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Tradition. L’élégance du guqin dans la culture traditionnelle chinoise

CHINE ANCIENNE > Tradition

Dans la Chine ancienne, les lettrés et les érudits jouaient souvent du guqin. Ils recherchaient, à travers la musique : la tranquillité intérieure, la clarté morale et l'illumination. Transmis par les Trois Augustes et les Cinq Empereurs, cet instrument, conçu pour ressembler au corps d'un phénix, avait pour but d'aider les gens à s'harmoniser avec le Ciel et la Terre, à cultiver leur caractère et à revenir à l'authenticité.  

Le qin (琴), ou cithare chinoise, est l'un des plus anciens instruments de musique à cordes pincées de l'histoire de la Chine. Il était considéré comme le « roi des instruments » par les peuples anciens. On l'appelle aujourd'hui guqin (古琴), littéralement la « cithare ancienne ».

L'élégance du guqin dans la culture traditionnelle chinoise
Le qin (琴), guqinou cithare chinoise, est l'un des plus anciens instruments de musique à cordes pincées de l'histoire de la Chine. Il était considéré comme le « roi des instruments » par les peuples anciens. (Image : Musée Nationale du Palais de Taiwan / @CC BY 4.0)

Le son du qin est élégant et mélodieux. Il appartient à une tradition profonde, intimement liée à la vision du monde et au mode de vie des Chinois des temps anciens

Dans son poème Jouer du qin la nuit(夜琴), le poète de la dynastie Tang, Bai Juyu (白居易, 772-846), décrit son état d'esprit serein, alors qu'il pince tranquillement les cordes soyeuses de l'instrument par une nuit tranquille au clair de lune : peignant ainsi un tableau magnifique.

蜀琴木性實
 楚絲音韻清
 調慢彈且緩
 夜深十數聲

Un qin en bois massif de Shu
La soie de Chu émet un son clair
Jouant la mélodie lentement et en douceur
Dans la profondeur de la nuit, une douzaine de notes abondent ?

Le qin et son importance dans la culture chinoise

L'élégance du guqin dans la culture traditionnelle chinoise
Selon la légende, les Ancêtres de la civilisation chinoise, dont les souverains Fuxi, Shennong, Yao et Shun, ont créé le qin en sculptant du bois de Paulownia (削桐為琴) et en utilisant de la soie pour ses cordes. (Image : wikimedia / Qiu Ying / Domaine public)

Selon la légende, les ancêtres de la civilisation chinoise, dont les souverains Fuxi, Shennong, Yao et Shun, ont créé le qin en sculptant du bois de Paulownia (削桐為琴) et en utilisant de la soie pour ses cordes. Ces monarques semi-divins avaient pour but d'aider leur peuple à côtoyer les vertus du divin, à s'harmoniser avec le Ciel et la Terre, à cultiver leur caractère et à revenir à l'innocence. Par exemple, dans Le registre de la musique(樂書), un chapitre des Archives du Grand Historien (史記), il est écrit que le sage empereur Shun a utilisé le qin pour éduquer le peuple de son royaume : « Shun fabriqua un qin à cinq cordes et joua les Odes du Sud ».

Les souverains ultérieurs ont ajouté deux cordes, ce qui a donné leqin à sept cordes. Selon le Recueil des coutumes populaires(風俗通), rédigé à la fin de la dynastie Han, « les sept cordes représentent les sept étoiles. La grande corde représentant le souverain et la petite corde le sujet. Le roi Wen et le roi Wu, les fondateurs de l'ancienne dynastie Zhou, ont ajouté deux cordes pour signifier l'harmonie entre le souverain et le sujet ».

