Né à Nîmes en 1840, Alphonse Daudet, n’a vécu que neuf ans dans cette Provence qui demeura sa principale source d’inspiration tout au long de sa vie d’écrivain, de poète et de dramaturge. Avec Zola et Marcel Proust, Alphonse Daudet représente l’un des auteurs français majeurs de la fin du XIXe siècle. Sa production littéraire variée et prolifique se prolonge jusqu’en 1895, soit deux ans avant sa mort survenue en 1897. Il a marqué le public avec son œuvre la plus populaire, les Lettres de mon moulin.
Des Chroniques provençales aux Lettres de mon moulin
Œuvre emblématique d’Alphonse Daudet, les Lettres de mon moulin furent publiées en 1866. Ce recueil de contes et de nouvelles intitulées à l’origine Chroniques provençales connut en premier lieu un succès mitigé. Jeune journaliste installé à Paris, l’auteur nostalgique de sa Provence natale y retourne durant l’été 1830 et tombe sous le charme du village de Fontvieille situé à vingt minutes d’Arles. Il y retournera tous les étés pendant trente ans pour séjourner au château de Montauban chez son cousin Louis.
Le chemin menant au château est jalonné de moulins dont le plus célèbre fut surnommé « le moulin de Daudet » de son vrai nom moulin de Saint-Pierre. En réalité l’auteur n’a jamais habité ce moulin visité par les touristes. Les lieux plantent le décor des paysages dépeints dans ses fameuses « lettres ». C’est là qu’il a pu rencontrer les personnages pittoresques dont il brosse le portrait dans ses inoubliables contes : meuniers, bergers, belles arlésiennes ou curés fantaisistes…
La chèvre de Mr Seguin, conte provençal inscrit dans le patrimoine
« Ah ! Qu’elle était belle. Ah ! Qu’elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin ! Qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! Et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l’écuelle. Un amour de petite chèvre ! » Ces lignes qui introduisent La chèvre de Mr Seguin ont bercé notre enfance. Elles comptent parmi les plus populaires de la littérature française. Fable à la fois tragique et enchanteresse, La chèvre de Mr Seguin, conte l’histoire de Blanquette, jolie chèvre insouciante et choyée par son maître. Blanquette éprise de liberté, tout comme les six chèvres précédentes succombe à l’attrait de la montagne et quitte son enclos malgré le refus de Mr Seguin. Elle aussi se fait dévorer par le loup en dépit de sa résistance. Alphonse Daudet souligne avec brio les dangers d’une liberté démesurée. « L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? », s’interroge le lecteur… Par ailleurs l’auteur explique que la scène est loin d’être fictive : « L’histoire que tu as entendue n’est pas un conte de mon imagination. Si jamais tu viens en Provence, nos ménagers te parleront souvent de la cabro de moussu Seguin, que se battégue touto la neui emé lou loup. »
Les trois messes basses
Ainsi commence un autre conte non moins célèbre, un conte de Noël intitulé, Les trois messes basses :
« - Deux dindes truffées, Garrigou ?…
- Oui, mon révérend, deux dindes magnifiques bourrées de truffes. J’en sais quelque chose, puisque c’est moi qui ai aidé à les remplir. On aurait dit que leur peau allait craquer en rôtissant, tellement elle était tendue…
- Jésus-Maria ! Moi qui aime tant les truffes !… Donne-moi vite mon surplis, Garrigou… Et avec les dindes, qu’est-ce que tu as encore aperçu à la cuisine ?… »
La scène se passe la veille de la nuit de Noël dans un château provençal imaginaire. Garrigou, c’est un sacristain qui s’adresse au révérend Dom Balaguer. En fait, il personnifie le diable qui veut faire succomber le prêtre au péché de gourmandise. Celui-ci poussé par le jeune sacristain à finir au plus vite les trois messes basses traditionnelles finira par les escamoter au point de les rendre inaudibles. Pressé de festoyer, il s’empiffre au cours du réveillon et meurt terrassé par une attaque. Le Seigneur le condamne à prononcer trois cent messes basses pour expier son crime. Dans une langue haute en couleur, Alphonse Daudet ne manque pas de transmettre un message éthique à travers ce récit aux allures de farce. Il se moque gentiment des excès de ses contemporains tout en soulignant les traditions provençales : « On entendait le tintement des tournebroches, le fracas des casseroles, le choc des cristaux et de l’argenterie remués dans les apprêts d’un repas. Par là-dessus, une vapeur tiède, qui sentait bon les chairs rôties et les herbes fortes des sauces compliquées, faisait dire aux métayers comme au chapelain, comme au bailli, comme à tout le monde :
- Quel bon réveillon nous allons faire après la messe ! »
Alphonse Daudet a su évoquer sa Provence natale avec une grande acuité et ainsi conquérir un large public. Les Lettres de mon moulin en particulier ont été traduites dans diverses langues et maintes fois portées à l’écran. Homme de conviction, écrivain de talent, Alphonse Daudet parlait de lui-même en ces termes : « Je voudrais, ma tâche achevée, m’établir marchand de bonheur. Mon bénéfice serait dans mon succès. »
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