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Annecy jadis, Annecy aujourd’hui 

Pourquoi et comment est-il crucial, de nos jours, que toutes les villes du monde conservent, comme le plus précieux des cadeaux, leur passé, leurs traditions et leur patrimoine, afin que puisse fleurir et s’épanouir sereinement leur futur ? Des hommes, des femmes, des personnalités, de tous temps, de toutes époques, de tous niveaux de la société ont forgé des villes, des régions, des pays. La ville d’Annecy semble avoir réussi à conjuguer sa tradition, son patrimoine et son chemin vers le futur.

La vie d’une ville n’est-elle pas comme un gigantesque puzzle dont chacune des pièces serait constituée par une personnalité ? Des personnalités, dont les actes, actions et leurs conséquences s’ajouteraient les unes aux autres, liées par le fil invisible du temps : créant ainsi la physionomie, le caractère d’une ville, une région, un pays ? Chacune de ces personnalités pourrait alors vous murmurer à l’oreille, « Je fais ma part », comme dans la légende du petit colibri. Mais elles pourraient ajouter également : « J’ai fait ma part », ou « Je ferai ma part ».

Ainsi, toutes ces personnalités du passé ont nourri les personnalités du présent, et toutes ces personnalités du présent vont nourrir les hommes du futur. Tous en interrelations intemporelles liées par leur destin unique et si prégnant.

Tandis que certaines villes déboulonnent leurs statues, tentent d’oublier leur passé, et que certains gomment des mots dans les livres, ne serait-il pas plus sage justement d’avancer avec le passé en tête comme le soulignait si judicieusement Confucius : « L’homme sage apprend de ses erreurs, l’homme plus sage apprend des erreurs des autres » ? Prendre conscience de la vérité du passé n’est-ce pas une nécessité, afin qu’en pleine conscience, les Hommes d’aujourd’hui puissent mieux bâtir l’avenir de demain ?

Alors quelle ville a donc en commun Saint François De Sales, Pierre Lamy, Cyril Moëne et Roy Hummel ?

Et oui, il s’agit bien de la belle ville d’Annecy. Annecy la belle, Annecy et son lac, Annecy la dynamique qui regorge de trésors bien cachés du passé, mais aussi de belles surprises pour le futur. Annecy reste un joli exemple harmonieux d’une ville qui, sans renier son passé et ses traditions, se tourne fièrement vers l’avenir et s’ouvre au monde.

Afin de mieux apprivoiser cette jolie ville de Haute-Savoie, jouxtant le deuxième grand lac naturel d’origine glaciaire de France, voici que débute notre promenade sous un arbre remarquable que de nombreux touristes ne semblent voir. Savez-vous de quel arbre il s’agit ?

Un indice ! Cherchez des feuilles vertes en forme de papillons ! C’est, donc bien, dans les Jardins de l’Europe, anciens jardins de l’hôtel de ville, accompagnés, par Éliane Masset, guide-conférencière savoyarde, femme passionnée et passionnante que nous levons déjà les yeux vers les feuilles d’un magnifique Ginkgo Biloba ! Et oui !

Celui-ci aurait environ 150 ans. Le Ginkgo Biloba est une espèce préhistorique apparue voilà plus de 40 millions d’années, possédant une particularité rare en Europe, appelée « chichi » ce qui signifierait en japonais « mamelles », ce sont ces étranges excroissances dégoulinant sur le tronc qui n’apparaitraient uniquement que sur des spécimens vieux de plus de 100 ans.

Notre guide explique qu’à l’origine, il y avait environ 600 arbres, les premiers arbres ayant été plantés après 1860, dans les Jardins de l’Europe, mais qu’il n’en resterait malheureusement plus qu’une quarantaine, dont le séquoia venu d’Amérique. Annecy s’ouvrait donc à l’époque déjà au monde lointain.

