À l’occasion du Nouvel An chinois, la plupart des familles chinoises ont pour habitude de décorer leurs fenêtres avec du papier découpé, cette coutume porte le nom de « Chuanghua » - Fleurs de fenêtres (chinois traditionnel : 窗花,zhuyin : ㄔㄨㄤㄏㄨㄚ; chinois simplifié : 窗花,pinyin : chuāng huā). Ces ravissants motifs, qui relèvent d’un art artisanal millénaire datant approximativement du VIe siècle, apportent une touche festive aux décorations du Nouvel An, ou à l’occasion de la célébration d’un mariage ou d’une naissance...
Tout comme les pétards, les Chuanghua servaient à l’origine à « chasser les mauvais esprits ». Une légende datant de l’époque de la Dynastie Jin (265-420) raconte que, pendant les soixante-dix ans du règne de l’Empereur Yao, souverain mythique de l'antiquité chinoise, les oiseaux sacrés Luanchu (jeunes phénix) venaient tous les ans. À leur arrivée, les Qilins (créatures mythiques avec un corps de cheval recouvert d’écailles, et des cornes) se cachaient dans les mares, et les Chixiao (hiboux) fuyaient vers le désert.
Lorsque les Luanchu cessèrent de venir, les gens du pays Qizhi offrirent à l’Empereur Yao un oiseau, portant le nom de Chongming ou Shuangjing, avec deux pupilles dans chaque oeil. Cet oiseau ressemblait à un coq, et son cri évoquait celui du phénix. Lorsque l’Empereur Yao le reçut en cadeau, il n’avait plus aucune plume, mais il pouvait tout de même voler.
Chongming chassa les bêtes féroces et combattit les mauvais esprits. Pour le remercier, le peuple de l’Empereur Yao lui prépara une nourriture à base de poudre de jade. Cependant, il s’en fut et ne revint que de temps à autre. Parfois, il revenait à plusieurs reprises au cours d’une même année, et parfois pas du tout. Les gens de Yao nettoyaient régulièrement leurs maisons et leurs fenêtres en espérant que Chongming reviendrait plus souvent. Ils firent des sculptures à son image, en bois ou en or, et les suspendirent aux portes et aux fenêtres pour chasser les mauvais esprits. Aujourd’hui encore, lors du premier jour de l’an lunaire, les Chinois décorent leurs fenêtres avec des sculptures de coq en bois, ou en or, ou avec du papier découpé en forme de coq, d’où la tradition de Chuanghua.
Phoenix et des nuages de bon augure, Peint par Dai Hong, Dynastie Qing. (Image :Musée National du Palais de Taiwan / @CC BY 4.0)
La plupart des Chuanghua sont découpés dans du papier rouge, à l’aide de ciseaux ou d’un petit burin. Les thèmes sont très variés : divinités, personnages de renom, paysages naturels, fleurs et végétaux, oiseaux et poissons, architectures traditionnelles, voire même la scène entière d’une légende ou d’une histoire. A travers ces Chuanghua, les Chinois expriment leur espoir pour une belle vie.
Avec le temps, la tradition de Chuanghua est devenue l’un des patrimoines culturels immatériels faisant appel aux différents styles et techniques inspirés de la culture particulière à chaque ethnie, et se déclinant en plusieurs écoles. Les Chuanghua du nord sont souvent simples, authentiques et rustiques, les Chuanghua du sud de la Chine sont délicats et d’une beauté raffinée. Dans le pays de Chuanghua - la province du Zhengjiang et la province du Jiangsu - ils sont particulièrement raffinés et élégants. Dans la ville de Weixian, on trouve même des Chuanghua en couleur.
Papier découpé traditionnel, fée chinoise. (Image : Epoch Média Group)
Dans la Chine antique, les Chuanghua et d’autres types de papiers découpés étaient un art à maîtriser obligatoirement pour toutes les jeunes filles. Cette technique, assez facile à apprendre mais difficile à maitriser, témoignait ainsi de la sagesse et de la dextérité de chaque femme. Ces oeuvres d’art faites main ornent les fenêtres, les murs et les portes dans chaque foyer pendant le Nouvel An chinois. En admirant ces jolis motifs, on peut imaginer ces jeunes dames dessinant et découpant le papier rouge avec leurs doigts de fées.
Vous pouvez vous aussi, à l’occasion du Nouvel An chinois, faire fleurir un joli « bouquet » sur votre fenêtre pour honorer cet art millénaire exceptionnel.
Avec la collaboration de Jubei
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.