Depuis des milliers d’années, le peuple chinois a sa propre vision ou conception du mandat céleste (天命 : Tiānmìng), basée sur la relation entre le Ciel et l’Homme. Les dynasties Xia (2070 à 1600 av. J.-C.), Shang (1570 à 1045 av. J.-C.) et Zhou (1045 à 256 av. J.-C.) avaient une connexion très forte avec le Ciel et sont les premières périodes documentées, dans l’histoire de la Chine, prônant cette vision. Alors comment les Chinois de cette époque voyaient-ils la relation entre le Ciel et l’Homme ?
La divinité suprême dominante et les autres dieux entre le ciel et la terre
Contrairement aux Chinois d’aujourd’hui, les ancêtres chinois de ces trois dynasties croyaient en plusieurs dieux, dont les dieux de la nature et les dieux ancestraux, et parmi ces dieux, il y avait un dieu omnipotent et suprême qu’ils croyaient être aux commandes.
Sous les dynasties Shang et Zhou, ce dieu était désigné par des noms différents : les Shang appelaient généralement le dieu suprême « Empereur » (帝, di), ou parfois « Empereur suprême » (上帝, shang di), tandis que les Zhou l’appelaient plutôt « Ciel » (天, tian). Malgré leurs noms différents, les termes « Empereur », « Empereur suprême » et « Ciel » faisaient tous référence à la divinité suprême.
Aux yeux des gens de ces trois dynasties, l’Empereur ou le Ciel, en tant que divinité suprême parmi les dieux, non seulement fait naître et alimente toutes choses, mais aussi domine et détermine tout dans le monde.
L’Empereur ou le Ciel a tout d’abord le pouvoir surnaturel de faire souffler le vent et la pluie pour dominer le monde naturel. Par exemple, une divination sous le règne du roi Wu Ding de Shang dit : « L’Empereur suprême [ …] envoie […] la sécheresse ». On constate que « l’ Empereur suprême » énoncé dans la divination est si puissant que, le soleil, la lune, les étoiles, le vent, la pluie, le tonnerre et les éclairs sont tous à sa disposition pour apporter la sécheresse sur Terre.
En outre, le Ciel contrôle également la société humaine, en donnant des ordres et en dirigeant tout ce qui se trouve sur la terre. Qu’il s’agisse de la météo, de la production et de la récolte des cultures, de l’ascension et de la chute des dynasties, de la richesse et de la pauvreté des gens, de bonnes fortunes et des malheurs, tous dépendaient donc des arrangements de l’Empereur ou du Ciel en provenance du monde invisible. Cette compréhension a constitué le cœur du concept de mandat céleste de ces trois époques.
L’origine de l’écriture ossécaille : diviniser et enregistrer la volonté du Ciel
Pendant la dynastie Shang, afin de connaître la volonté de l’Empereur suprême, les rois et les nobles avaient l’habitude de diviniser presque tout, dont les rituels, les guerres, la nourriture, les banquets, le temps, l’agriculture, les récoltes, la chasse, les voyages, les désastres, les bénédictions, les évasions d’esclaves et d’autres sujets difficiles. Ils avaient également l’habitude de faire des divinations chaque jour pour déterminer, après avoir reçu les signes, la bonne et la mauvaise fortune pouvant être engendrée par leurs actes.
Grâce aux fissures apparaissant sur le devant des carapaces de tortue brûlées pendant la cérémonie de divination, les gens étaient capables de distinguer la bonne et la mauvaise fortune, mais nous ne savons plus quels critères de jugement ils utilisaient à l’époque. Ensuite, les résultats de la divination étaient inscrits sur ces carapaces de tortue. Pour les Shang, ces résultats étaient la manifestation de la volonté, ou de l’ordre, de l’Empereur suprême, qui étaient sacrés et devaient être suivis, sinon, les êtres humains seraient punis au lieu d’avoir la bénédiction. Pour les Shang, il fallait être reconnaissant et craintif envers l’Empereur suprême.
