Depuis la nuit des temps, le parfum captive et fascine. Conter l’histoire de la parfumerie, ce secteur qui se consacre à la création des parfums, c’est découvrir l’évolution des sociétés. Découvrons ensemble les diverses étapes de la parfumerie française considérée comme une référence sûre à l’échelle mondiale.
La parfumerie française héritière d’un art lié au sacré
L’une des premières fonctions attribuées aux parfums en usage dès l’Antiquité est une fonction sacrée : le lien avec les divinités. « Le parfum dans l’Égypte des pharaons était assimilé au divin. Il permettait d’accéder à la vie éternelle par les pratiques d’embaumement. Les défunts devenaient alors des " parfumés ", des dieux. » explique l’anthropologue Annick Le Guérer, historienne des odeurs et du parfum. Faisant référence à la tradition biblique, elle ajoute : « C’est Yahvé lui-même, selon l’Ancien Testament, qui donne à Moïse la formule du parfum sacré, brûlé en offrande sur l’autel, et celle de l’huile d’onction sainte dont sont oints le tabernacle et l’Arche d’Alliance. »
Notons que l’expression « être en odeur de sainteté » pourrait être ici évoquée, une expression d’origine religieuse selon laquelle ceux qui émettent de leur vivant « des odeurs de rose, de jasmin, de violette, d’encens, de cannelle, de lis » sont reconnus comme saints. Pour rappel, le mot parfum vient du latin per fumum, qui signifie : « s’élever par la fumée ».
Le parfum, apanage de l’aristocratie française
Selon les sources, au fil des siècles, les parfums vont quitter le domaine du sacré pour rejoindre peu à peu le profane. Les chevaliers du Moyen Âge avaient ramené d’Orient des aromates et des substances odoriférantes. Au cours de la Renaissance, Catherine de Médicis, pour sa part, ramène d’Italie la mode des gants parfumés au sein de l’aristocratie française. À Versailles, à la cour de Louis XIV, surnommé « Roi le plus doux fleurant » puis celle de Louis XV, le parfum occupe une place de choix. Utilisé sans modération, il masque les odeurs. Si l’usage de l’eau jugée suspecte était peu recommandé, le parfum en revanche tenait lieu de médicament. La cour de Versailles s’appelle en fait « la cour parfumée », les courtisans s’ingéniant à signaler leur présence par un « sillage » où les fragrances de toutes sortes abondent. Plus tard, la reine Marie-Antoinette transmettra à son entourage son goût très prononcé pour les senteurs florales.
Parallèlement, dans la petite ville de Grasse d’abord renommée pour ses tanneries, le métier de parfumeur finira par supplanter celui de gantier parfumeur. Les parfums permettaient en effet de réduire les émanations malodorantes du cuir. Grâce à ses champs de lavande, de roses et de jasmin, la citadelle méditerranéenne développe un savoir-faire se transmettant de génération en génération. Grasse devient dès lors la capitale des parfums.
L’essor de la parfumerie française
Après avoir connu une certaine désaffection pendant la Révolution, le parfum revient en grâce au XIXe siècle, d’autant que Napoléon et l’impératrice Joséphine se révèlent grands amateurs d’Eau de Cologne. Des archives nationales laissent entendre que Napoléon utilisait chaque jour trois flacons d’eau de Cologne. En outre, par un décret du 18 août 1810, l’empereur officialise la scission entre la pharmacie et la parfumerie, ce qui facilite l’essor de la parfumerie française.
D’autres facteurs entrent en jeu. Avec l’apparition des grands magasins, à l’image du « Bonheur des Dames », décrit par Émile Zola, l’usage du parfum tendra à se démocratiser et à se vulgariser. Par ailleurs, le XIXe siècle représente l’ère des innovations telles que le vaporisateur ou l’extraction d’essences naturelles. La découverte des parfums de synthèse en 1868, par le britannique Sir Henry Perkin, va changer la donne. La chimie permet d’imiter les odeurs de la nature. Le parfumeur-chimiste Pierre-François-Pascal Guerlain ouvre sa première maison à Paris en 1828. Son fils, Aimé Guerlain, crée quelques décennies plus tard, un parfum à base de vanille artificiel, Jicky. De plus, l’éclosion d’écoles de parfumeries prestigieuses va contribuer à la naissance d’un véritable âge d’or de la parfumerie française. Au cours de la période située entre 1920 et 1960 émergent de grands noms : Chanel lance le célèbre parfum Chanel N° 5 et Jacques Guerlain lance le parfum Shalimar aux touches orientales.
Nouveaux défis du monde moderne
Si la parfumerie française reste une référence mondiale en termes d’élégance et de prestige, le secteur doit faire face aux nouveaux défis du monde moderne. Autour des années 1970, de grands groupes suisses tels que Givaudan, Firmenich et le groupe américain IFF (International Flavours and Fragrances) tournés vers des objectifs purement budgétaires ont acheté les maisons traditionnelles françaises. Vendre un style de vie ou une image forgée par la publicité semble plus important que vendre un parfum et la créativité du parfumeur tend à passer au second plan.
Dans le même temps, le savoir-faire légendaire de la ville de Grasse, capitale incontestée de la parfumerie, a été inscrit en 2018 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. L’objet de la distinction est défini comme suit sur le site : « Les savoir-faire liés au parfum en pays de Grasse : la culture de la plante à parfum, la connaissance des matières premières naturelles et leur transformation, l’art de composer le parfum ».
Ainsi ont été reconnus les atouts de la parfumerie française, qui a su en définitive garder une part de mystère et d’authenticité.
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