Le boulier chinois, ou Suanpan (算盤), est un outil de calcul traditionnel en Chine, l’une des grandes inventions de la Chine ancienne. Il s’utilise en suivant des formules à réciter par cœur et en utilisant une technique spéciale de doigté pour déplacer un certain nombre de boules, de sorte qu’un utilisateur habile n’a même plus besoin d’effectuer des additions ou des soustractions, ce qui le rend plus rapide qu’une calculatrice. Il a été largement utilisé tout au long de l’histoire de la Chine, par exemple pour faire les comptes et reste aujourd’hui une compétence essentielle pour les comptables ou les banquiers professionnels. En 2013, L’Unesco a décidé d’inscrire au patrimoine culturel immatériel de l’humanité le calcul mathématique au boulier chinois.
L’histoire du boulier chinois
L’origine du boulier chinois est très ancienne et il existe de nombreuses théories différentes quant à sa date d’invention. Certains disent qu’il date de l’époque de l’empereur jaune (2697 - 2597 av. J.-C. ou 2698 - 2598 av. J.-C.), d’autres pensent qu’il a vu le jour plutôt vers les dynasties Han (206 av. J.-C.-9 ap. J.-C.), Song (960 - 1279) ou voire Yuan (1271 - 1368).
Selon les archives anciennes, le boulier chinois est mentionné pour la première fois dans le livre L’héritage des arts mathématiques ou Shu shu ji yi (數術記遺) écrit par Xu Yue (徐岳) à la fin de la dynastie Han et à l’époque des Trois Royaumes (220 - 265 ap. J.-C.) : « Le boulier est un dispositif de calcul de boules qui contrôle les périodes des quatre saisons et les trois mondes (NDTR : le ciel, la terre et l’humain ) » . Il s’est ensuite répandu dans les autres pays asiatiques comme la Corée, le Japon et le Vietnam, puis en Occident. Pendant des milliers d’années, le boulier chinois a été l’outil de calcul le plus pratique en Chine, pour le commerçant comme pour le comptable et aujourd’hui encore, une personne maîtrisant bien le boulier chinois peut calculer plus vite qu’une calculatrice.
Il existe divers outils arithmétiques traditionnels, dont les bâtonnets de calcul, le calcul grâce à la tortue, le calcul basé sur les huit trigrammes et le Jiu Gong basé sur les cinq éléments, comme le mentionne L’héritage des arts mathématiques… Ces outils arithmétiques anciens ont évolué pendant des milliers d’années pour aboutir à la naissance d’un trésor culturel pouvant être partagé par toute l’humanité : l’algorithme du boulier chinois ou Zhu Suan (珠算).
Sous la dynastie Ming (1368 - 1421), de nombreux mathématiciens ont écrit des livres portant sur cette science traditionnelle, tels que Xu Xinlu, qui a publié un ouvrage populaire intitulé Algorithme du boulier chinois ou Pan Zhu Suan Fa (盤珠算法) à Fujian en 1573. Son livre est divisé en deux volumes, avec de nombreuses illustrations (voir l’illustration ci-dessus). Le boulier façon Ming présenté dans l’illustration ci-dessus est composé d’une boule en haut et cinq boules en bas. Le volume 1 présente les méthodes d’addition, de soustraction, de multiplication et de division dans l’arithmétique du boulier chinois, ainsi que des formules et des exercices expliquant comment placer les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sur le boulier. Le volume 2 traite de la mise en pratique des calculs.
La structure d’un boulier chinois
Les bouliers chinois sont généralement fabriqués à partir de trois types de matériaux : le bois, l’aluminium et le plastique. Les éléments de base sont divisés en quatre parties : le cadre, la barre, les tiges et les boules.
Le cadre, également appelé « bord » : il s’agit de la partie cadre qui entoure le boulier.
La barre : c’est une pièce de bois horizontale fixée aux bords gauche et droit, qui sépare le boulier en deux parties. Certains bouliers ont des « marqueurs » intégrés dans la barre pour marquer la position des chiffres, des dizaines, des centaines, des milliers et des dizaines de milliers…
Les tiges : Les bâtonnets, qui sont fixés en haut et en bas et traversent verticalement la barre, sont appelés tiges et servent à enfiler les boules. Chaque tige représente un des chiffres du nombre. Pour procéder au calcul, on doit choisir une tige comme le nombre des unités. En comptant à partir de cette tige vers la gauche, ce sont respectivement les dizaines, les centaines, les milliers, les dizaines de mille…et à droite du nombre, ce sont les dixièmes, les centièmes et ainsi de suite. Les bouliers chinois comptent en général 9 à 15 tiges. Les étudiants en finance et en comptabilité utilisent généralement un boulier spécial qui compte 13 tiges ou 17 tiges.
