Christine Donnard, sous toutes les coutures
Il est des destins simplement « cousus de fil blanc », dirait-on. Quand une petite fille reçut, un jour, pour ses huit ans, sa toute première poupée mannequin et un nécessaire complet de couture, comme présents pour Noël, ce fut alors... le début d’une aventure épique médiévale que la jeune enfant ne soupçonnait même pas encore...
Une enfant prédestinée à l’art ancien des travaux d’aiguilles : l’art de la couture
Cette petite fille, c’est Christine...Christine Donnard, demeurant rue Désiré Letulle...et oui, chers amis lecteurs, cela ne s’invente pas...Une couturière vivant dans le tulle ! Quel joli petit clin d’œil du destin encore une fois. Si de plus, nous ajoutons à cela que Christine a exactement le même âge que la poupée Barbie...C’est un florilège de morceaux de destinée !
Enfant, Christine, après ce Noël, n’a plus qu’une idée en tête, elle va donc se lancer ses premiers défis en couture : créer et confectionner elle-même de belles robes de princesses pour sa jolie poupée.

Christine est une authentique autodidacte... Elle cherche, elle trouve ses premières chutes de tissu, notamment de coton ou velours côtelé dans les affaires de sa maman... Elle se lance, essaie, elle recommence, elle teste, elle ne se lasse pas, la couture devient sa vie, sa raison d’être, sa respiration...Vers 13 ans, une amie lui offre de vrais trésors de tissus : des échantillons de soie, de satin, de divers galons, de lamé ...Christine a des paillettes plein les yeux. Sa motivation et sa créativité ne font que croître. Au départ, Christine confectionne ses costumes en les moulant sur le corps du mannequin, puis plus tard, elle découvre la technique du patron, qu’elle utilise pour la première fois pour confectionner un corsage, en le traçant directement sur le corps de la poupée, et là, c’est magique, elle crée sa première Marquise stylisée...
Christine aime la mode et la couture, mais c’est également une enfant passionnée d’Histoire de France surtout...
Arrivée au Lycée, elle va perfectionner sa technique de patrons lors de cours optionnels de couture sur la pause méridienne. Elle y découvre avec joie qu’avec un unique dessin, il est possible de décliner des patrons à l’infini. C’est d’une magie fabuleuse pour Christine !

De fil en aiguille Christine, devient normalienne, donc enseignante, et étudie avec passion l’histoire de la mode au travers de différents livres de références comme notamment L’histoire du costume en occident de l’Antiquité à nos jours, aux Éditions Flammarion, de François Boucher, livre de chevet qu’elle serre religieusement contre son cœur en notre présence... Ce qui l’inspirera pour son mémoire de fin d’études d’ailleurs. Elle se plonge également dans des livres tels que Rois et Reines de France de Elisabeth Kirschhoff, ou Les Très Riches Heures du Duc de Berry de Jean Dufournet.
De là, elle suit son fil d’Ariane et elle crée des patrons de styles différents, des patrons historiques, des patrons du Moyen-Âge, de la Renaissance, du Baroque du 1er et Second Empire, des patrons de style victorien ou de la fin du XIXe siècle entre autres.
Elle confectionne également pour les amis et la famille, des reproductions de couples mariés, notamment celui de son propre mariage ainsi que celui de sa fille.
À cette époque, Christine crée des costumes de poupées « trop beaux pour les enfants », lui dit-on, mais elle...secrètement, elle estime qu’ils ne sont pas assez beaux surtout pour les adultes... Ce qui la challenge encore plus...Aller plus loin dans les détails des costumes, du beau, du vrai, de l’authentique, c’est ce qu’elle désire au fond d’elle-même, c’est ce qu’elle veut montrer aux yeux de tous, sa capacité à magnifier le merveilleux et à réveiller l’enfant, finalement, qui sommeille en chacun de nous...C’est ce qui couve comme un feu en elle. Elle bouillonne d’idées. Elle souhaite aller au-delà de l’ordinaire, elle veut aller vers l’extraordinaire, vers la beauté du cœur d’enfant de chacun. Elle garde son âme d’enfant et la partage, la transmet à son public lors de ses expositions, mais conserve le sérieux et le respect que l’histoire mémorielle doit conserver. S’inspirer du passé pour mieux construire l’avenir. Conserver et transmettre le patrimoine, cet univers historique.

C’est alors qu’en 1993, elle rencontre Anne Boulier, une costumière professionnelle, œuvrant sur un projet du centre de Musique baroque de Versailles. Avec elle, elle découvre l’amour pour de plus merveilleuses étoffes, comme le brocart, la soie sauvage, le taffetas... Avec elle, elle progresse, se perfectionne, se lance dans une collection de robes à la française. « De la Haute Couture pour Barbie ! », comme se plaît à le dire Christine. Maintenant, elle double ses robes, elle les lace dans le dos...Elle sait quel tissu choisir précisément.