Ayant des papillons verts dans les yeux, de par la forme des feuilles de Ginkgo Biloba, notre regard papillonne à son tour, guidé par Éliane Masset vers la statue placée juste en face de nous. Il s’agit d’une illustre personnalité d’Annecy, celle de Saint François De Sales. La statue date de 1924. Éliane Masset précise qu’il n’est pas représenté tel un évêque, mais comme un écrivain. En effet, Saint François De Sales pose la main sur un livre et cette position est loin d’être anodine, puisque Saint François de Sales est le Saint Patron des écrivains et des journalistes.

« C’est un personnage incontournable d’Annecy, un humaniste. Aussi, au-delà de la religion : que l’on soit croyant ou pas, c’est un personnage très intéressant », souligne notre guide.

Naissance d’une reliance entre les hommes de jadis et ceux d’aujourd’hui

Voici, le récit de cet illustre personnage que nous dévoile notre guide.

« François De Sales vécut pendant les guerres de religions. Il représentait la branche des catholiques. Il a alors fait appliquer toutes les idées de la contre-réforme. Au début du XVIIe siècle, il partit pour Dijon, prêcher le Carême, et c’est là, qu’il rencontra cette jeune femme, une veuve de 28 ans : la Baronne Jeanne de Chantal. Elle venait de perdre son mari dans un accident de chasse. Très éprouvée, car son mari était l’amour de sa vie (…). Elle rencontra alors Saint François De Sales. On dit que leur rencontre fut " extraordinaire ", ce sont deux personnages qui se sont reconnus, paraît-il. Saint François De Sales devient alors son directeur spirituel. Ils se sont vus quelques fois à Dijon. Lui est revenu à Annecy. Elle est restée en Bourgogne, car elle avait des enfants à élever. Puis, en 1610, elle vient le rejoindre à Annecy pour fonder la Visitation Sainte Marie. C’était à l’époque, quelque chose de moderne. Saint François De Sales avait remarqué une crise des vocations religieuses. En fait, dans ces ordres religieux, les femmes dormaient peu et mangeaient peu. Il y avait des mortifications : elles se fouettaient. Saint François De Sales a voulu assouplir tout cela, avec une des idées qu’il a souhaité appliquer, c’était que les sœurs pourraient sortir quelques heures par semaine pour visiter, par exemple : les pauvres et les malades ».

« Et cela eut un succès énorme. De nombreuses femmes ont souhaité devenir Visitandines, des veuves comme Jeanne De Chantal, pour donner du sens à leur vie. Mais peut-être aussi pour des questions économiques. La Visitation était un refuge pour toutes les femmes et cet Ordre a eu du succès : un succès retentissant pour l’époque ».

Saint François De Sales, était-il trop moderne ?

Éliane Masset a continué ainsi son récit : « Pour l’Archevêque de Lyon, cette idée était beaucoup trop " moderne " , alors l’Archevêque conseilla à Saint François De Sales d’imposer la Clôture. C’est pour cela que l’on dit encore aujourd’hui que c’est un Ordre cloîtré. Au début, il y avait une idée du contemplatif, mais avec de la souplesse (…), pas de missionnaires. Il y avait cette idée d’un mixte entre le travail et la prière, le contemplatif, la souplesse etc. C’était très moderne pour l’époque, et puis, surtout, ( ce qui était moderne c’est ) qu’il écoutait une femme ».

Saint François De Sales est mort à Lyon, il a été ramené ici à Annecy et c’est Jeanne De Chantal qui a repris l’Ordre. Elle a ainsi fondé 87 monastères. C’était une sorte, entendons-nous bien de « couple spirituel », vraiment, un couple du XVIe siècle comme, par exemple, Saint François d’Assise et Sainte Claire qui, eux aussi, étaient très complices, a-t-elle précisé.

