En juin 1764 et durant trois longues années, une bête fit un carnage dans le Gévaudan (l’actuelle Lozère) et les régions limitrophes. Elle s’attaqua principalement aux enfants et aux femmes. Mais pourquoi un loup, qui habituellement, ne s’attaquait pas à l’être humain, se transformait-il soudainement en dévoreur de femmes et d’enfants ?
Les ravages de la bête du Gévaudan
Il y eut de 85 à 125 victimes, suivant les différentes sources. La première victime officielle fut une jeune fille de 14 ans qui gardait son troupeau dans un pré. Sur le registre de la paroisse, il fut écrit : « Dévorée par une bête féroce. »
En novembre 1764, le nombre des victimes était accablant. Le gouverneur militaire de la province, le capitaine Duhamel, fut envoyé sur place avec un détachement de 57 soldats. La traque de la bête commença. Duhamel organisa de grandes battues avec l’aide des volontaires de la région. Des dizaines de loups furent abattus. Mais ce fut un échec, car les ravages de la bête continuèrent dans le Gévaudan.
La presse s’empara de l’événement. Depuis la fin de la guerre de Sept Ans, un an auparavant, la presse cherchait des articles à sensation. Cela devint un phénomène médiatique qui se répandit dans la presse occidentale. L’image de la bête fut diffusée partout. Des descriptions extravagantes de toutes sortes foisonnaient de détails.
Mgr de Choiseul-Beaupré, évêque de Mende, soulignait ces extravagances dans une lettre adressée aux fidèles de la région : « Loin de vous cette pensée folle que ce monstre est invulnérable, que les pasteurs et tous ceux qui sont chargés du sort des âmes s’appliquent à dissiper par de solides instructions ces contes fabuleux dont le peuple grossier aime à se repaître, et à bannir de son esprit tout ce qui ressent l’ignorance et la superstition. »
Néanmoins, à cette époque où le loup était bien connu, car il y en avait plusieurs dizaines de milliers en France, ce qui frappait le plus l’esprit des gens, chez cette bête, c’était sa force, sa rapidité et son comportement atypique. Que penser d’un animal sauvage qui s’attaquait aux gens devant leur maison et au berger plutôt qu’à ses brebis ?
Le courage remarquable de jeunes enfants solidaires et d’une femme à la lance
Le 12 janvier 1765, la bête s’attaqua à sept enfants du village du Villaret, en Haute-Loire, qui firent preuve d’un grand courage. Depuis l’apparition de la bête, il était recommandé de ne pas être seul à garder le bétail et les troupeaux étaient souvent regroupés.
Au Villaret, la bête tourna autour des enfants, car ils s’étaient regroupés pour se défendre et ils avaient des lames de couteau solidement fixées sur leurs bâtons. D’un bond, la bête sauta à la gorge d’un des plus petits, mais les trois plus grands, à coup de piques, lui firent lâcher sa proie. Elle se retira de deux pas, emportant une partie de la joue de l’enfant.
Par deux fois encore elle revint avec fureur et finit par saisir dans sa gueule le bras d’un autre petit garçon qu’elle emporta. Le jeune Jacques Portefaix les incita tous à secourir leur compagnon. Ralentie par sa proie, la bête fut rejointe par les enfants qui tentèrent de l’atteindre aux yeux. Jacques et ses amis parvinrent à lui faire lâcher prise et la tinrent à distance. À l’arrivée d’un ou plusieurs hommes alertés par les cris, la bête s’enfuit dans les bois.
Ces enfants particulièrement courageux reçurent diverses gratifications. Le Roi récompensa Jacques Portefaix en lui payant son éducation. Ce qui le mena jusqu’à l’école du Corps Royal d’artillerie et jusqu’au grade de lieutenant.
Le Roi envoya en Gévaudan un louvetier et chasseur réputé, le sieur d’Enneval, qui revint bredouille, quelques mois après. Le Roi s’impatientait, et il était moqué par les Anglais de ne pas savoir se débarrasser d’un loup. Il ordonna alors à son porte-arquebuse François Antoine de prendre en charge l’élimination de la bête.
En mars 1765, Jeanne Jouve était devant sa maison avec ses trois enfants. Alertée par un bruit, elle s’aperçut que sa fille de 9 ans venait d’être saisie par la bête. Elle se jeta sur elle et parvint à lui faire lâcher prise. La bête revint à la charge et saisit Jean-Pierre, âgé de 6 ans. S’ensuivit un combat entre la bête et Jeanne Jouve, griffée et mordue à plusieurs reprises. Heureusement, les deux ainés Jouve arrivèrent et mirent la bête en fuite. Mais le petit Jean-Pierre succomba à ses blessures cinq jours plus tard.
Le dimanche 11 août 1765, une jeune femme de 20 ans, Marie-Jeanne Vallet, emprunta une passerelle au-dessus d’un cours d’eau avec d’autres paysannes, quand la bête surgit et se jeta sur elle. Marie-Jeanne réussit à lui planter sa lance dans le poitrail. La bête tomba dans la rivière puis disparut dans le bois.
Etrangement, la bête du Gévaudan fut abattue plusieurs fois
Le 20 septembre 1765, le porte-arquebuse du Roi, aidé de ses assistants, tua un grand loup qui fut reconnu comme la bête par des témoins, dont Marie-Jeanne Vallet.
Officiellement, François Antoine, porte-arquebuse du Roi, avait tué la bête du Gévaudan. Dès lors, Louis XV ne voulut plus entendre parler d’une bête féroce dont son porte-arquebuse était venu à bout, et les journaux ne relatèrent plus aucune attaque de loup dans le Gévaudan ou le sud de l’Auvergne
Cependant, après un mois, des attaques recommencèrent. Elles furent épisodiques jusqu’en mars 1766 puis se multiplièrent à nouveau. Les carnages de la bête continuèrent durant toute l’année 1766 et jusqu’au mois de juin 1767.
Le peuple du Gévaudan savait que leur salut, désormais, ne viendrait plus du Roi et de la Cour. Les gens ne pouvaient que prier et plusieurs pèlerinages furent organisés.
L’évêque de Mende disait encore dans sa lettre aux fidèles du Gévaudan : « Cet animal, tout terrible qu’il est, n’est pas plus que les autres animaux à l’épreuve du fer et du feu. Il est sujet aux mêmes accidents, et à périr comme eux, il tombera infailliblement sous les coups qu’on lui portera dès que les moments de la miséricorde de Dieu sur nous seront arrivés… »
Le 19 juin 1767, lors d’une battue sur le mont Mouchet, l’excellent chasseur Jean Chastel fit tomber la bête d’un coup de fusil. Elle ne bougea plus et les attaques de la bête du Gévaudan cessèrent définitivement.
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