Le neuvième jour du neuvième mois lunaire se déroule la fête du double neuf, soit le 11 octobre du calendrier grégorien pour cette année 2024. Les Chinois considèrent que « neuf » est un nombre positif ou un nombre yang. Étant donné que le mois et le jour de cette fête sont tous les deux placés sous le chiffre neuf, selon le calendrier lunaire, elle s’appelle « Chongyang » qui signifie « double yang ».
Lors de cette fête, il y a des coutumes telles que grimper sur les hauteurs, boire du vin de chrysanthème et pendre le cornouiller. Selon la légende, elle est dérivée de l’histoire de Huan Jing et de son Maître Feichangfang, sous la dynastie des Han de l’Est (東漢,25—220). Dans la sagesse populaire, il est souvent dit que ces coutumes ont pour effet d’éloigner les catastrophes et la malchance.
Des coutumes pour renouer avec la piété filiale, mais aussi renforcer le corps et l’esprit
La fête du double neuf se situe souvent en plein cœur de l’automne. À Taïwan, la pratique du cerf-volant est progressivement devenue populaire pendant le festival Chongyang, qui coïncide avec la saison fraîche de l’automne.
Comme les mots « Jiu » (9) et « Jiu » (éternel) ont le même son et signifient « longue vie » et « longévité » en chinois, la fête du double neuf est aussi considérée comme la « fête des seniors » et la semaine qui suit le festival comme la « semaine des seniors ». Il s’agit de remercier les personnes âgées pour leur dur labeur et de promouvoir la vertu traditionnelle chinoise du respect des personnes âgées. Ainsi, la fête du chrysanthème a une signification bien plus grande que celle d’éviter les catastrophes.
Toutes les fêtes importantes ont une nourriture dédiée : la fête du double neuf ne fait pas exception. Le plat emblématique pour cette fête est le gâteau de Chongyang ou « Chongyang Gao ». Parce que « gâteau » et « élevé » sont des homonymes en chinois (qui se prononcent comme « gao »), manger du gâteau de Chongyang symbolise « tout s’élève » : ce qui implique une notion de bénédiction.
Chongyang a évolué au fil des ans et elle est devenue une fête diversifiée. Pour les particuliers, les activités consistant à grimper sur les collines et à faire voler des cerfs-volants peuvent renforcer le corps et l’esprit. La fête des personnes âgées promeut la piété filiale traditionnelle. La vertu de rétribution des faveurs introduit une touche humaine et enrichit également sa connotation.
Dans l’esprit de beaucoup de gens modernes, la fête de Chongyang est une « fête mineure ». Pour diverses raisons, les gens ne connaissent pas beaucoup les coutumes de cette fête et n’y attachent pas autant d’importance qu’aux boulettes de riz gluant de la fête des Lanternes, ou aux gâteaux de lune de la fête de la Mi-Automne.
En fait, Chongyang est une fête importante dans l’histoire. Elle incarne la tradition de respect, d’honneur et d’amour des personnes âgées. Avec le vieillissement croissant de la société chinoise, la signification de cette fête est devenue de plus en plus importante.
À quoi ressemble un gâteau de Chongyang ?
Dans le vieux Pékin, il existe différentes manières de préparer ce gâteau : celle du palais, celle des pâtissiers professionnels et celle du peuple.
La méthode la plus simple est de les cuire à la vapeur. Mais chez les gens ordinaires, personne n’a un panier vapeur assez haut pour cuire neuf couches à la fois. Les gâteaux populaires sont donc cuits en trois temps, dans trois couches de paniers à chaque fois, puis empilés les uns sur les autres.
Les anciens Pékinois appelaient la boutique de gâteaux et de desserts populaires « Boutique Bobo » où le gâteau est généralement cuit au four ou grillé.
Il existe deux types de gâteaux chongyang : le gros gâteau chongyang, généralement garni de cacahuètes et de dattes, et le petit gâteau chongyang, généralement garni de fruits secs, comme des pommes, des pêches et des poires séchées.
Les garnitures sont généralement de différentes couleurs, de préférence cinq : comme les dattes rouges, les fruits verts, les pêches séchées jaunes et les melons d’hiver blancs. Les cinq couleurs, comme les cinq éléments du yin et du yang, symbolisent : atteindre un équilibre. Plus il y a de nourriture, plus elle est savoureuse et les enfants adorent toute cette profusion.
