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Histoire. Une famille héroïque dans la nuit du débarquement en Normandie

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Les premiers parachutistes américains sautèrent dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 dans les environs de Sainte-Mère-Eglise. Leur mission était de reprendre certaines positions allemandes pour faciliter le débarquement en Normandie des forces alliées. Le vent emmena beaucoup d’eux vers une zone dangereuse de marais profonds. La famille Duboscq connaissait bien les lieux et leur porta secours autant qu’elle le pouvait. Elle réussit à sauver un grand nombre de soldats.

La famille Duboscq vivait près de Sainte-Mère-Eglise dans la Manche. C’était une famille pauvre, le père était cantonnier, mais malheureusement alcoolique et il battait régulièrement toute sa famille. La mère était garde-barrière d’un passage à niveau sur la ligne Paris-Cherbourg qui traversait des marais à proximité.

Des parachutistes américains à l’avant-garde du débarquement en Normandie

« Le jour le plus long » commença pour cette famille encore plus tôt que pour beaucoup d’autres. Geneviève Duboscq n’avait que onze ans. Le 5 juin 1944, vers 22h, elle et ses parents virent descendre du ciel les premiers parachutistes américains. Le mauvais temps et le vent les déportait vers une zone de marais profonds, inondés par les Allemands. Certains se noyèrent. D’autres, empêtrés dans leur parachute, furent tués sans pitié par les Allemands. Un désastre s’annonçait.

Une famille héroïque dans la nuit du débarquement en Normandie
Le mauvais temps et le vent les déportaient vers une zone de marais profonds, inondés par les Allemands. (Image : wikimedia / derivated work User:Omondi / CC BY-SA 4.0)

Courageusement, les membres de la famille Dubosq leur portèrent secours et les soignèrent au péril de leur vie. Papa Maurice, le père de famille, allait devenir ce jour-là un véritable héros. Dans la nuit noire, il parcourut de long en large, avec sa barque, le marais qu’il connaissait comme sa poche. Il sauva beaucoup de parachutistes de la noyade dans ce marais profond, et les ramena par petits groupes dans la maison du passage à niveau.

Geneviève et sa mère accueillaient et réchauffaient les soldats devant deux grandes cheminées où la fillette avait allumé deux grands feux pour guider les parachutistes et les sécher. Pour les réchauffer, elles leur offraient aussi du lait chaud et du bouillon. Toutes les réserves de la famille y passèrent.

Ils sauvèrent ainsi 350 soldats des 82e et 101e divisions aéroportées des Etats-Unis. Cela tenait du miracle. Ces parachutistes avaient pour mission de reprendre certaines positions allemandes dans les environs de Sainte-Mère-Eglise, pour faciliter le débarquement et le déploiement des armées alliées en Normandie.

La sincère et réciproque reconnaissance entre les soldats et la famille Duboscq

Trente-trois ans après cet événement, des soldats américains cherchaient encore à retrouver les Dubosq pour les remercier et les décorer de les avoir sauvés d’un désastre. Ils retrouvèrent finalement Geneviève en 1977. Elle se préparait à écrire un livre sur les événements de juin 1944 et sur comment elle les avait vécus. Les actes héroïques de sa famille, rapportés dans son livre Bye bye Geneviève, valurent à Geneviève Duboscq d’être l’invitée personnelle des présidents américains Ronald Reagan, Bill Clinton et Barack Obama lors des commémorations du Débarquement en Normandie.

