Écrite ou gravée sur la façade de nombreux édifices publics, la devise de la République française invite au bonheur et à l’harmonie. Mais quelles richesses transportent ces trois mots chargés de sens sur le fleuve tumultueux de la République ? (Porte d’entrée principale du palais du Luxembourg, Paris). (Image : wikimedia / Chabe01 / CC BY-SA 4.0)
Écrite ou gravée sur la façade de nombreux édifices publics, la devise de la République française invite au bonheur et à l’harmonie. Pourtant elle est d’abord apparue dans la fièvre de la Révolution française de 1789, abandonnée et rétablie plusieurs fois, au gré des tourmentes politiques des XIXe et XXe siècles. Mais quelles richesses transportent ces trois mots chargés de sens sur le fleuve tumultueux de la République ?
La liberté est une qualité essentielle de l’être humain
Chaque être humain est libre dans sa conscience, ses pensées, ses conceptions, ses croyances. Celles-ci ne peuvent pas être réglementées. L’esprit des personnes ne devrait pas être l’objet de manipulation ou de coercition.
La liberté d’expression, qu’elle soit verbale, écrite, ou artistique, est importante pour toute personne, elle relie aux autres en même temps qu’elle permet de se différencier et d’apporter son point de vue ou son originalité dans la société. Les « garde-fous » de la liberté d’expression devraient être la responsabilité et le respect d’autrui.
« Le secret du bonheur, c’est la liberté, et le secret de la liberté, c’est le courage », disait déjà Thucydide (env.460- env.400 av. J.-C.), historien grec et homme d’Etat
La liberté d’agir couvre des domaines très variés dans la société.
C’est la liberté d’entreprendre toute activité qui ne nuira pas aux autres, mais qui au contraire pourra valoriser la société, notre environnement ou nous-même. C’est la liberté des créateurs de toutes sortes : chefs d’entreprise (qu’elle soit commerciale, de service à la personne, culturelle ou autre), artistes, sportifs, fondateurs d’associations, etc.
C’est aussi la liberté de se réunir, de s’associer avec toute personne de son choix, ou encore de manifester publiquement pour les causes qui nous tiennent à coeur
La liberté de chacun est en étroite relation avec celle des autres. Il est reconnu par tous que notre liberté prend fin là où commence celle des autres. C’est ce qui détermine ses limites et où prend naissance notre propre responsabilité. La liberté est stimulante dans la vie des êtres humains, car elle permet de s’identifier comme un être autonome, maître de sa vie.
Le rôle de la liberté dans la relation de cause à effet
En plus des limites conséquentes au respect des autres, nous sommes bien-sûr individuellement conditionnés par certains facteurs qui peuvent restreindre notre liberté d’agir. Notre santé, notre richesse, notre temps, nos conditions de vie, etc. peuvent limiter notre champ d’action.
Plus profondément, nous nous pensons libres car nous pensons décider nous-mêmes librement de nos actions, mais est-ce vraiment le cas ? Quand nous décidons quelque chose, n’y a-t-il pas une cause qui a provoqué cette décision ? Et cette chose que nous faisons n’a-t-elle pas des effets, des conséquences qui vont entraîner d’autres décisions et actions.
Nos décisions et actions ne sont-elles pas liées à une série de causes et d’effets ? Souvent nous avons le choix d’agir ou de nous comporter de telle ou telle manière, notre liberté n’intervient-elle pas alors dans le choix que nous allons faire ?
Pour aller au sommet d’une montagne, nous pouvons prendre le chemin principal, le plus évident et le mieux tracé, ou nous pouvons prendre d’autres chemins au gré de notre humeur ou de nos envies.
Notre vraie liberté est certainement de prendre conscience de cette relation de cause à effet et d’agir de façon positive, dans le sens de l’authenticité, de la responsabilité et de la bonté.
La liberté est stimulante et même transcendante, car dans la liberté, l’être humain, quelque-soit sa culture, son activité, son instruction ou son domaine de prédilection, expérimente ses propres choses, mûrit ses propres réflexions et conceptions et peut ainsi développer de nouvelles capacités et élargir son champ de conscience.
« Il n’y a que la liberté d’agir et de penser qui soit capable de produire de grandes choses » disait le mathématicien, philosophe et encyclopédiste du XVIIIe siècle, Jean le Rond d’Alembert (1717-1783).
La liberté d’entreprendre et d’accumuler de la richesse et des biens par le travail est très motivante. Les entreprises, en se développant, profitent à tout l’environnement social.
Une société fondée sur la liberté individuelle, assumée dans le respect des autres, entraîne certainement beaucoup d’ardeur et de stimulation entre les gens. Elle favorise l’entreprise, l’innovation dans tous les domaines de la vie collective.
Lors de son voyage aux Etats-Unis, le sociologue français Alexis de Tocqueville (1805-1859) avait découvert que la société prospère et libre des Etats-Unis était fondée principalement sur une bonne instruction, une bonne éducation et une solide moralité des citoyens de ce pays.
L’article 1er de la Constitution de la Ve République (4 octobre 1958) indique : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». (Hôtel de ville à Reims). (Image : wikimedia / Fab5669 / CC BY-SA 3.0)
L’égalité existe-t-elle entre les êtres humains ?
Nous partageons tous une même condition humaine originelle. Nous avons tous une même valeur universelle et spirituelle. Dans ce sens, peut-être pouvons-nous dire que nous sommes égaux.