Autrefois, dans le vieux Pékin, les personnes les plus riches se rendaient chez les pâtissiers renommés pour les acheter, tandis que les personnes les plus pauvres les faisaient cuire chez elles, à la vapeur. Même les moins fortunées utilisaient du sucre brun et de la pâte de sésame pour faire cuire à la vapeur des gâteaux de jujube. Ils sont beaux, savoureux et reflètent la saison des fêtes, ce qui explique pourquoi ils étaient si populaires dans le passé.
Des retrouvailles autour de barbecues et de fondues
Outre le gâteau aux chrysanthèmes, certaines familles aisées faisaient rôtir de la viande sur un gril chaud pendant leur sortie d’automne ou dans leur jardin.
Le plus célèbre était celui de M. Liang Shih-chiu, un célèbre essayiste, érudit, critique littéraire et traducteur de la république de Chine. Chez eux, il était possible d’avoir un barbecue deux fois par an : tous les deux en automne. C’était une grande occasion de faire un barbecue. De plus, il y avait la tradition de la fondue aux chrysanthèmes.
La fondue aux chrysanthèmes était principalement composée de fines tranches d’agneau cuites instantanément. Mais avec l’ajout de fleurs de chrysanthème, le goût était plus soutenu et festif. Il est dit que l’impératrice douairière Cixi l’appréciait à l’époque.
Aujourd’hui, il existe un jardin botanique médicinal dans la banlieue ouest de Pékin, ainsi qu’un jardin alimentaire médicinal à proximité qui proposent des fondues aux chrysanthèmes, lorsque vient la saison. Le hotpot (la fondue) de chrysanthèmes est servi avec des chrysanthèmes entiers ou des pétales de chrysanthèmes.
Manger plus de poires, se coucher tard et se lever tôt
Pendant la fête du double neuf, les gens disent « Ne te découvre pas d’un fil au printemps, et ne t’habille pas trop en automne ». L’automne coïncide avec le changement de saison et le manque d’équilibre du qi affecte le système respiratoire et les méridiens pulmonaires : vous devez donc les nourrir. Il existe de nombreuses variétés de poires disponibles à cette époque de l’année. Elles sont peu coûteuses et ont pour effet de nourrir le yin et d’hydrater les poumons.
En termes de mode de vie, il est recommandé de « se coucher tôt et se lever tôt pour maintenir une bonne santé ». Mais, pendant cette période, les gens feraient mieux de dormir tôt et de se lever tard. Pourquoi ? Le sommeil suit le lever et le coucher du soleil. Couchez-vous plus tôt quand il fait nuit et levez-vous le matin quand le soleil est sur le point de se lever. Certaines personnes aiment utiliser de l’eau froide pour se laver le visage et se baigner, mais attention, veillez à ce que la température de l’eau soit supérieure à 10 degrés Celsius. C’est bon pour la santé si vous le faites pendant une longue période. À partir de ce moment, chacun doit renforcer sa volonté et l’exercice physique, qui ont tous un effet positif.
L’automne et l’hiver sont le moment de prendre des compléments toniques. Mais bien sûr, ce qu’il faut prendre est différent pour chaque individu, il est donc important de consulter son médecin et de prendre des compléments toniques de manière ciblée. L’hiver est la saison où l’on préserve son énergie. Ce n’est qu’en se nourrissant correctement à cette période de l’année que l’on aura de la force lorsque le printemps reviendra.
En bref, il serait souhaitable de manger moins de nourriture épicée et plus de choses acides, sucrées et nourrissantes. Par exemple, le gâteau Chongyang est une pâtisserie contenant beaucoup de fruits secs nutritifs, ce qui est un bon tonique pour le corps, selon la médecine traditionnelle chinoise. Lorsqu’il est question de tonique, certaines personnes pensent à manger plus de protéines, mais en réalité, celles-ci ne sont pas adaptées à toutes les constitutions.
Où pouvait-on aller dans les hauteurs du vieux Pékin ?
Autrefois, les transports n’étaient pas aussi pratiques qu’aujourd’hui et il était plus difficile de gravir les hauteurs lorsqu’on vivait à Pékin où il n’y a pas de montagne en ville. Il fallait trouver des solutions. Plus près, il y avait les ruines de la muraille de la dynastie Yuan.
