L’histoire raconte qu’un être céleste, une fille tisserande, éprouva de l’amour pour un homme mortel, un bouvier, et commença une vie avec lui dans le royaume humain, mais fut rappelée dans les cieux sur ordre divin. Touchés par leur dévouement l’un pour l’autre, les dieux les autorisèrent à se retrouver une fois par an - la nuit de Qixi, à la fin de l’été.
Cette année, le 22 août coïncidait avec le septième jour du septième mois lunaire du calendrier chinois traditionnel. Cette date marque la célébration de Qixi (七夕), souvent appelée la Saint-Valentin chinoise.
À l’instar d’autres cultures, les Chinois considéraient l’amour et la romance comme une question de destin, voire d’arrangement céleste. Selon la croyance traditionnelle, chaque couple est relié par une corde rouge invisible, attachée par le vénérable Vieillard sous la lune (Yue Lao月老).
En conséquence, les anciens considéraient l’affection et le mariage comme une obligation morale. Ceux qui pouvaient s’acquitter de leurs devoirs en dépit des circonstances ou des tentations restaient dans les mémoires pour leur vertu.
Liu Tingshi (劉庭式), un fonctionnaire érudit de la Chine médiévale dont la dévotion envers sa femme donne un nouveau sens à l’expression L’amour est aveugle, fait partie de ces hommes.
« Comment pourrais-je changer de cœur ? »
Liu Tingshi vécut sous la dynastie Song au XIe siècle et connut le célèbre poète Su Shi (蘇軾), qui consigna son histoire en 1074.
Alors qu’il était jeune et étudiait pour les examens de la fonction publique, Liu Tingshi se fiança à une fille de paysans de sa ville natale. Les deux s’entendaient bien et, une fois ses études terminées, Liu Tingshi quitta la maison pour passer les examens.
Liu Tingshi réussit les tests provinciaux avec la meilleure note, mais un malheur frappa sa fiancée pendant son absence : elle tomba gravement malade et perdit la vue.
Honteux du handicap de leur fille et du faible statut social de leur famille, ses parents suggérèrent à Liu Tingshi de rompre les fiançailles. Ils soulignèrent le fait que M. Liu n’avait offert aucun cadeau de fiançailles, ce qui signifiait que l’union n’était pas encore officielle et qu’elle pouvait encore être annulée sans préjudice.
D’autres personnes qui connaissaient le couple estimaient qu’il serait naturel que Liu Tingshi abandonne la pauvre femme, étant donné que ses résultats d’examen lui permettaient d’occuper un poste de fonctionnaire impérial.
Certains suggérèrent même que si M. Liu ne voulait pas rompre les relations avec la famille, il pourrait épouser leur fille cadette en bonne santé.
Liu Tingshi ne se laissa pas influencer par ces suggestions. « Je lui ai donné mon cœur lorsque nous nous sommes fiancés. Comment pourrais-je changer de cœur juste parce qu’elle est devenue aveugle ? ».
« Tout ce que je sais, c’est qu’elle était ma femme »
Les deux époux se marièrent donc malgré l’état de santé de la jeune femme et ils menèrent une vie heureuse ensemble. La femme de Liu Tingshi lui donna également plusieurs enfants en bonne santé. Lorsqu’elle mourut, Liu eut le cœur brisé et ne se remaria jamais.
Su Shi (1037-1101), le grand poète, était impressionné par le dévouement et l’affection de Liu Tingshi pour sa femme, même si, à ses yeux, il semblait que Liu l’avait épousée par sens du devoir moral plutôt que par émotion.
« Vous avez épousé une femme aveugle pour tenir votre promesse et faire preuve de loyauté, mais pourquoi vous sentiez-vous triste lorsqu’elle est décédée ? »
M. Liu répondit : « Tout ce que je sais, c’est qu’elle était ma femme, qu’elle puisse ou non voir, elle sera toujours ma femme ».
Le véritable amour et la vertu de Liu Tingshi
« Si je l’avais aimée uniquement pour son apparence, mon amour se serait estompé au fur et à mesure qu’elle aurait vieilli. Je n’aurais alors pas été triste lorsqu’elle est décédée. Si c’est le cas, toutes les prostituées de la rue, qui font des clins d’œil aux hommes qui passent, pourraient toutes être choisies comme épouses », ajouta-t-il.
Su Shi, sentant la vertu de son ami, prédit que Liu Tingshi serait béni par une grande richesse ou atteindrait l’illumination spirituelle.
Ses collègues de l’époque ne prirent pas les paroles de Su Shi au sérieux, pensant qu’il idéalisait dans son éloge de Liu Tingshi.
Le destin emmena Liu Tingshi et Su Shi dans différentes régions de l’empire, et ils perdirent le contact l’un avec l’autre.
Mais huit ans plus tard, le poète rencontra quelqu’un qui lui apporta des nouvelles d’un monastère taoïste situé sur le mont Lu, dans le Centre-Sud de la Chine.
Liu Tingshi, disait-on, avait rejoint les pratiquants de ce monastère et avait atteint un haut niveau de pratique mystique. Il avait jeûné pendant des années, n’ayant plus besoin de boire ni de manger. Sa silhouette dégageait une aura violette d’énergie divine, et il se déplaçait sans effort sur la montagne, tel un immortel.
Rédacteur Albert Thyme
Source : A Story of ’Blind Love’ for Ancient China’s Valentine’s Day
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