Mais chaque chemin de vie est différent. Cette observation est presque constamment sous nos yeux. Pour ceux qui croient en la réincarnation, cela va même au-delà d’une seule vie.
Cette notion de valeur égale, à l’origine, des êtres humains appelle à la tolérance, à la compréhension et à la bonté pour autrui. Ce principe permet, non pas de gommer les différences entre les individus, mais au contraire, d’avoir un fondement solide pour accepter et même approuver la richesse des différences entre les êtres humains.
Cela implique le droit d’être considéré comme les autres, et le devoir de traiter l’autre avec respect.
L’égalité des droits et l’égalité des chances
En France, l’égalité, telle que prônée dans le devise de la République, se fonde sur le droit de tous les citoyens à être égaux devant la loi.
L’article 1er de la Constitution de la Ve République (4 octobre 1958) indique : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
L’égalité des chances est une conception plus récente que l’égalité des droits. C’est essentiellement faire en sorte que les individus disposent des mêmes opportunités de développement social indépendamment de leur origine sociale ou ethnique, sexe, moyens financiers, croyance, etc.
C’est le vœu, dans une société libre, de donner à tous les mêmes chances de réussite, d’accomplissement et de bonheur.
« Chacun a remarqué que, de notre temps, et spécialement en France, cette passion de l’égalité prenait chaque jour une place plus grande dans le cœur humain. On a dit cent fois que nos contemporains avaient un amour bien plus ardent et bien plus tenace pour l’égalité que pour la liberté », Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique. (Esquisse pour la mairie du 6ème arrondissement de Paris). (Image : wikimedia / Léon Pierre Urbain Bourgeois / Domaine public)
Le difficile équilibre entre égalité et liberté au sein de la devise de la République
Dans la société actuelle, la recherche de l’égalité entre les individus devrait être tempérée par leur droit à la liberté. Trouver le bon équilibre entre les deux n’est pas simple.
La recherche de l’égalité, ou égalitarisme, a généralement pour objectif une égalité de revenus, que l’on travaille ou non, un bien-être social élevé pour tous et une redistribution des richesses. Ce système, pris en charge par l’Etat, peut sembler généreux.
Mais poussé à l’extrême, il entraînera de plus en plus de contraintes et d’obligations au détriment de la liberté : les lois et les mesures coercitives encadrant sa mise en œuvre se multiplieront, le contrôle du gouvernement sur les personnes et les entreprises se multiplieront aussi. Les taxations du travail, des produits, des services et des entreprises augmenteront toujours plus pour obtenir l’argent nécessaire à ce système de redistribution.
Ce processus d’égalitarisme, ne mène-t-il pas à un contrôle accru du pouvoir (du gouvernement et des services administratifs de l’Etat) sur les individus ?
Finalement n’en vient-on pas à une sorte de « dictature administrative » sans visage ?
En outre, ce système peut devenir très démotivant, autant pour ceux à qui on prend que pour ceux à qui on donne, et décourager beaucoup de gens à travailler ou à entreprendre.
L’égalitarisme peut s’insinuer dans de nombreux domaines de la vie collective.
« Chacun a remarqué que, de notre temps, et spécialement en France, cette passion de l’égalité prenait chaque jour une place plus grande dans le cœur humain. On a dit cent fois que nos contemporains avaient un amour bien plus ardent et bien plus tenace pour l’égalité que pour la liberté », a écrit Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique.
« Les maux que l’extrême égalité peut produire ne se manifestent que peu à peu ; ils s’insinuent graduellement dans le corps social ; on ne les voit que de loin en loin, et, au moment où ils deviennent les plus violents, l’habitude a déjà fait qu’on ne les sent plus. »
Alors, égalité sociale ou liberté individuelle, qu’elle est la valeur la plus bénéfique à l’être humain ? Peut-il y avoir un équilibre acceptable entre les deux ?
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité », peut-on lire dans l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. (Monument place de la République à Paris). (Image : wikimedia / Léopold Morice / CC BY-SA 3.0)
La fraternité unit les membres de la même famille que constitue l’humanité
La fraternité inclut les diverses notions de coopération, de solidarité, d’entraide, d’harmonie entre les individus.
C’est une valeur dynamique liée à la volonté de chacun de vivre en harmonie dans une société prospère, ordonnée, en paix et en sécurité. C’est le bonheur de vivre ensemble et de partager. C’est aussi le devoir de porter secours aux personnes qui ont besoin d’aide. C’est avoir de la compassion et être solidaire des gens démunis, rejetés, malheureux.
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité », peut-on lire dans l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par l’Assemblée générale de l’ONU
La fraternité se manifeste par le sentiment d’appartenir à la même et large communauté humaine, et de partager les mêmes valeurs essentielles. C’est la plupart du temps un sentiment bien présent, mais qui ne s’affiche pas. C’est ce qui nous rassemble et permet la cohésion sociale. C’est ce qui soude les associations de toutes sortes.
Selon Paul Thibaud, philosophe et ancien directeur de la revue Esprit,« Autant la liberté et l’égalité peuvent être perçues comme des droits, autant la fraternité est une obligation de chacun vis-à-vis d’autrui. C’est donc un mot d’ordre moral ».
Ce sentiment de fraternité, cet élan de sympathie ne nous permet-il pas de nous améliorer et de nous fortifier mutuellement par les échanges et l’interaction avec les autres ?
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