chinois Han dans l’histoire de la Chine, avec seize empereurs et un règne de 276 ans. De nombreux étrangers se sont rendus en Chine à cette époque. Ils ont vu le pays des Ming : un pays avec des villes bien planifiées, une population aisée, une culture prospère, des mœurs civilisées, une armée puissante et un vaste territoire. Voici un témoignage rapporté par les Espagnols à l’époque des grandes explorations.

La raison du choix de Pékin et Nankin comme capitales par la dynastie Ming

« L’empereur actuel s’appelle Wanli,.et il a (dit-on) 21 ans ». « Cet empereur, et tous ses ancêtres, ont résidé et vivent toujours dans le Grand Ming, c’est-à-dire la ville de Shuntian (Pékin) pour (selon eux) sa proximité des Tartares, avec lesquels ils étaient constamment en guerre, et ils pouvaient mieux faire face à leurs besoins ».

La vie sous la dynastie Ming rapportée par les Espagnols à l’époque des grandes découvertes
Le portrait de l’empereur Shenzong ou l’empereur Wanli. (Image : wikimedia / National Palace Museum / Domaine public)

« Ce grand empire est divisé en quinze provinces, dont chacune est plus vaste que le plus grand pays connu de toute la civilisation européenne Deux de ces provinces, appelées Nankin (Tolanchia) et Pékin (Paguia), étaient placées sous l’autorité personnelle de l’empereur et de sa cour. L’empereur était toujours installé dans l’une de ces deux provinces, les plus grandes et les plus peuplées, non pas parce qu’elles lui convenaient le mieux ou qu’il y tirait plus de bénéfices que dans d’autres provinces, mais simplement parce qu’elles étaient proches du territoire des Tartares. Dans le passé, les Ming et les Tartares s’étaient souvent livrés à des guerres prolongées, et l’empereur, désireux de compenser plus facilement les pertes subies et d’avoir de meilleures chances de se défendre contre les invasions de ses ennemis, installa son palais et sa cour dans ces deux provinces ».

Cette description décrit Pékin pendant la période Wanli (1563-1620) de la dynastie Ming, explique pourquoi la capitale de la dynastie Ming était située à Pékin, et mentionne que les grandes provinces locales de la Chine pouvaient être comparées à celles des puissances européennes.

« Ce grand pays que nous appelons généralement la China, sans savoir quelle raison ou quel motif nous pousse à l’appeler ainsi, est appelé par les nations voisines (note de rédacteur : les Philippines sous la domination coloniale espagnole) Sangley (常来, voyageurs d’affaires fréquents entre la Chine et les îles Philippines), et dans leurs propres termes Taybiner (大明国, pays de Grand Ming), on dit qu’il est le plus grand et le plus peuplé du monde, comme dans le récit de cette histoire, sujet qui sera abordé dans le chapitre suivant consacré aux anecdotes insolites ».

« Nous avions l’habitude d’appeler le pays China et ses habitants Chins, mais lorsque nous étions prisonniers, nous ne les avons jamais entendus mentionner ce nom à aucun moment, et j’ai décidé de découvrir comment ils l’appelaient, parfois ils posaient des questions sur nous parce que nous les appelions Chins et qu’ils ne comprenaient pas ce que nous voulions dire. Je leur ai répondu que tous les habitants de l’Inde les appelaient Chins, et je leur ai donc demandé de me dire pourquoi on les appelait ainsi, et s’ils avaient une ville de ce nom. Ils m’ont toujours répondu que ce nom n’existait pas et n’avait jamais existé. Je leur ai ensuite demandé quel était le nom du pays tout entier et ce qu’ils répondraient si un autre peuple leur demandait de quel pays ils venaient. Ils m’ont répondu que le pays avait eu de nombreux rois dans les temps anciens et que, bien qu’il soit maintenant sous une seule autorité, chaque royaume avait encore tous ses noms d’origine, et que ces royaumes étaient les provinces dont j’ai parlé plus haut. Ils conclurent en disant que tout le pays s’appelait Grand Ming, et que les habitants étaient appelés les Grand Ming, de sorte que les appellations telles que China ou Chins n’étaient pas connues dans leur pays ».

Le récit ci-dessus rapporte un fait intéressant : sous la dynastie Ming, les Chinois appelaient leur pays le Grand Ming, Ming étant simplement l’abréviation du Grand Ming.

