L’une des institutions les plus anciennes de l’État français, l’Académie française, conçue sous le patronage du cardinal de Richelieu, a pour vocation de perfectionner et d’illustrer la langue française. Bien ancrée dans le patrimoine culturel, l’Académie soulève néanmoins diverses questions : reste-t-elle une référence indispensable pour le bon usage ? À quoi sert-elle vraiment ?
L’Académie française : présentation et mission
Selon l’illustre cardinal, un tel choix politique permettrait d’unifier le royaume de France encore trop divisé. Une langue française aux normes établies pourrait réduire l’usage du latin et des langues vernaculaires, fort répandues à l’époque. À ce titre, l’Académie française est tenue de publier un dictionnaire, le Dictionnaire de l’Académie française, à attribuer des prix littéraires, à émettre des recommandations sur les règles de la langue française. L’Académie participe aux différentes commissions de terminologie dont le but est de créer de nouveaux mots. Depuis sa fondation, l’Académie française a publié 8 dictionnaires. La neuvième édition est en cours d’élaboration. L’institution exerce également du mécénat, en particulier envers des familles défavorisées.
Comment devenir académicien ?
Les 40 membres de l’Académie occupent 40 fauteuils à égalité. L’élection de l’académicien est organisée quand un fauteuil est déclaré vacant. Les postulants adressent leur candidature au secrétaire perpétuel. Le poste est occupé pour l’heure par Madame Hélène Carrère d’Encausse. Il est aussi d’usage que certains académiciens présentent les candidats. Le vote se fait à bulletins secrets à la majorité des suffrages. L’élection est déclarée définitive seulement quand elle aura reçu l’approbation du roi, et de nos jours, celle du président de la République, protecteur de l’Académie. Les académiciens, une fois élus à vie, se voient confier la mission d’honorer la langue française pour la rendre immortelle comme le prévoit la devise « À l’immortalité » qui figurait sur le sceau attribué par son fondateur, le cardinal de Richelieu. En réalité, le qualificatif « immortel » employé pour désigner les membres s’applique à la langue française et non aux académiciens. Pendant les cérémonies officielles ces derniers portent l’uniforme, une tenue fort coûteuse confectionnée en drap bleu ou noir, brodé de rameaux d’olivier verts. Il s’agit de « l’habit vert » datant du Consulat. L’épée s’ajoute à l’uniforme de l’académicien. Celui-ci évolue sous la Coupole de l’Institut de France situé au quai Conti à Paris.
L’Académie française se compose aussi bien d’hommes de lettres, d’historiens, que de scientifiques et par tradition d’ecclésiastiques, de militaires de haut rang, d’hommes d’État. L’académicien se distingue surtout par son goût prononcé pour la langue française et sa capacité à la mettre en valeur. Les premiers statuts de 1635 réclament un homme « de bonnes mœurs, de bonne réputation, de bon esprit et propre aux fonctions académiques ». Aucun diplôme n’est requis pour postuler à l’Académie. La nationalité française n’est pas obligatoire. Julien Green, déjà décédé, était américain et le Canado-Haïtien Dany Laferrière est élu depuis 2013.
Une institution remise en cause
Malgré son poids historique incontestable, l’Académie française n’est pas à l’abri de la critique. De nombreux observateurs refusent de reconnaître son expertise en matière linguistique sachant qu’aucun linguiste n’occupe un fauteuil d’académicien depuis 1903, année du décès de Gaston Paris. Arguant de ce fait, un collectif de 77 linguistes a signé en 2017 une tribune intitulée : « Que l’Académie tienne sa langue, pas la nôtre ». Par ailleurs sa lenteur lui est souvent reprochée. Ses détracteurs rappellent que seulement 8 dictionnaires ont été publiés en 4 siècles. De façon générale les linguistes modernes déplorent son conservatisme et notamment son rejet de l’écriture inclusive. L’Académie française, pour sa part « lance un cri d’alarme : devant cette aberration " inclusive ", la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures ».
Dans le même temps, pour soutenir les immortels, des parlementaires ont proposé le 1er juin 2021, une loi « visant à sauvegarder la langue française et à réaffirmer la place fondamentale de l’Académie française ». Ils expliquent que « Redonner à l’Académie française ses lettres de noblesse et son autorité devient aujourd’hui plus que nécessaire pour endiguer les tentatives de saccage de la langue française ».
Quand l’Académie saisit les autorités
L’Académie elle-même s’est emparée de l’arme juridique pour contester une décision, fait sans précédent depuis près de 4 siècles d’existence. Elle désapprouve le bilinguisme employé dans les cartes nationales d’identité en circulation depuis le 2 août 2021. Elle juge cette mesure contraire à la Constitution, stipulant à l’article 2 que « le français est la langue de la République ». Il s’agirait aussi d’une violation de la loi de 1994. « La langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. », peut-on lire à l’article 1.
Les académiciens ont adressé un courrier au Premier Ministre Jean Castex au mois de janvier 2022 pour dénoncer l’emploi abusif de l’anglais au détriment du français. Ils menacent de saisir le Conseil d’Etat si l’emploi de l’anglais n’est pas abrogé sur la nouvelle carte d’identité.
L’affaire est à suivre. L’avenir nous dira si les élus de l’Académie française auront pu défendre avec succès les couleurs de la langue française.
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