Dans la ville de Dongyang, à 3 heures et demie de Shanghai, dans l’est de la Chine, se trouve un ancien manoir construit au milieu du XVe siècle. On y trouve une lanterne gigantesque ornée de 400 000 perles de couleur, qui figure dans le Livre Guinness des records de 1999, comme la « plus grande lanterne du monde ».
Une lanterne gigantesque et exquise
En Chine, depuis la dynastie des Han occidentaux (206 av. J.-C. - 9 ap. J.-C.), la coutume veut que l’on suspende des lanternes colorées à l’occasion de la Fête des Lanternes. Depuis les dynasties Ming (1368 -1644) et Qing (1644 - 1912), la famille Lu de Dongyang avait l’habitude de décorer leur demeure de lanternes à l’occasion de cette fête. La lanterne de salon de la famille Lu, qui figure dans le livre Guinness des records, a été fabriquée en 1919. Elle mesure 4,05 mètres de haut, 2,10 mètres de diamètre et pèse 127,5 kilos.
Au sommet de la lanterne, trois bras en fer se croisent pour former un hexagone. Les bras en fer sont recouverts d’un baldaquin hexagonal, et sur les six côtés du baldaquin, il y a un perlage de perles colorées en forme de chauve-souris au-dessus, et un rideau de perles décoré de douze caractères chinois au-dessous, qui se lisent comme suit : « Le ciel étoilé brille comme en plein jour, d’innombrables merveilles éblouissent, et les lanternes de lotus colorées brûlent comme des torches. » (星辉不夜, 万象位摇, 结彩莲炬). Les six coins du baldaquin sont décorés de papillons en perles colorées.
La lanterne de salon de la famille Lu est en fait une immense guirlande de 27 lanternes. Au centre, il y a 3 lanternes principales, de haut en bas, à savoir une lanterne hexagonale en peau de bélier, une lanterne octogonale en soie et une lanterne rouge en corne de bélier. En outre, il y a six chaînes de lanternes (24 au total) sur les côtés. Ces lanternes sont décorées de perles et de rubans colorés avec des motifs de cithare chinoise, d’échecs, de calligraphie et de peinture, symboles classiques de la vie littéraire dans la Chine ancienne.
Le savoir-faire exceptionnel pour la fabrication des lanternes du salon
L’assemblage des lanternes de salon est très compliqué et doit être réalisé avec soin par des artisans expérimentés. Il existe de nombreux types de lanternes de salon. Depuis la dynastie Ming, il y a plus de cinq siècles, il existe plus de 500 types de lanternes, telles que les lanternes en corne de bélier, les lanternes en peau de bélier, les lanternes en perles, les lanternes en verre, les lanternes en bambou, les lanternes en gaze blanche, les lanternes en soie…
La plus exquise de ces lanternes est la lanterne en corne de bélier. Selon le Qinhuai Zhi (秦淮志 ou Les Annales du Qinhua) de la dynastie Qing, « les lanternes en corne de bélier étaient autrefois une spécialité de Jinling (l’ancien nom de Nanjing). Elles étaient fabriquées en faisant bouillir des cornes de bélier pour produire un liquide transparent, qui était ensuite solidifié et pressé en feuilles appelées " tuiles transparentes ". Ces feuilles étaient utilisées pour fabriquer des abat-jour de lanternes, d’où le nom de lanternes en corne de bélier. »
Le processus de fabrication d’une lanterne en corne de bélier consisterait à tremper la corne dans de l’eau à une température de 60 ou 70 °C, puis à l’étirer à l’aide d’une machine pour former deux abat-jour translucides hémisphériques, qui sont ensuite assemblés sans soudure. Les abat-jour de lanterne en corne de bélier traitée sont translucides et offrent de bonnes propriétés d’éclairage et de résistance au feu.
Généralement disponibles en jaune, blanc, cyan et rouge, les lanternes en corne de bélier peuvent être colorées ou peintes avec des motifs décoratifs. En raison de la complexité et du coût élevé de leur fabrication, les lanternes en corne de bélier étaient principalement utilisées dans l’antiquité, dans la cour impériale et les résidences des nobles. Malheureusement, l’art de fabriquer des lanternes en corne de bélier s’est perdu et il n’en reste que 40 dans toute la famille Lu.