Dans un autre livre intitulé : Dans la nuit du débarquement, Geneviève exprima sa gratitude et sa compassion envers les soldats américains : « Fils d’Amérique, vos vies à mes yeux avaient un prix inestimable. Pourquoi vous a-t-il fallu payer un tel tribut pour nous rendre une liberté dont nous ne serons peut-être pas dignes ? Sans les menées de ce fou criminel qui a pour nom Adolph Hitler, quel aurait été votre destin, là-bas, près de vos familles, en ce beau pays d’Amérique ? Petits soldats, mes amis, je saigne de toutes vos blessures, je souffre toutes vos agonies et si je me remets tout de même à chanter, c’est parce que vous m’avez appris la rude leçon, du courage et de l’espérance. Cette leçon, je ne l’oublierai pas. »

Une famille héroïque dans la nuit du débarquement en Normandie
« Pourquoi vous a-t-il fallu payer un tel tribut pour nous rendre une liberté dont nous ne serons peut-être pas dignes ? » (Image : wirestock / envato)

Du 6 au 13 juin 1944, les Dubosq soignèrent et sauvèrent aussi des blessés tant américains qu’allemands. Geneviève et sa mère firent preuve d’une grande tolérance en acceptant de soigner des soldats allemands blessés. La guerre était horrible pour tous et la mort frappait chaque camp. Malgré tout, la fillette restait très lucide sur les causes de ce conflit et les horreurs perpétrées par Hitler.

La guerre n’était pourtant pas encore finie pour Geneviève Dubosq. A 12 ans, elle sauta sur une mine avec son petit frère, celui-ci mourut sur le coup et elle fut grièvement blessée. Elle passa cinq ans à l’hôpital. Elle avait perdu un œil et ses jambes étaient criblées de 200 morceaux de métal. « Ce sont pourtant ces mêmes jambes qui vont la porter jusqu’à Jérusalem. Ma mère était quelqu’un d’extraordinaire. » a confié sa fille Stéphania.

Sur le chemin comme un pèlerin du Moyen-Âge

Le 25 décembre 1959, Geneviève Duboscq mit au monde son sixième enfant, Noël. Il pesait quatre kilos. En février, il ne pesait plus que deux kilos, car il rejetait toute nourriture. Puis il entra dans le coma. Son premier garçon était déjà parti dans des circonstances semblables. Elle ne se résignait pas à en voir mourir un deuxième. Elle se mit à prier de toutes ses forces et promit à Dieu qu’elle ferait un pélerinage à Jérusalem si l’enfant vivait. L’enfant vécut et elle tint parole.

« Ma mère est partie pour Jérusalem, comme un pélerin du Moyen-Âge, accompagnée d’un âne, sans argent, en vivant de la charité sur la route. » s’est encore étonnée sa fille Stéphania.

Le 13 juillet 1965, Geneviève, mutilée à 90 %, partit à pied du Havre pour Jérusalem, avec un âne comme compagnon. Elle arriva à Istambul après trois mois de marche et 4 100 kilomètres. L’hiver approchant, elle ne put passer les cols du Taurus et fit les 1 800 kilomètres restants en car pour rejoindre Jérusalem.

Une famille héroïque dans la nuit du débarquement en Normandie
« Ma mère est partie pour Jérusalem, comme un pèlerin du Moyen-Âge, en vivant de la charité sur la route. » (Image : Capture d’écran / www.ouest-france.fr)

De retour en France, pour honorer complètement sa promesse à Dieu, elle reprit la route à pied pour deux pèlerinages depuis Le Havre, de 900 kilomètres chacun, vers des lieux d’apparition de la Vierge Marie : Lourdes dans les Hautes-Pyrénées, puis Notre-Dame-de-la-Salette en Isère… Elle avait alors accompli toute sa promesse.

Elle fit le récit de ces longues marches extraordinaires, soutenues par sa détermination et sa foi ardente dans un autre livre : « Et dieu sauva mon fils ».

Dans les années 80, Geneviève s’installa en Mayenne avec sa famille. « Quand on a vidé sa maison de Saulges avant de la vendre, on a trouvé 15 000 lettres de lecteurs. C’était incroyable ! Elle avait marqué tout un pays. » a indiqué Stéphania, admirative.

Geneviève Duboscq est décédée à Laval en 2018 à l’âge de 85 ans. Elle a toujours été soutenue et aimée par sa fille Stéphania, qui a réédité son livre Bye bye Geneviève à l’occasion des 80 ans du débarquement en Normandie.

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