Le cinquième jour du cinquième mois lunaire se déroule en Chine, mais aussi dans toutes les régions influencées par la culture ancestrale chinoise, le festival des bateaux-dragons, plus connu sous le nom de fête du double cinq, fête de Duanwu ou encore festival Duan Yang.
Ce festival célèbre la mémoire de Qu Yuan 屈原 (343-278 av. J.-C.) : un ministre et poète du Royaume de Chu. Cette fête est entourée de traditions en lien avec l’entrée dans la période chaude, la prévention des maladies, l’unité familiale et nationale.
La fête de Duanwu remonte à la période des Printemps et Automnes, sous la dynastie des Zhou orientaux (771-256 av. J.-C.), il y a plus de 2 000 ans. Elle commémore la mort de Qu Yuan qui a donné sa vie pour son royaume, en se jetant dans le fleuve Miluo, à la suite de la défaite du royaume de Chu contre le royaume de Qin. La légende veut que les riverains, n’ayant pas retrouvé son corps, ont jeté du riz emballé dans des feuilles de bambou, pour détourner l’attention des poissons du corps de Qu Yuan.
De manière à rendre hommage à cet homme intègre, qui a fait don de sa vie pour son royaume, la coutume d’organiser des courses de bateaux-dragons, de consommer des boulettes de riz farcis emballés, appelées zongzi, ainsi que d’autres traditions ancestrales constituent depuis, le cœur du festival Duan Yang ou festival des bateaux-dragons.
Les courses de bateaux-dragons
Le bateau-dragon est une pirogue avec une proue en forme de tête de dragon. Bateau-dragon se dit en chinois 龍舟 (Lóng Zhōu), 龍 pour dragon, 舟 pour bateau. L’utilisation du bateau-dragon remonte à des origines très anciennes et serait liée aux rites de protection en lien avec le réveil du dieu dragon de son hibernation. La course des bateaux-dragons coïncide aussi à l’époque des grandes chaleurs et de la venue des épidémies. Elle serait alors considérée comme un rite de protection contre les épidémies et les catastrophes.
Un autre symbole du bateau-dragon est en lien avec deux proverbes construits autour du caractère chinois pour bateau.
Le premier proverbe est : 同舟共濟 qui pourrait être traduit par « être sur le même bateau ensemble » et interprété dans le cadre de la course des bateaux-dragons comme « traverser ensemble le fleuve » : « réussir ensemble », « rester uni face à l’adversité ». Cela pourrait aussi être mis en relation avec la mort de Qu Yuan qui reste uni aux combattants morts pour le royaume.
Le second proverbe est : 逆水行舟, qui pourrait être traduit par « conduire le bateau à contre-courant », ou « ramer dans le sens contraire, aller à contre-courant ». Des explications diverses pour ce proverbe, ils reflètent le fait que les conseils de Qu Yuan n’avaient pas été suivis, ce qui a peut-être contribué à la défaite du royaume de Chu.
Aujourd’hui, cette coutume ancestrale chinoise rencontre un succès dans la communauté asiatique où les courses de bateaux-dragons sont fortement appréciées par le public, uni autour de cette coutume d’origine chinoise qui marque l’appartenance au peuple Han.
Les zongzi et les autres traditions du festival des bateaux-dragons
De nombreuses autres traditions accompagnent le festival des bateaux-dragons.
Tout d’abord les fêtes traditionnelles chinoises ont toutes une composante culinaire incontournable. Et bien que manger des boulettes de riz farcies ne soit pas strictement réservé au festival de Duan Yang, il en constitue une partie importante et est en lien avec la commémoration de la mort de Qu Yuan. Les zongzi, des boulettes de riz farcis emballées dans des feuilles de bambous, sont parfois salées et épicées dans les régions du Sud et plutôt sucrées dans les régions du Nord de la Chine. Il y a aussi des œufs ou des baozi.
Une autre composante des fêtes traditionnelles est la protection du corps et de l’esprit. Ainsi, l’armoise est la plante la plus souvent utilisée pour ces vertus considérées comme magiques tant pour le bénéfice du corps que pour la protection contre les mauvais esprits. Vient ensuite l’acore odorant, ou acorus calamus, un jonc odorant qui protège contre les épidémies.
Dans les temps anciens cette plante permettait de fabriquer des éventails et participait ainsi à la lutte contre les épidémies, tout en soulageant de la chaleur. Pour se protéger, les soies de cinq couleurs, représentant les cinq éléments et les directions étaient aussi utilisées. Elles symbolisaient la garantie d’une année passée sous de bons auspices.
Le festival des bateaux-dragons est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2009. Selon l’Unesco, « Le festival du bateau-dragon renforce les liens dans les familles et crée un chemin vers l’harmonie entre l’humanité et la nature. Il encourage aussi l’expression de l’imagination et de la créativité et contribue à raviver le sentiment d’identité culturelle ».
Ce festival au-delà du côté festif, reste avant tout un moment dédié aux retrouvailles dans la famille, mais aussi avec un peuple partageant les mêmes coutumes. Son aspect festif et culinaire lui a permis de traverser les vicissitudes de la révolution culturelle. Mais sa représentativité en tant que symbole d’unité nationale reste peut-être encore à construire aujourd’hui dans la Chine gouvernée par le Parti communiste chinois.
Collaboration Yi Ming
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