Réputée dans le monde entier pour sa gastronomie ou ses produits de luxe, la France est en outre souvent désignée comme la « Fille aînée de l’Église ». Une expression qui interpelle : pourquoi cet attribut ? Quelles sont ses origines ? Les lignes suivantes pourront apporter quelques éléments de réponse.
Un titre honorifique aux fondements historiques
Pour expliquer la périphrase citée plus haut, il faudrait évoquer le baptême de Clovis, roi des Francs, premier roi germanique converti au catholicisme. L’évènement survenu le 25 décembre 498 (ou 496) constitue selon les historiens un élément majeur de l’histoire de France. Suite à cette conversion, les rois Francs deviennent les alliés de la papauté. La Gaule, conquise par Clovis, est en effet souvent sollicitée pour défendre l’Église catholique contre l’assaut des peuples voisins. Les autres souverains chrétiens croyaient à l’arianisme considéré comme une hérésie. Ainsi Pépin le Bref (714-768) a-t-il aidé le pape Etienne II à combattre les Lombards. En contrepartie sainte Pétronille, une martyre romaine vénérée en tant que fille de saint Pierre deviendra la patronne de France. Jusqu’à ce jour le 31 mai une messe est célébrée en l’honneur de la France près de la basilique Saint-Pierre. Pépin le Bref reçoit le titre de « Protecteur, Fils aîné de l’Église et roi très chrétien », deux titres adoptés par les rois de France jusqu’à l’Ancien régime. Il s’agit en l’occurrence d’une filiation entre le roi de France et l’Église et non de filiation entre l’Église et la France en tant que nation.
Il faudra attendre le XIXe siècle pour voir apparaître l’expression « France, Fille aînée de l’Église » après la monarchie de juillet, sous Louis-Philippe. « La nation franque était la première nation catholique donnée à Dieu par son Église. Il a plu à la papauté d’appeler nos rois les Fils aînés de l’Église. De même que Dieu a dit à son fils de toute éternité : tu es mon premier-né, la papauté a dit à la France : tu es ma Fille aînée » déclarait dans son « Discours sur la vocation de la nation française » le prédicateur dominicain Henri-Dominique Lacordaire le 14 février 1841. L’expression connaîtra par la suite un certain retentissement et s’implantera dans les consciences.
La France animée d’une ferveur missionnaire
La France se distingue par une certaine ferveur apostolique propre au christianisme. Les souverains français sont les premiers à partir en croisade pour défendre et répandre la chrétienté. Le roi Saint- Louis l’aura payé de sa vie. Des institutions toujours en vigueur comme les missions étrangères de Paris (MEP), après quelques 360 ans d’existence, ont envoyé en Asie notamment des milliers de prêtres pour évangéliser à grande échelle.
Le président Jacques Chirac reçu par le pape Jean-Paul II à Rome le 20 janvier 1996, faisait allusion à la tradition missionnaire de la France, amorcée par le baptême de Clovis. « Fille aînée de l’Église la France l’a été par sa fidélité catholique et par son dynamisme missionnaire », disait-il dans son allocution prononcée le même jour.
Par ailleurs, les chefs d’État français sont « chanoines laïcs de Latran », ou plus exactement, chanoines de la cathédrale de Rome, Saint-Jean-de-Latran. Ce titre purement honorifique a été attribué en échange du don que fit Henri IV en faveur de la basilique romaine en 1604. Les rois de France et les présidents français, après l’abolition de la royauté, ont acquis systématiquement le titre. Le 13 décembre, date d’anniversaire du roi Henri IV, une messe est dite en l’honneur de la France.
Un autre élément a contribué à raffermir les liens entre la « Fille aînée de l’Église » et le Vatican : le grand nombre d’églises françaises existant à Rome. Saint-Louis-des-Français et La Trinité-des-Monts comptent parmi les plus importantes d’entre elles.
La Fille aînée de l’Église face aux temps modernes
D’aucuns s’interrogent sur la réalité de ce titre à l’ère moderne. S’agit-il seulement de la manière dont les papes désignent le pays conquis par Clovis ? La formule fait-elle encore recette ? Deux papes contemporains ont interpellé la France au sujet de son titre.
« France, Fille aînée de l’Église es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » concluait le pape Jean-Paul II lors d’un discours célèbre prononcé au Bourget le 1er juin 1980.
Plus près de nous en 2015, s’adressant à de jeunes lycéens, le pape François lançait cette boutade :
« On dit que la France est la fille aînée de l’Église, mais c’est une fille bien infidèle ».
Les relations privilégiées entre la nation française et le Saint-Siège auraient été en effet mises à mal par la loi de 1905 qui aboutit à la séparation de l’Église et de l’État et prône la laïcité. Le pape Pie X écrivait à ce propos qu’une telle législation allait « enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde ».
Un sondage récent réalisé en 2022 révèle la progression de l’athéisme avec 42 % de Français se déclarant sans religion, dont 60 % de jeunes. Les lieux de culte sont désertés et le manque de prêtres est criant. Dans le même temps une majorité de personnes sondées reconnaissent que les religions ont une capacité à « transmettre aux jeunes des repères et des valeurs positives : respect de l’autre, tolérance, générosité, responsabilité ». Une proportion non négligeable de personnes interrogées a admis que l’incendie de Notre-Dame a réveillé en elles un « sentiment religieux » et une « fibre spirituelle » tandis que trois quarts des Français pensent que la France est un pays de « culture chrétienne ».
L’actualité des dernières décennies révèle la complexité des relations entre la France et l’Église, entre les Français et les religions. Cependant la France s’est bâtie autour du catholicisme. Elle a hérité du titre de Fille aînée de l’Église, un attribut qui s’inscrit dans son histoire.
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