À partir de 1996, Christine poursuit son chemin en couture, en se nourrissant de sa passion pour l’Histoire et s’inspire de grandes peintures, de portraits historiques, de gravures, de sculptures...Tout est prétexte historique à apprendre. C’est alors qu’elle se met à reproduire des personnages de la Cour française et d’Europe, du Moyen-âge, comme Louis XVI et Charlotte de Savoie, par exemple.

Christine adore les challenges. La confection des détails des costumes ne sont pas simples, l’épaisseur des tissus peut entraver la confection à une si petite échelle...La réplique des bijoux en miniature comme la couronne de Louis XV ou le fameux collier de la Reine, les galons incrustés de perles et pierreries, la broderie au fil d’or du costume de François 1er par exemple : quel défi de cacher les coutures... Les fleurs de lys brodées pour le manteau de cour de Louis XIV crée en 2003, les tissus peints au pochoir de la robe de la Pompadour, réalisée en 2006...
Mais Christine ne s’arrête pas là, elle pousse le souci du détail jusqu’à la coiffure, elle reproduit les coiffures des personnages historiques à l’identique, créant même des perruques, des coiffures parées de plumes, de rubans de fleurs ou d’oiseaux. Elle va jusqu’à utiliser une nouvelle technique, celle de la réimplantation des cheveux notamment pour ses modèles du XVIIIe siècle. Elle crée également des chaussures, des bottes, des chapeaux, des objets du costume et de la mode.

Mais non chers lecteurs, Christine ne s’arrête toujours pas là, elle va de plus en plus loin, lorsque lors d’expositions culturelles, elle s’oblige à créer de somptueux décors afin de présenter ses poupées historiques dans un écrin adapté à leur présentation. Ainsi, Christine devient metteur en scène de ses poupées historiques et crée par exemple, Le Salon Bleu pour Marie-Antoinette en 2006.
Elle mettra également en scène au château de Breteuil Les Contes de Charles Perrault avec d’autres poupées créées pour l’occasion.
Elle pousse encore plus loin dans les décors miniaturisés, instruments de musique, meubles, lustres, vaisselle, vont accroître encore l’authenticité de tout son univers historique : la Galerie des Glaces s’habille ainsi de candélabres et de lumières pour ses expositions.