Le guqin incarne les connotations culturelles traditionnelles de la Chine

L'élégance du guqin dans la culture traditionnelle chinoise
Le qin est conçu pour ressembler au corps d'un phénix, l'ensemble de son corps correspondant à celui du phénix, y compris la tête, le cou, les épaules, la taille, la queue et les pieds. (Image : wikimedia / Qiu Ying / Domaine public)

Le qinest conçu pour ressembler au corps d'un phénix, l'ensemble de son corps correspondant à celui du phénix, y compris la tête, le cou, les épaules, la taille, la queue et les pieds. La partie supérieure du qin est « ronde et fermée, suivant les Cieux » : ce qui représente le yang. Tandis que la partie arrière est « plate et carrée, suivant la Terre », ce qui représente le yin.  L'instrument produit trois types de sons : harmoniques (泛音), arrêtés (按音) et ouverts (散音). Ils symbolisent le Ciel, la Terre et l'Humanité en harmonie.

Les cinq cordes originales du qin représentaient les cinq éléments : le métal, le bois, l'eau, le feu et la terre. Elles représentent aussi les cinq notes présentes dans la musique traditionnelle chinoise : gong, shang, jue, zheng et yu (宮、商、角、征、羽). Les Anciens pensaient qu'une bonne éducation passait par le son. Ainsi, la musique était utilisée pour rectifier le cœur et l'esprit des gens. Il existe même un lien avec la médecine traditionnelle chinoise, qui considère que la musique est liée non seulement à la santé morale, mais aussi à la santé physique.

L'élégance du guqin dans la culture traditionnelle chinoise
Les Anciens pensaient qu'une bonne éducation passait par le son. Ainsi, la musique était utilisée pour rectifier le cœur et l'esprit des gens. (Image : wikimedia / Qiu Ying / Domaine public)
  • La note gongcorrespond à la rate et régule l'honnêteté et la fiabilité. Elle cultive la civilité et la largeur d'esprit.
  • La note shang correspond aux poumons et régule la droiture et la justice. L'entendre peut encourager la rectitude morale.
  • La note jue correspond au foie et régit la bienveillance et la vertu. Elle nourrit la nature compatissante et aimante d'une personne.
  • La note zheng correspond au cœur et régit la bienséance et le rituel. L'entendre favorise la bienveillance et la philanthropie.
  • La note yu correspond aux reins et régit la sagesse. Entendre le son yu rend digne et respectueux de l'étiquette.

L'esprit du qin

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Le guqin incarne le riche héritage culturel du confucianisme, du bouddhisme et du taoïsme, qui met l'accent sur l'harmonie avec la nature, la recherche de la paix intérieure et l'intégration des vertus humaines dans l'ordre cosmique. (Image : wikimedia / Qiu Ying / Domaine public)

Le guqin est imprégné d'une profonde tradition culturelle. Il incarne le riche héritage culturel du confucianisme, du bouddhisme et du taoïsme, qui met l'accent sur l'harmonie avec la nature, la recherche de la paix intérieure et l'intégration des vertus humaines dans l'ordre cosmique. Les joueurs de guqin recherchent la tranquillité intérieure, la clarté morale et l'illumination à travers leur musique.

Selon les Archives du Grand Historien, alors que les « sons » proviennent de la perception sensorielle directe, la « musique » englobe les principes universels de la moralité et de la vertu. Les anciens rois-sages ont établi des rites et de la musique non seulement comme un divertissement pour les oreilles, mais aussi comme un moyen de cultiver une compréhension plus profonde du bien et du mal, et d'aligner l'humanité sur les principes cosmiques.

Les sons apaisants et rythmiques évoquent des sentiments de tranquillité et de sérénité. Les sons solennels et sincères évoquent un sentiment de sérieux et de révérence. Les sons doux et harmonieux inspirent la compassion.

À l'inverse, les Anciens abhorraient les sons chaotiques, perturbateurs ou contenant des éléments maléfiques. Ils privilégiaient le maintien d'une paix intérieure. Cela permettait à leurs sens et à leurs facultés de fonctionner dans un état d'harmonie universelle.