Seules les personnes les plus honorables, ou celles ayant la capacité de communiquer avec les dieux, étaient autorisées à être prêtres et à présider les cérémonies sous la dynastie Shang, telle que la reine Fu Zi du roi Wu Ding de Shang. C’est grâce à la découverte de sa tombe en 1976 que la Chine a connu l’existence de l’écriture ossécaille et des objets en bronze de cette époque, ainsi que la forte spiritualité de la dynastie Shang.
Ces écritures sont les plus anciens textes écrits de Chine et constituent une source fiable pour étudier la vision du mandat céleste de la dynastie Shang et témoignent que les Shang, du roi jusqu’au peuple, vivaient à une époque où tout était spirituel et qu’ils croyaient aux dieux du ciel (le soleil, la lune, les étoiles, le vent, la pluie) et de la terre (les montagnes, les rivières, la mer, etc.), ainsi qu’à l’esprit déifié des ancêtres, des maîtres, des fonctionnaires méritants ou d’autres personnages historiques.
Les cérémonies de Feng-Shan au Mont Taishan pour valider le mandat céleste des monarques
Pour exprimer la gratitude et la révérence envers le Ciel, ainsi que pour valider son mandat du Ciel, les rois et empereurs chinois devaient organiser les cérémonies de Feng-Shan (封禅). La cérémonie de Feng est le « sacrifice au Ciel » et celle de Shan est le « sacrifice à la Terre ». Dans la Chine ancienne, elles étaient considérées comme les plus grands événements pour le gouvernement, surtout celles ayant lieu au Mont Taishan, aussi appelé « première montagne du monde » du fait qu’elle soit la plus haute de toutes les montagnes en Chine. Tout roi et empereur devait ainsi se rendre sur la première montagne du monde pour réaliser les cérémonies de sacrifice au Ciel et à la Terre afin d’être considéré comme ayant reçu son mandat du ciel.
Sur le Mont Taishan, un autel de terre était construit pour sacrifier au Ciel afin de remercier les mérites du Ciel, on l’appelait Feng, sur la colline en dessous du Mont Taishan, comme Liangfu ou Yunyun, un lieu était créé pour sacrifier à la Terre afin de remercier les mérites de la Terre, on l’appelait Shan.
Yu le Grand de la dynastie Xia, Cheng Tang de la dynastie Shang et le roi Cheng de la dynastie Zhou ont tous organisé des cérémonies de Feng-Shan pour rendre compte au Ciel et à la Terre de leurs grandes réalisations dans la gouvernance du pays en temps de paix et de prospérité, et pour montrer qu’ils acceptaient le mandat du Ciel de gouverner le pays.
La raison pour laquelle les anciens monarques agissaient de manière aussi solennelle était très claire : à leurs yeux, le Ciel devait recevoir la gratitude et la révérence de la part de tous, y compris eux-mêmes.
D’autre part, dans l’esprit des Chinois de l’époque, la raison de l’établissement d’une dynastie, qu’il s’agisse des dynasties Xia, Shang ou Zhou, était liée au mandat du Ciel. Les livres tels que le Classique des documents (ou Shang Shu) et le Classique des vers (ou Shi Jing) et les inscriptions sur les anciens vases sacrificiels en bronze soulignent tous un message commun selon lequel les dynasties Xia, Shang et Zhou ont toutes été fondées « par mandat du Ciel ».
Par exemple, la dynastie Xia qui était autrefois puissante, a finalement été détruite par un État vassal. Dans le Classique des documents (ou Shang Shu), on peut lire un serment prêté par Tang, le monarque fondateur de la dynastie Shang, lorsqu’il a décidé de suivre la volonté du Ciel pour anéantir la dynastie Xia sous le règne de son dernier monarque Jie : « Xia a commis beaucoup de péchés et a attiré le châtiment du Ciel ». C’est la raison pour laquelle la dynastie Xia a été détruite et remplacée par la dynastie Shang.
De même, à la fin de la dynastie Shang, le roi Zhou de Shang était tellement plein de malice que le Ciel voulait aussi l’exécuter et détruire la dynastie Shang.
En d’autres termes, la royauté provenait du mandat du Ciel, et la légitimité du règne de la dynastie était déterminée par le Ciel. La chute des dynasties est le résultat de trop nombreux péchés, qui ont encouru la punition du Ciel.
Rédacteur Yi Ming
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