Le système de protection sociale sous la dynastie Ming

En Chine, dès la dynastie Tang (618-907), l’empereur Taizong a ordonné à la cour d’apporter aide et soutien aux « veuves, veufs et orphelins » (c’est-à-dire aux personnes âgées veuves sans enfants) et aux handicapés incapables de travailler. Ce système a été suivi par les empereurs successifs. Le système d’assistance sociale de la dynastie Ming a été mis en place par l’empereur fondateur de la dynastie Ming, Ming Taizu. Ce système était bien développé et était fondamentalement différent du système d’aide sociale des sociétés occidentales modernes, qui prend la forme d’impôts et de prestations élevées obligatoires et utilise l’argent des contribuables de la nation pour subvenir aux besoins des pauvres.

« Une autre très bonne chose qui nous fait tous nous étonner de ces païens, c’est que dans toutes leurs villes il y a des hôpitaux, toujours pleins, et que nous n’avons jamais vu personne mendier. Nous leur en avons demandé la raison, et ils nous ont répondu qu’il y avait dans chaque ville un grand quartier où se trouvaient de nombreuses maisons pour les pauvres, les aveugles, les boiteux, les vieillards, ceux qui étaient trop âgés pour marcher, et ceux qui étaient incapables de gagner leur vie. Ces personnes vivaient dans ces maisons et recevaient toujours une grande quantité de riz pendant qu’elles vivaient, mais rien d’autre. Les personnes admises dans ces maisons procédaient de la manière suivante : lorsque quelqu’un était malade, aveugle ou boiteux, il s’adressait au secrétaire en chef et prouvait que ses dires étaient vrais, il pouvait alors vivre dans ces grandes maisons jusqu’à son décès. En outre, on y élevait des cochons et des poulets, de sorte que les pauvres n’avaient pas besoin de mendier pour vivre… ».

La vie sous la dynastie Ming rapportée par les Espagnols à l’époque des grandes découvertes
Personne ne vivait dans la rue sous la dynastie Ming. (Image : wikimedia / See page for author / Domaine public)

« …Cet officier, le premier jour de sa fonction, demandait aux parents d’amener devant lui tous les enfants nés handicapés, malades ou atteints d’autres maladies, afin qu’il leur fournisse tout ce qui leur était nécessaire, comme l’avaient ordonné et voulu l’empereur et sa cour. En d’autres termes, les garçons et les filles atteints d’un handicap étaient amenés devant lui pour être examinés et, s’ils étaient capables de pratiquer un certain métier, les parents disposaient d’un délai pour préparer leur enfant à effectuer le type de travail prescrit. Si le handicap était si grave que l’enfant ne pouvait ni étudier ni exercer une activité professionnelle, le responsable des pauvres ordonnait à son père de subvenir à ses besoins jusqu’à la fin de sa vie, si le père en avait les moyens. Si le père était pauvre, ou si l’enfant n’avait pas de père, un autre parent riche devait subvenir à ses besoins. Si l’enfant n’avait pas de parent riche, tous les membres de la famille contribuaient ou lui offraient ce qu’ils avaient à la maison. Mais si l’enfant handicapé n’avait pas de parents, ou si ces derniers étaient trop pauvres pour apporter une quelconque contribution, l’empereur subvenait entièrement avec ses propres moyens, aux besoins de l’enfant à l’hôpital ».
 
« Les hôpitaux étaient splendides et l’empereur en avait dans toutes les villes du pays. Ces hôpitaux accueillaient également les vieillards et les pauvres qui avaient passé leur jeunesse dans la guerre et n’étaient pas en mesure de gagner leur vie, ces personnes étaient prises en charge en fonction des besoins et avec le plus grand soin. Pour ce faire, les officiers s’organisaient correctement et désignaient l’un des chefs de ville comme administrateur…pour leur fournir tout ce dont ils avaient besoin, comme des vêtements et de la nourriture, aussi longtemps qu’ils vivraient. En outre, les personnes âgées pauvres de l’hôpital s’amusaient à élever des poules, des poussins et des cochons afin d’assurer leur propre subsistance ».

« Les fonctionnaires rendaient souvent visite aux administrateurs qu’ils avaient nommés. De même, les fonctionnaires recevaient la visite d’une autre personne de la cour, désignée à cet effet par l’empereur et la cour, elle devait visiter tous les hôpitaux des provinces sous son autorité, et si elle trouvait quelqu’un qui ne rendait pas la justice, elle devait le renvoyer et lui infliger une punition sévère. Mais elle donnait aux bons administrateurs une récompense immédiate. Ces méthodes ont été adoptées dans tout le pays, et malgré l’étendue du pays et sa population innombrable, il n’y avait toujours pas de pauvre mourant et mendiant dans les rues, comme l’ont constaté les moines augustins et ceux qui sont entrés dans le pays avec eux ».