Récits historiques sur les qin

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Confucius a expliqué que l'accomplissement de l'homme « commence par l'apprentissage de la poésie, se poursuit par l'apprentissage de l'étiquette et se termine par l'apprentissage de la musique ». (Image : wikimedia / 仇英 / Domaine public)

« Les Qin, les échecs, la calligraphie et la peinture » (琴棋書畫) étaient des compétences essentielles pour les lettrés de la Chine traditionnelle. Confucius accordait une grande importance à l'éducation musicale. Il a expliqué que l'accomplissement de l'homme « commence par l'apprentissage de la poésie, se poursuit par l'apprentissage de l'étiquette et se termine par l'apprentissage de la musique ». Il a compilé et édité le Classique de la musique, aujourd'hui perdu. C’est l'un des Six Classiques. Il l'a transmis à ses étudiants, ce qui en a fait un objet d'étude essentiel pour les érudits de la Chine ancienne.

Un jour, alors qu'il allait dans son royaume natal, le royaume de Lu, en revenant du royaume de Wei, Confucius remarqua des orchidées qui poussaient dans la nature. Il expliqua alors à ses étudiants : « Les orchidées poussent dans les vallées profondes et restent parfumées même en l'absence de personnes [pour les voir ou les sentir]. Un noble cultive la vertu et l'intégrité, quelle que soit l'adversité ». Il a ensuite composé et interprétéL'Ode à l'orchidée  (猗蘭操) à la gloire de l'orchidée.

La musique a également sauvé la vie de Confucius. Alors qu'il voyageait avec ses disciples dans le royaume mineur de Kuang, le vénérable professeur a été pris pour un criminel recherché et arrêté.

Apprenant que les habitants avaient l'intention de mettre Confucius à mort, ses disciples voulurent se battre pour sortir de Kuang. Mais Confucius est resté calme. Déclarant que sa vie ou sa mort dépendait de la volonté du Ciel. Il s'assit pour jouer du qin. Les habitants de Kuang furent tellement émus par la sincérité de son jeu qu'ils décidèrent qu'il ne pouvait pas être le criminel qu'ils recherchaient.

Les sonorités mélodieuses et persistantes du guqin s'harmonisent avec le caractère vertueux et les idéaux d'un gentleman. Quand Shi Kuang, de la période des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.), jouait du guqin « six chevaux levaient la tête pour écouter, des grues sombres éclataient en chants et en danses, et des poissons émergeaient des profondeurs pour écouter », ce qui lui a valu le titre de Sage de la musique dans les générations suivantes.

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Une légende évoque la capacité du musicien Bo Ya à évoquer des montagnes élevées et des cours d'eau par sa mélodie. (Image : wikimedia / shizhao (talk) 拍攝 / Fresque au Palais d’été, Pékin / Domaine public)

Une autre légende de la même époque évoque la capacité du musicien Bo Ya à évoquer des montagnes élevées et des cours d'eau par sa mélodie, une image facilement perçue par son compagnon Zhong Ziqi qui lui en parla. Bo Ya s'exclama : « Votre compréhension est profonde. Votre cœur résonne avec le mien ».

L'élégance du guqin dans la culture traditionnelle chinoise
Dans les dynasties suivantes, le guqin et ses sons ont continué à être associés à la pureté, à la discipline et à l'aspiration d'un gentilhomme à cultiver un caractère plus noble. (Image : wikimedia / Qiu Ying / Domaine public)

Dans les dynasties suivantes, le guqin et ses sons ont continué à être associés à la pureté, à la discipline et à l'aspiration d'un gentilhomme à cultiver un caractère plus noble. Li Bai de la dynastie Tang, le  Sage de la poésie, a écrit ces mots « ma main dansait au-dessus des pierres au clair de lune, mon genou soutenant les cordes fleuries du qin ». Bai Juyi, dans son poème Attendant la lune avec monqin (對琴待月), a exprimé son état intérieur :

玉軫臨風久
 金波出霧遲
 幽音待清景
 唯是我心知

L'accordeur de jade affronte le vent durable
Des vagues dorées émergent lentement dans la brume
Un son serein attend une scène pure
Que mon cœur seul peut connaître.

 Rédacteur Charlotte Clémence

Source : The Elegance of the Guqin

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