D’après les livres d’histoire que l’on trouve aujourd’hui documentant le thé, ce qui peut être enregistré dans le cadre de l’histoire officielle, c’est ce qui s’est passé sous la dynastie des Zhou il y a plus de 3 000 ans.
Le thé était un tribut précieux cultivé spécialement pour le roi Wu de Zhou
Selon les Chroniques de Huayang* - Chroniques du Ba, après que le roi Wu de Zhou (vers 1076-1043 av J.C.) eut conduit l’armée Zhou et les seigneurs à la conquête du roi Zhou de Shang (1105-1046 av J-C), il installa l’un de ses hommes de clan dans le pays de Ba. Il s’agissait d’un vaste territoire qui occupait une grande partie de l’actuel Sichuan. En tant que vassal, il était naturel que le roi de Ba paie un tribut au roi Wu de Zhou (le Fils du Ciel).
Les Chroniques du Ba nous donnent une liste de ces tributs : mûrier, vers à soie, chanvre, poisson, sel, cuivre, fer, laque, thé, miel, tortues sacrées, rhinocéros géants, faisans, toile fine jaune, etc.
Puisqu’il s’agit d’un tribut, il doit être précieux. Les Chroniques du Ba font suivre cette liste des tributs des mots suivants : « Parmi les fruits précieux du pays, il y a les litchis dans les arbres … et le thé parfumé dans les jardins. » On voit donc que le thé offert en tribut n’était pas un thé sauvage des montagnes, mais un thé savoureux provenant d’un jardin de thé spécialement cultivé.
Selon les Rites des Zhou, chapitre 2 - Les fonctionnaires terrestres, la dynastie des Zhou (1045 -256 av. J.-C.) a mis en place vingt-quatre personnes pour gérer le thé. Vingt-quatre personnes étaient nécessaires pour gérer le thé, à quoi cela servait-il ? Le livre explique que le thé était une offrande indispensable pour les royaumes lors des cérémonies funéraires et qu’il fallait une équipe spéciale pour s’en occuper. Par ailleurs, le Classique des documents ou Shang Shu explique que le thé était utilisé comme offrande à la place de l’alcool sous le règne du roi Cheng des Zhou (XIe siècle - 1021 av. J.-C.). Il est clair que le thé jouissait déjà d’un statut élevé dans la dynastie des Zhou, il y a 3 000 ans.
Il n’est donc pas surprenant que « tu » (荼) - l’ancien caractère pour le thé (茶) - se retrouve souvent dans le Classique des vers, le plus ancien recueil de poésie chinoise, qui contient 305 poèmes datant du début de la période des Zhou occidentaux jusqu’au milieu de la période des Printemps et Automnes (environ du XIe au VIe siècle av. J.-C.).
Une fausse légende sur l’origine du sinogramme pour le « thé » : un manque de respect envers les anciens
En écrivant ces lignes, je me souviens de cette histoire très ancienne sur la découverte du thé par Shennong : on dit que Shennong avait un estomac de cristal qui lui permettait de voir le mouvement péristaltique des aliments dans son estomac et ses intestins. Lorsqu’il a goûté le thé, il a constaté que le thé circulait dans son ventre, comme un soldat qui faisait des contrôles et nettoyait son estomac et ses intestins, et Shennong a donc appelé cette plante « contrôle » (查, cha). Le mot « contrôle » s’est ensuite transformé en « cha » (茶, thé) avant de devenir le nom de cette plante en chinois « cha » (茶, thé).
Cette histoire devrait être inventée par les générations suivantes. La raison en est simple : selon Gu Yanwu (1613-1682), érudit de la dynastie Qing (1644-1911), la forme, le son et la signification du sinogramme « thé » devraient remonter à la dynastie Tang (618–907). Et Lu Yu (733-804), en rédigeant le premier ouvrage au monde sur le thé, le « sutra du thé », a unifié les nombreux noms de thé qui circulaient dans le sinogramme « thé », ce qui constitue une contribution majeure de Lu Yu.
Bien entendu, cela signifie simplement que, depuis la période antérieure à la dynastie Qin (221 à 206 av. J. -C.) jusqu’à la dynastie Tang, le son, la forme et le sens du siogramme « thé » sont restés imprécis, en fait, dès la dynastie Han (206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.), le siogramme « thé » a vu le jour. Et le caractère « thé » est également apparu dans les ouvrages ultérieurs écrits pendant les Trois Royaumes (220–280) et la dynastie Jin (265–420).
Ces informations nous permettent de déduire que la sonorité et la signification du sinogramme « thé » ne datent pas de l’époque de Shennong, alors d’où vient l’utilisation du mot « contrôle » pour désigner le « thé » ? Je dirais que l’histoire de Shennong appelant cette plante « contrôle » est une invention des générations ultérieures qui est loin d’être la vérité.
En fait, du point de vue du respect des ancêtres, cette invention est en soi un manque de respect. Mais ce « manque de respect » reste inaperçu par les générations futures, pour qui il s’agit même d’une glorification et d’une mythologisation de leurs ancêtres. Au cours des milliers d’années de civilisation, de telles choses se sont répétées en obscurcissant la vérité de l’histoire.
L’histoire authentique a vocation de servir d’expérience et de référence pour les générations futures. Lorsque l’histoire est délibérément ou involontairement altérée, elle peut, avec le temps, conduire à des malentendus. Au fur et à mesure que les faussetés se multiplient, la fonction de référence de l’histoire s’affaiblit de plus en plus, créant une confusion lors de la transmission de la culture et égarant les générations futures.
C’est dans cet esprit que cette série a tenté de rétablir la véritable histoire. Lors de la recherche d’informations, nous faisons soigneusement la distinction entre ce qui est une « histoire » et ce qui est vrai, afin de donner aux lecteurs une image fidèle et complète des nombreux aspects du thé et de la culture du thé.
*Les Chroniques de Huayang sont l’une des plus anciennes chroniques locales conservées en Chine. Il a été rédigé par Chang Qu sous la dynastie des Jin orientaux (317-419), un érudit qui avait effectué de nombreux entretiens sur le terrain. Il a rédigé cet ouvrage en 12 volumes avant 355 après J. -C., en s’appuyant sur une source d’information très riche.
Rédacteur Yi Ming
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