La vie sous la dynastie Ming rapportée par les Espagnols à l’époque des grandes découvertes
Les fonctionnaires sous la dynastie Ming. (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0)

La société chinoise ancienne reposait sur les clans. Dans les temps anciens, une personne ne pouvait pas vivre seule, en dehors de son clan. Tout en bénéficiant de l’abri et de l’aide du clan, il fallait assumer l’obligation de veiller sur elle, de la soutenir et de l’aider.

Sous la dynastie Ming, si une famille avait un handicapé, une personne âgée veuve sans enfant ou un orphelin, les membres de cette famille devaient soutenir la veuve, élever la personne handicapée ou l’orphelin. Même les parents éloignés devaient subvenir à leurs besoins. Si quelqu’un osait abandonner un parent handicapé, âgé ou orphelin, non seulement il était puni par la loi de la dynastie Ming, mais il était également considéré par la société comme « sans cœur ni loyauté », ce qui était une grande honte. Une telle personne n’avait pas sa place dans la société.

Le système de protection sociale instauré sous la dynastie Ming permettait de prendre en charge les personnes handicapées, les personnes âgées et les orphelins qui n’avaient pas de famille pour les aider, mais aussi de mettre fin au comportement égoïste de ceux qui ne pensaient qu’à leur petite vie et ne se souciaient pas d’autrui. Ce système empêchait également les abus de la part de personnes oisives et paresseuses, ce qui semblait être un système plus durable.

La musique et la danse vues par les étrangers sous la dynastie Ming

« Lors de ces fêtes et banquets, il y a toujours des actrices qui jouent et chantent, qui font de nombreux jolis gestes qui rendent les invités agréables et heureux, ainsi que plusieurs hommes qui jouent d’autres instruments, des acrobates et des acteurs qui jouent leurs comédies de façon parfaite et naturelle ».

« Mais ils célèbrent surtout le premier jour de la nouvelle année, ……. Ce jour-là, tout le peuple a l’habitude de se divertir, il y a beaucoup de chants et de jeux d’instruments, et ils sont très habiles à cet égard. Les moines augustins ont vu des instruments tels que le luth, le luth à six cordes, l’alto, le luth à trois cordes, l’instrument à percussion, le clavicorde, la harpe, la flûte et d’autres instruments que nous utilisons et qui sont facilement reconnaissables malgré leurs différences de forme. Ils chantent merveilleusement au son de la musique, et ils ont généralement de belles voix ».

La vie sous la dynastie Ming rapportée par les Espagnols à l’époque des grandes découvertes
Les spectacles de danse et de chant étaient très populaires sous la dynastie Ming. (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0)

« Le deuxième jour de la fête, comme le premier, ils ont fait beaucoup de musique, joué beaucoup de comédies, beaucoup de bouffonneries drôles. Il y avait aussi un homme qui faisait des sauts périlleux et qui se déplaçait habilement, à la fois dans les airs et sur une barre portée par deux hommes sur leurs épaules. Avant que la pièce ne soit jouée, nos hommes ont été informés de son contenu par l’intermédiaire d’un interprète, afin de mieux l’apprécier. On y lit : " Dans les temps anciens, il y avait en Chine beaucoup d’hommes grands et vaillants, mais parmi eux se trouvaient trois frères en particulier, dont la grandeur et la vaillance surpassaient celles de toutes les autres générations, …et alors ensemble ils prirent l’empire au souverain de l’époque, ce souverain s’appelait Liu Bei (Laupicono), … C’était une pièce merveilleusement jouée, avec des costumes qui correspondaient à ces personnages " ».

Les spectacles de chant et de performances scéniques accompagnés de concert en live étaient courants sous la dynastie Ming. La Romance des Trois Royaumes était un numéro d’opéra très populaire.

La vie aisée des Ming vue par les étrangers

« Dans ce grand pays, ……, les gens sont riches en nourriture, bien habillés, leurs maisons sont magnifiquement meublées, et surtout, ils travaillent dur et sont de grands marchands et négociants, tout cela, ajouté à la fertilité du pays lui permet d’être appelé à juste titre le pays le plus riche au monde… ». 