Les boules : ce sont des boules enfilées sur les tiges pour représenter les nombres. Un boulier traditionnel chinois dispose de deux boules au-dessus de la barre (boules supérieures) et cinq au-dessous (boules inférieures), contrairement au boulier japonais qui compte une boule en haut et quatre en bas. En termes de valeur, une boule supérieure représente cinq unités et une boule inférieure représente une unité.
Utilisation du boulier chinois
Pour indiquer le chiffre « 1 » sur le boulier : montez une des boules inférieures jusqu’à la barre. Pour indiquer le chiffre 2 : montez deux boules, et trois boules pour le chiffre 3. Pour le chiffre 4 : utilisez quatre boules. Pour le chiffre 5 : remettez à zéro toutes les boules inférieures, puis descendez la boule supérieure du bas jusqu’à la barre. Pour le chiffre 6 : gardez la boule supérieure telle quelle et montez une boule inférieure (5+1). Pour le chiffre 7 : ajoutez simplement une autre boule inférieure (5+2) … jusqu’au chiffre 9 qui est représenté par 1 boule supérieure plus 4 boules inférieures.
Pour représenter le chiffre 10 : mettez à zéro toutes les boules situées sur la tige représentant le nombre des unités, puis montez une boule inférieure sur la tige représentant les dizaines. Pour exprimer le chiffre 20 : montez 2 boules inférieures de la tige « des dizaines » et répétez la même méthode pour avoir autant de chiffres que vous voulez.
Lorsque vous effectuez des calculs avec un boulier, prenez l’exemple le plus simple qui est « 1+1 ». Tout d’abord, décidez quelle sera la tige du nombre des unités. Ensuite, déplacez une boule inférieure de cette tige vers la barre, vous avez le chiffre 1, puis montez une autre boule inférieure vers la barre pour rejoindre la première boule, les deux boules inférieures collées à la barre représentent le résultat : 2.
Si vous voulez calculer 1+11, répétez le même procédé : définissez votre tige du nombre des unités et déplacez une boule inférieure de cette tige vers la barre, puis vous montez une boule inférieure sur la tige représentant les dizaines et revenez à la tige du nombre des unités pour monter une autre boule inférieure et vous avez le résultat qui est 12. Il en va de même pour les décimales.
Calcul mental extrêmement rapide grâce au « boulier mental »
Bien sûr ce n’est que l’exemple le plus simple. Il existe différentes formules et techniques de doigtés pour l’addition, la soustraction, la multiplication, la division et la racine carrée. Si une personne les maîtrise bien, non seulement elle peut calculer plus vite que les calculatrices ou les ordinateurs, mais aussi mémoriser les mouvements des boules sur les tiges par des opérations répétées grâce à des processus perceptifs, visuels et de mémoire. Comme si la personne dispose d’un boulier virtuel ou boulier mental dans son cerveau et qui peut être utilisé pour effectuer du calcul mental sans avoir de vrai boulier en main. Une personne compétente sera capable de donner la réponse dès qu’elle aura entendu ou vu les chiffres à calculer.
Le calcul mental ne nécessite pas l’utilisation d’outils. La rapidité du calcul mental permet d’économiser beaucoup de temps, d’argent et d’éviter l’embarras d’être à court de piles. Combiné à la puissance cérébrale c’est plus que suffisant pour montrer le haut niveau scientifique de cette méthode ancestrale. Il s’agit d’une manière de développer la science très différente de la science moderne.
Un boulier yin yang qui cache le secret du Ciel
Dans la Chine ancienne, le boulier était utilisé non seulement pour calculer des chiffres et faire des comptes, mais aussi pour la divination. Au cours de son développement, un boulier octogonal à 24 tiges est apparu : le boulier de huit trigrammes ou Bagua Suanpan (八卦算盤), qui est particulièrement remarquable.
Selon la mythologie chinoise, les trigrammes dessinés par Fuxi, le dieu créateur, sont constitués de huit trigrammes. Le trigramme se présente sous la forme de trois lignes horizontales superposées. Elles représentent le yin lorsqu’elles sont coupées et le yang lorsqu’elle sont continues, et si on les traduit en chiffre arabe, elles correspondent respectivement aux chiffres 0 et 1. Il est intéressant de noter que ce système est en fait similaire au système binaire utilisé dans les ordinateurs d’aujourd’hui !
Le boulier à huit trigrammes a de nombreuses fonctions. Il permet non seulement de calculer des nombres positifs et négatifs, ce qui ne peut être fait simultanément sur un boulier normal, mais il peut également donner l’heure et calculer les vingt-quatre termes solaires. Il n’est pas étonnant que de nombreux chercheurs aient suggéré que la structure du boulier chinois incarne l’ancien concept cosmologique chinois « du Ciel rond et de la Terre carrée » et que les principes mathématiques du boulier soient compatibles avec ceux du « He Tu » et du « Luo Shu » ayant existé dans la culture chinoise ancienne, ce qui en fait un bon moyen de comprendre la civilisation chinoise préhistorique.
Rédacteur Tchen Sixuan
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