Les lanternes en peau de bélier sont des lanternes décoratives fabriquées à partir de peau de bélier traitée, avec des portraits peints à l’extérieur. Dans le passé, des bougies étaient placées dans ces lanternes, nécessitant ainsi une surveillance humaine 24h/24 et 7j/7. Aujourd’hui, les bougies sont remplacées par des ampoules électriques pour des raisons de sécurité.
Les lanternes de salon ne sont pas exposées chaque année lors de la Fête des Lanternes, mais uniquement lors des années bissextiles et des grandes célébrations. Les lanternes de salon de la Maison des Lou ont fait l’objet de deux réparations majeures en 1998 et 2004, principalement pour réparer les cadres, le perlage et les rubans de soie. Avec le temps, les fils de soie se sont désintégrés et ont dû être refaits. Si l’un des abat-jour était endommagé, il fallait trouver des morceaux du matériau correspondant et les réparer à l’aide d’un petit fer à souder, cependant, il n’était pas possible de reproduire avec exactitude les abat-jour, de sorte que la restauration était la principale option.
Lanternes colorées allumées pendant les fêtes importantes et des événements familiaux
Depuis les dynasties Ming et Qing, accrocher des lanternes lors de la Fête des Lanternes est une tradition de la famille Lu. Lu Ge, le premier lettré de la dynastie Ming, a écrit un poème intitulé Fête des Lanternes comme preuve : « Sortant d’un mauvais temps continu, ce matin, je suis ravi par le nouveau ciel clair. Bien que je n’ai pas vu à quel point les lanternes sont belles la nuit, je suis ravi de voir la brillante lune. Aujourd’hui, les gardes vont se détendre de leurs devoirs, et le sablier de jade ne sonnera pas l’heure. Si seulement année après année, la vie pouvait être ainsi ! »
En plus de la Fête des Lanternes, des lanternes sont également suspendues lors de la présentation des registres généalogiques, du culte des ancêtres et de l’ouverture des temples ancestraux.
Outre la « plus grande lanterne de salon », la famille Lu possède une collection de plus de 300 lanternes de cour, allant de plus de 3 mètres à quelques centimètres de haut, faites de bois, de bambou, de soie, de verre, de peau de mouton et de perles colorées.
Ces lanternes colorées sont divisées selon les quatre saisons : printemps, été, automne et hiver. Les lanternes de printemps, symbolisées par des lanternes en soie rouge et verte, représentent le soleil printanier brillant et la terre remplie d’une lumière rouge éclatante. Les lanternes d’été sont faites de fibres de bambou, symbolisant la croissance et la vitalité de chaque branche et feuille. Les lanternes d’automne sont faites de soie blanche et de fil de soie, symbolisant la pureté et la clarté. Les lanternes d’hiver sont des lanternes en peau de bélier peintes, symbolisant la douceur et le bon augure.
Caractéristiques uniques des lanternes colorées de la famille Lu
Dans les temps anciens, la famille Lu comptait quatre générations de fonctionnaires. De la dynastie Ming à la dynastie Qing, plus de 150 célébrités culturelles sont apparues dans la famille Lu. La maison de la famille Lu a été construite entre 1456 et 1462 sous la dynastie Ming. Le salon Suyong, solennel et gracieux, ordonné et harmonieux, est le bâtiment central de la Maison Lu, reflétant les caractéristiques humanistes confucéennes de la famille Lu.
Les lanternes de la famille Lu suivent également la tradition confucéenne. Les avant-toits du salon Suyong sont décorés de lanternes en perles émaillées, symbole d’une descendance nombreuse. Au milieu du salon, la célèbre lanterne de salon est suspendue. Six lanternes carrées sont suspendues sous les poutres, ce qui signifie que tous les descendants de Lu sont droits et constituent les piliers de la société.
Dans les pièces secondaires situées de part et d’autre du salon principal, des lampes en forme d’entonnoir sont suspendues, ce qui signifie que la richesse est rassemblée au sein de la famille Lu. La famille Lu a également suspendu cinq lanternes avec des fleurs de prunier. La fleur de prunier est une fleur de bon augure, et accrocher cinq lanternes signifie que la fleur de prunier fleurira cinq fois, que les cinq fils réussiront dans leurs études et que les cinq céréales seront abondantes, ce qui constitue autant de signes de bon augure. La maison de Lu héberge aujourd’hui plus de 300 lanternes centenaires de différents types, suspendues dans le salon principal de la demeure.