« Il y a une abondance de sucre aux quatre coins de ce pays, ce qui est la cause de son prix extrêmement bas. …… les habitants ont du miel en abondance, car ils aiment élever des abeilles, et même la cire est très bon marché : la production est si importante que l’on peut charger des navires, voire des flottes ».  

« Ils produisent une grande quantité de soie d’excellente qualité et de couleur magnifique, qui dépasse de beaucoup celle de Grenade, qui est l’un des plus grands commerces du pays ». « Les prix du velours, de la soie, du satin et des autres produits tissés qui y sont fabriqués sont étonnamment bas, surtout si on les compare aux prix connus en Espagne et en Italie. Ils ne vendent pas la soie et les autres produits tissés à la coupe, même le lin, mais au poids, de sorte qu’il n’y a pas de fraude ».
 
« Il y a beaucoup de bétails, si bon marché qu’on peut en acheter de très bonne qualité pour une pièce de huit (piastre espagnole), avoir du bœuf à moitié prix, un cerf entier pour 2 réal (piastre espagnole), beaucoup de porcs, et du porc aussi bon et aussi sain que notre mouton d’Espagne. Il y a aussi un grand nombre de moutons et d’autres animaux comestibles, et c’est pour cela qu’ils ne sont pas chers. Les oiseaux de proie élevés sur les rives des lacs sont si nombreux qu’un petit village de la campagne en consomme des milliers chaque jour, et les plus nombreux sont les canards. …… Ils sont vendus au poids, comme les poulets et les volailles castrés, à bon marché, deux livres de poulet déplumé valent généralement deux cents ».   

La vie sous la dynastie Ming rapportée par les Espagnols à l’époque des grandes découvertes
Le marché dans la rue des Ming. (Image : wikimedia / See page for author / Domaine public)

« Les Espagnols furent conduits par cette rue à leurs logements. …… Les rues qu’ils traversèrent étaient pleines d’étals, avec toutes sortes de marchandises curieuses et de choses à manger, comme du poisson frais et salé de toutes sortes, des volailles et de la viande de toutes sortes en abondance, des fruits et des légumes, en quantité suffisante pour approvisionner la ville de Séville ».

« Les rues étaient tellement encombrées que, malgré les nombreux fonctionnaires et soldats qui leur ouvraient la voie, ils avaient beaucoup de mal à se frayer un passage. Ils les conduisirent donc à la maison pavillonnaire, qui était très grande, magnifiquement construite en pierre et en brique, avec de nombreuses salles, pièces et chambres, etc. L’officier général de la ville, qu’ils appelaient le gouverneur, leur fit savoir qu’ils étaient les bienvenus, et leur envoya un cadeau, qui consistait en une grande quantité de poulets castrés, de canards, d’oies, de quatre ou cinq sortes de viandes, de poisson frais, de vin, et toutes sortes de fruits, en quantité plus qu’il n’en fallait pour nourrir deux cents personnes, et ils devaient les mettre au frais, car il faisait très chaud à ce moment-là ».

« Toutes les rues étaient flanquées de pavillons, avec des boutiques aux étages inférieurs, pleines de riches marchandises, très précieuses et très curieuses. Ils ont fait construire de nombreuses pagodes à égale distance d’un endroit à l’autre, pour orner les rues, et il y en avait dans toutes les rues du pays, et en dessous il y avait de bons marchés où l’on pouvait acheter ce que l’on voulait manger, comme du poisson et de la viande, des fruits, des légumes, des sucreries, des fruits confits, le tout pour très peu d’argent. Ils mangeaient beaucoup de porc qui était aussi bon et nutritif que l’agneau espagnol. Nous avons vu des fruits, certains pareils à ceux d’Espagne, et d’autres que nous n’avions jamais vus, mais qui étaient très sucrés et savoureux. …… Les rues dans lesquelles les gens passaient étaient pleines de monde, et si un grain de blé tombait, il touchait difficilement le sol ».

D’après les récits de cet Espagnol, il est clair que la société chinoise ancienne était en fait très belle et pas aussi arriérée qu’on voudrait nous le faire croire aujourd’hui. Sous la dynastie Ming, par exemple, la société ancienne se caractérisait par l’abondance et le bon marché de toutes sortes de denrées alimentaires : viande, poulet, canard, poisson et dim sum. Les gens vivaient dans des maisons très confortables. Les rues étaient spacieuses et les villes étaient standardisées et bien conçues. Les équipements de défense côtière et d’armement étaient à la pointe de la technologie.

Rédacteur Yi Ming

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