Les Chinois qualifient souvent un bon mariage de « prédestiné à trois vies » ou une super chance de « bénédiction de trois vies ». Mais que signifie le terme « trois vies » ? Il vient en fait de la compréhension des anciens Chinois, sur la réincarnation d’une âme vie après vie dans le Bouddhisme.
D’après la culture traditionnelle chinoise, avant de commencer une nouvelle vie, l’âme d’une personne décédée doit d’abord parcourir un chemin dans le monde des morts puis traverser la rivière de l’oubli. Pour cela elle franchit le pont de la réincarnation sur cette rivière, avant de monter sur une terrasse afin de jeter un dernier regard sur sa famille.
Ensuite l’âme descend de la terrasse et boit une potion servie par une vieille dame nommée Meng Po (孟婆) ou Dame de l’oubli, afin d’effacer sa mémoire et de commencer sa nouvelle vie.
Dans le Bouddhisme, l’âme est immortelle et se réincarne sans cesse
Ces destins du passé, du présent et du futur sont inscrits sur un rocher nommé « San Sheng Shi » (三生石 : rocher de trois vies) à côté de la rivière de l’oubli. Les réincarnations suivent ces arrangements prédestinés.
D’après le bouddhisme, l’âme est immortelle, elle se réincarne sans cesse. Chaque vie sert à tisser des liens prédestinés pour rembourser les dettes accumulées dans les vies précédentes ou bénéficier de la rétribution bienveillante due aux bonnes actions réalisées antérieurement : il s’agit d’une rétribution karmique, selon le principe de causalité.
Une légende tirée du recueil de légendes intitulé Chansons de pluie douce (甘澤謠 : Gan Ze Yao) écrit par Yuan Jiao (袁郊), sous la dynastie Tang (唐 : 618-907) est le témoignage de ce concept. Cette légende parle de deux amis qui honorent leur promesse pour se retrouver durant trois réincarnations.
Yuan Guan demanda à Li Yuan de le retrouver 12 ans plus tard,
à minuit, lors de la Fête de la Mi-automne, au temple Tianzhu à
Hangzhou, une ville de l’Est de Chine. (Image : wikimedia / CC-PD-Mark)
Trois vies : du moine au berger en passant par le nouveau-né
C’était à la fin du règne de l’empereur Daizong (762-779) de la dynastie des Tang (唐朝). Un moine nommé Yuan Guan vivait au temple Huilin à Luoyang, dans l’actuelle province de Henan. Il était très doué pour l’agriculture et la musique. Li Yuan, le fils d’un noble, avait décidé de se retirer dans ce temple, après l’assassinat de son père. Yuan Guan et Li Yuan devinrent de bons amis et passèrent trente ans à cultiver le bouddhisme ensemble.
Un jour, ils décidèrent d’aller à Shu Zhou, une ville située aujourd’hui dans la province de Jiangsu, pour poursuivre leur cultivation. Yuan Guan voulait passer par la capitale Chang’an, tandis que Li Yuan, toujours attristé par la mort de son père, insistait pour passer par les Trois Gorges du fleuve Yangsté de manière à éviter les mauvais souvenirs liés à la capitale. À la fin, Yuan Guan céda et dit : « C’est mon destin, allons-y. Prenons le bateau et passons par les Trois Gorges. »
Un jour, alors que leur bateau accostait sur la rive, une femme enceinte vint puiser de l’eau dans le fleuve. Les larmes aux yeux, Yuan Guan dit à Li Yuan qu’il allait mourir le soir même et se réincarner en l’enfant de cette dame. C’était justement pour l’éviter qu’il avait voulu emprunter un autre chemin.
Il demanda à Li Yuan d’aller voir le nouveau-né trois jours après sa naissance. Si le bébé lui souriait, c’est qu’il reconnaissait son ancien ami après sa réincarnation. Par la suite, le bébé décèderait pour se réincarner encore une fois. Yuan Guan demanda à Li Yuan de le retrouver 12 ans plus tard, à minuit lors de la Fête de la Mi-automne, au temple Tianzhu à Hangzhou, une ville de l’Est de la Chine.
Li Yuan regretta profondément d’avoir insisté pour que l’on suive son propre itinéraire, mais il n’y pouvait rien, car c’était leur destin. Tout s’est passé comme Yuan Guan l’avait prédit.
Douze ans plus tard, à la Fête de la Mi-automne, Li Yuan se rendit au temple Tianzhu à Hangzhou pour retrouver son ami. À minuit, il vit un jeune berger assis sur le dos d’un buffle, s’approcher en chantant : « Je suis un esprit sur le rocher de trois vies. Admirons la lune et écoutons le vent, c’est du passé. Désolé de vous faire venir de si loin pour me rendre visite. Mon corps a changé, mais mon esprit demeure le même ».
Li Yuan le salua et dit : « Comment allez-vous, Yuan Guan ? » Mais le jeune berger lui répondit : « Vous êtes un homme de parole. S’il vous plaît, n’approchez pas, car maintenant nous allons devoir tisser d’autres liens prédestinés dans ce monde. Restons diligents dans notre cultivation, nous nous reverrons plus tard. » Li Yuan, les larmes aux yeux, regarda de loin son vieil ami qui lui tournait le dos s’en allant lentement.
Le jeune berger continua à chanter : « Le passé est très loin, l’avenir est incertain. J’évite de parler du destin pour ne pas vous attrister. Après cette rencontre entre les montagnes et les ruisseaux à Wuyue, faites demi-tour et retournez à Qutang ! »
Un rocher pour témoigner de la fidélité à la promesse donnée
Le terme « trois vies » signifie ici les trois réincarnations de Yuan Guan, du moine au berger en passant par le bébé. Le rocher, qui est le lieu de leurs retrouvailles, est ainsi appelé « San Sheng Shi » pour témoigner de leur fidélité à leur promesse.
Aujourd’hui, ces trois caractères (三生石: rocher de trois vies), ainsi que l’histoire de Yuan Guan, sont inscrits sur un rocher haut de dix mètres qui fait partie des 16 sites touristiques traditionnels de Hangzhou, ville historique chinoise. La notion de « trois vies » perdure encore elle aussi jusqu’à nos jours.
Rédacteur Yi Ming
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