Ce qui distingue les lanternes de la famille Lu des autres lanternes folkloriques de Dongyang, c’est leur artisanat exquis, qui intègre les techniques artistiques uniques de Dongyang en matière de sculpture sur bois et de tressage de bambou. Par exemple, les cadres des lanternes en bois sont sculptés de têtes de dragon et de phénix à chaque coin.
L’incarnation vivante de la philosophie de la famille Lu, qui consiste à « transmettre la poésie et les rituels à la descendance », est particulièrement évidente dans leurs lanternes : les surfaces des lanternes sont ornées de calligraphies et de peintures, réalisées par des célébrités ou tirées des œuvres littéraires de la famille Lu.
Différents styles de calligraphie sont présents : style régulier, style clérical, style courant et style cursif. Les peintures vont du coup de pinceau au réalisme, avec un large éventail de sujets. Les paysages représentent des sommets montagneux et des cascades parsemées de pavillons et de ponts, tandis que les personnages se livrent à diverses activités, telles que des courtisanes, des enfants qui s’ébattent, qui font des parties d’échecs ou des pique-niques.
Ces œuvres littéraires et artistiques de grande qualité sont inextricablement liées aux siècles d’accumulation culturelle de la famille Lu, caractérisée par la transmission de la poésie et des rituels au sein de la famille et par l’amélioration continue des résultats académiques.
Sous les dynasties Ming et Qing en particulier, les membres de la famille Lu se liaient souvent d’amitié avec des érudits et des fonctionnaires célèbres de l’époque, ce qui a conduit à la création de ces lanternes exquises.
Lu Qiyuan, président de l’association de recherche historique et culturelle de la Maison Lu de Dongyqng, a fait remarquer : « On peut dire que notre génération a toujours attendu le Nouvel An chinois avec impatience. D’une part, il y avait de délicieux repas et de nouveaux vêtements à porter, d’autre part, la maison était remplie de magnifiques lanternes. Cette atmosphère festive a duré jusqu’à la révolution culturelle de 1966, lorsque la plupart des reliques historiques et des coutumes traditionnelles ont été détruites sur ordre du Parti communiste chinois (PCC) ».
La Maison Lu de Dongyang, dont l’histoire remonte à 1456
La Maison Lu, vieille de 500 ans, est un complexe résidentiel traditionnel de la famille Lu, qui a été construit à partir de 1456. L’ensemble du manoir couvre une superficie d’environ 5 hectares, avec plus de 40 salles ancestrales, des jardins, des académies, des temples et 26 portes. La Maison Lu est centrée sur le temple ancestral de la famille Lu, qui est entouré de trois salons principaux, dont le salon Suyong constitue l’axe central. Il s’agit du grand salon public de la famille Lu, qui peut accueillir un grand nombre de personnes.
Avec l’espace d’une cour traditionnelle au nord et la minutie d’un jardin au sud du fleuve Yangtze, la Maison Lu est un musée de l’art classique de la sculpture sur bois, étroitement associé à la célèbre tradition de la sculpture sur bois de Dongyang.
Beaucoup comparent la Maison Lu à la Cité interdite de Pékin. Alors que la Cité interdite affiche un style impérial majestueux dans sa conception, la Maison Lu, construite à la même époque, présente de nombreuses similitudes dans sa disposition architecturale, sa séquence spatiale et son utilisation fonctionnelle.
Elle se compose de six groupes de bâtiments, totalisant 115 pièces, d’une profondeur de 320 mètres et de neuf salons principaux. Les sculptures sur bois sont exquises et le style architectural est solennel et simple, ce qui lui vaut le surnom de « Cité interdite du peuple ».
En 2005, le Fonds du patrimoine mondial a annoncé les 100 sites culturels les plus importants en danger dans le monde, et la Maison Lu de Dongyang en fait partie. Aujourd’hui encore, cette demeure familiale, qui renferme un profond patrimoine culturel et historique, suscite l’admiration du public.
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