Des amitiés spirituelles, des connexions spirituelles, en quelques sortes : des affinités dont les destins ne pouvaient que se croiser un jour, pour le bien des autres et de l’avenir de la ville d’Annecy.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’amitié qui unissait Saint François De Sales et Jeanne de Chantal, voici un livre qui pourrait sans aucun doute vous intéresser : Une extraordinaire amitié – Correspondance.

« Saint François De Sales est un Saint très, très vénéré par les Catholiques, souvent les Français ne le connaissent pas trop bien, alors que des Américains, des Australiens, des Chinois, des Italiens viennent par cars entiers et montent à la Basilique de la Visitation. C’est un vrai lieu de pèlerinage. Cela fait partie d’un tourisme religieux. Les sœurs viennent du monde entier. Les religieuses d’Annecy vont cultiver des légumes au potager, elles vendent également des produits. Aujourd’hui, elles disposent d’une boutique souvenirs. Par contre, autrefois, elles brodaient énormément. Il y a eu des expositions sur leurs travaux de broderie. C’était vraiment des travaux d’aiguilles magnifiques qu’elles vendaient à l’époque. Elles faisaient également l’éducation pour les jeunes filles. Tout cela est tombé un peu en désuétude. C’est moins strict qu’avant. Désormais, on les voit dans la Basilique de la Visitation et ce qui est très beau, c’est qu’on les entend quand elles chantent derrière le chœur pour les Vêpres », ajoute notre guide.

Éliane Masset reste d’ailleurs, encore « contemplative » à la simple évocation de ces chants, et l’infinie patience dont faisaient preuves les Visitandines pour leurs ouvrages de broderies dorées, effectuées pour créer des vêtements liturgiques.

Saint François De Sales : un humaniste, un résistant pacifique en avance sur son temps

Grand pacifique, véritable diplomate, aventurier courageux, Saint François De Sales entreprend également de ramener les êtres récemment convertis au protestantisme, vers la foi catholique.

Généreux, il enseigne alors la conversion du cœur, la charité, la prière, il préfère la pédagogie par l’exemple, c’est ainsi qu’il se démarque de ses pairs par son comportement non-violent à l’encontre des protestants. Il se plaisait à dire : « Il faut tout faire par amour, et rien par force, il faut plus aimer l’obéissance que craindre la désobéissance ». Il se porte alors volontaire. Il aura recours à l’imprimerie et rédigera des textes sur L’Introduction à la vie dévote qu’il collera sur les murs ou qu’il glissera sous les portes. C’est pour cela qu’aujourd’hui, il incarne le Saint Patron des journalistes et des écrivains. C’est donc par ses écrits glissés sous les portes ou affichés sur les murs qu’il parvient à convaincre et marquer les esprits.

Saint François n’esquive pas les situations conflictuelles

C’est un homme qui s’arme de courage, de verbe mesuré, de sérénité et argumente ainsi calmement face aux protestants.

Éliane Masset poursuit son récit en ces termes : « C’était sa politique et lui n’hésitait pas à aller rencontrer les protestants pour discuter. Il ne voulait pas de ces affrontements. Il s’est rendu à Genève rencontrer son homologue protestant. Il n’avait pas peur. Il était très doué et les protestants ne voulaient plus le voir, car il avait toujours le dernier mot. Il voulut aussi que le clergé ait une bonne éducation, un bon enseignement (…), parce que pour lui si les gens étaient passés au protestantisme, c’est qu’il y avait eu un mauvais enseignement de la part des curés. Ceux-ci n’étaient pas suffisamment instruits. Donc, il a voulu une instruction pour les curés. Saint François De Sales était un " Saint de son vivant ". Une vraie star à son époque ! Les gens venaient le voir, ils lui prenaient des petits morceaux de vêtements (…) ».

« Saint François De Sales : c’est vraiment " La " grande personnalité d’Annecy » dans le cœur d’Éliane Masset, qui nous invite à poursuivre notre visite guidée d’Annecy en déambulant sur les ponts qui agrémentent la ville.

À suivre...

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