À l’époque, les lettrés marchaient pendant une heure environ depuis Deshengmen ou Andingmen pour arriver ici. Ils faisaient rôtir de la viande, faisaient des poèmes et admiraient le paysage au loin, puis rentraient chez eux dans l’après-midi.
Il y avait quelques endroits dans la ville où il était possible de grimper, comme la pagode du temple Tianning. Bien qu’il n’était pas possible d’escalader la tour, elle se trouvait sur un terrain élevé et constituait un bon endroit pour grimper. Il existait également des pagodes sur le côté est de la ville méridionale, comme la pagode du temple Tianzang : elles pouvaient être accessibles. Il y avait également des foires de temple près de ces pagodes lors de la fête du double neuf, qui étaient aussi intéressantes à voir.
Les foires des temples avaient généralement lieu le jour du Nouvel An, ou lors des foires commerciales habituelles des temples. Mais pour Chongyang, de nombreux endroits du vieux Pékin où l’on pouvait monter sur les hauteurs organisaient également des foires des temples.
Dans le passé, de nombreux temples organisaient des événements de contemplation des chrysanthèmes, avant et après Chongyang. C’était un moyen pour les bouddhistes de se rapprocher du monde, de promouvoir le bouddhisme et de tisser des liens d’affinité. Des gâteaux aux chrysanthèmes étaient également confectionnés dans les temples et certaines activités y étaient organisées, comme la construction d’une pagode de neuf étages avec des chrysanthèmes : elle était très impressionnante. Les foires des temples étaient des lieux parfaits pour les familles peu aisées qui passaient une bonne fête sans dépenser trop d’argent.
Comment apprécier les chrysanthèmes dans le vieux Pékin
Dans l’ancien Pékin, il était de tradition de conserver des chrysanthèmes à la maison et d’en profiter. Dans ses mémoires, M. Zhang Henshui, un romancier populaire et prolifique chinois du XXe siècle, a déclaré que chaque année, lorsque les chrysanthèmes étaient en pleine floraison, il achetait des centaines de pots de chrysanthèmes et les exposait dans sa maison, dans son bureau, sur la véranda et partout. À cette époque, il existait autant de variétés de chrysanthèmes qu’aujourd’hui et les personnes aisées plantaient des chrysanthèmes chez elles.
L’expert le plus connu en plantation des chrysanthèmes s’appelait Liu Qiyuan. Son jardin se trouvait près du Mémorial Xu Beihong, à Xin Jie Kou Wai. Sa famille cultivait des chrysanthèmes depuis des générations et était très célèbre dans le vieux Pékin. En 1962, trop âgé, Liu Qiyuan n’avait plus de force pour s’occuper de ses chrysanthèmes, il a cédé toutes ses fleurs au parc Beihai de Pékin. C’est la raison pour laquelle une exposition de chrysanthèmes a lieu chaque année dans ce parc. Aujourd’hui, bien sûr, il existe encore plus de variétés.
Des vacances en Chine pour célébrer la fête du double neuf ?
Autrefois, la fête Chongyang était très animée. Rien que pour préparer les garnitures et la pâte des gâteaux Chongyang, il fallait prendre deux ou trois jours d’avance. Mais aujourd’hui, les gens n’ont ni le temps ni l’énergie pour le faire.
Aujourd’hui, la fête du double neuf n’est pas un jour férié en Chine. Les activités de grimper les montagnes ou de contempler des chrysanthèmes ne peuvent pas se dérouler avec un cœur détendu. Certains Chinois proposent d’instaurer une journée de vacances le jour de la fête Chongyang afin que les gens puissent passer du temps avec leurs familles et leurs amis, rendant ainsi à cette fête toute sa dimension.
La fête du double neuf a été désignée comme une fête pour les personnes âgées. Mais si les jeunes sont au travail, les personnes âgées ne peuvent pas célébrer la fête. S’occuper des personnes âgées ne consiste pas simplement à leur offrir des cadeaux, mais aussi à prendre soin d’elles et passer du temps avec elles. Une fête traditionnelle bien réussie ne nécessite en réalité que deux éléments essentiels : le temps et l’ambiance.
Rédacteur Yi Ming
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