Christine expose ses créations, ses œuvres, dans le Cantal au château de Sédaiges, dans le Val d’Oise, au château de Grouchy, au château de Crazannes et en Charentes Maritimes au Musée National de Rochefort, notamment au retour de l’Hermione, fameuse réplique du navire de guerre du même nom, la frégate qui débuta un voyage historique de quatre mois vers les États-Unis sur les traces de La Fayette, et c’est en août 2015 que Christine a pu ainsi exposer son fameux Marquis de la Fayette pour l’occasion.
Christine a dernièrement, en 2024, lors des Journées du Patrimoine exposée à la société historique de Pontoise, sa fabuleuse collection de poupées historiques sur le thème : Les poupées racontent l’Histoire.
Christine Donnard, enseignante : susciter le désir d’apprendre l’Histoire
N’oublions pas qu’en parallèle de sa passion historique, Christine est enseignante en maternelle, et qu’elle n’hésite jamais à utiliser ses magnifiques poupées historiques pour illustrer ses séances d’histoire. Elle souhaite sincèrement susciter, développer « Le Merveilleux » dans le cœur des enfants. Lorsque la galette des Rois arrive, Christine ne manque jamais de présenter ses Rois de France et leurs épouses royales en classe, au grand plaisir des enfants fascinés.
Elle en profite pour leur apprendre un vocabulaire spécifique, riche lors de son éveil historique, des mots tels que : la main de justice, le sceptre, la fleur de lys sont appris, ou des noms de pierres précieuses sertissant les couronnes royales tels que : citrine, péridot, tourmaline, améthyste... Elle conduit ainsi les enfants vers la découverte de châteaux, de livres d’Histoire...D’ailleurs, son mémoire de fin d’études dans le professorat s’intitulait : Costumes du temps des Rois : Indices pour rentrer dans l’Histoire au cycle II. En effet, Christine se questionnait alors sur : Comment aborder la pratique d’activités pour couvrir le domaine de « la découverte du monde », au programme alors, dès la maternelle.
Ce que désire Christine plus que tout, c’est bien évidemment sensibiliser les enfants à la mesure sociale du temps, aux prémices de la chronologie historique française, aux éléments de la vie quotidienne du passé à travers les costumes d’apparat notamment, du patrimoine avec ses magnifiques châteaux et de la transmission intergénérationnelle. Avec l’étude des costumes d’apparat, les enfants vont découvrir avec Christine une iconographie très riche en détails, observer des portraits, des sculptures, des gravures historiques du Moyen Âge à nos jours...C’est une véritable enquête historique qui débute alors avec ses élèves. Et ils découvriront parallèlement, un champ lexical autour du costume très riche : corset, perruque, souliers, paniers et jupons, l’éventail, l’ombrelle, le revers, les gilets, les bas, la pièce d’estomac, le jabot, le tricorne, le lustre, chandelier, le lit à baldaquins etc.. . n’ont déjà plus de secret pour eux.
Elle les emmènera visiter des châteaux en sortie scolaire, tel que Versailles par exemple, et leur demandera lors d’un rallye historique de rechercher des éléments précis par petits groupes. Ils assisteront à un spectacle avec « le Roi Soleil » où les enfants retrouveront avec plaisir et délectation le nom de tous les instruments de musique présents : le luth, la vielle à roue, la lyre, la mandoline, le clavecin, le violon, la musette de cour, le théorbe, la harpe, la viole de gambe etc. Tout ce vocabulaire, ses petits élèves l’ont découvert grâce aux Abécédaires thématiques que réalise Christine : Un Abécédaire sur les instruments du monde, un Abécédaire sur l’habillement entre autres.
Elle leur apprendra même à danser sur des airs d’antan, elle puisera d’ailleurs son inspiration dans une discographie signifiante dans laquelle nous trouvons : Ars Antiqua de Paris à la Sainte Chapelle- Janequin, les disques Pierre Verany pour Musique à danser de la Renaissance française, Erato- Soleil : musique au siècle de Louis XIV ou bien encore, Boismortier-Sérénades chez Marie Leczinska. Elle leur fait découvrir les musiques baroques et des musiciens tels que Lully, Vivaldi, Haendel ou Corrette.
Les danses et les chants ont été de vrais « outils » de transmission de savoirs naissants des enfants auprès de leurs familles. D’ailleurs, souvent de nombreux enfants de la classe de Christine souhaitaient poursuivre avec leurs parents leurs enquêtes au cœur de l’Histoire, en réclamant des livres sur le sujet ou des visites d’autres châteaux de France. Christine créait un véritable engouement chez ses élèves.
Christine Donnard : apprendre en s’amusant
Les élèves de Christine consolident leurs acquis avec des jeux tels que ceux de 7 familles des éditions Dusserre, comme Les grands Rois de France, Jeu Renaissance, Les peintres français classiques de Sylvie de Soye ou Les Capétiens en sept familles de Héron SA. Christine est une vraie source d’inspiration pour les enseignants, elle rend l’Histoire avec un grand H, ainsi vivante aux yeux des enfants et suscite leurs intérêts et leur curiosité pour les mondes royaux. Ses enseignements joyeux prennent ainsi du sens pour les enfants.
Christine Donnard, autodidacte miniaturiste, Reine de la récupération
« Quand on est institutrice, on a toujours un réflexe : celui du détournement d’objets ! » ajoute en souriant Christine.
Christine est une spécialiste autodidacte du « détournement d’objets » afin de réaliser ses créations en miniatures. Lorsqu’elle « chine », elle voit immédiatement dans son esprit ce qu’elle peut faire avec tel ou tel objet découvert sur son chemin. Pour Christine, il n’est pas simple de trouver de toutes petites pièces pour réaliser les bijoux, boucles d’oreilles, couronnes, colliers etc. Elle utilise du fil de laiton, ultra fin, afin que cela soit suffisamment solide pour résister aux différentes torsions subies. Christine nous présente des miniatures d’instruments du C, notamment des vielles à roue qu’elle a réalisées.

Christine explique : « Cette petite vielle à roue a été réalisée avec un demi-œuf de couturière. Vous savez, cet œuf en bois qui servait à repriser les chaussettes avant. Je l’ai coupé en deux pour faire la caisse de la vielle à roue. Ensuite, j’ai adapté dessus des bâtonnets de glace pour créer son clavier, avec un bouchon recouvert de pâte Fimo pour créer la roue. J’ai découpé également de la nacre que j’ai incrustée dans cette pâte Fimo noire pour figurer l’ébène comme en vrai pour plus de réalisme. La tête de la vielle à roue est une tête d’ange, également réalisée en pâte Fimo, tout comme le cordier. J’ai complété le tout par des petites pièces de bijoux avec des épingles et rondelles pour créer les touches mécaniques, sur le côté vous voyez ces touches, ce sont les sautereaux en bois. La nacre, je l’achète à l’atelier Delaruelle de Talmontiers, le monsieur est luthier et fabrique des instruments de musique. Et regardez la roue tourne ! » jubile Christine.
Christine est extrêmement douée, elle nous présente au creux de sa main tour à tour, plusieurs vielles à roue, une vielle à roue baroque ou traditionnelle, Christine sait tout faire ! C’est une véritable magicienne de la miniature. Viole de gambe, clavecin ou luth ne lui résistent pas non plus. Christine a observé le travail d’un luthier pour en arriver là. Cela l’a énormément inspirée. Rappelons que Christine n’a aucune formation de miniaturiste, mais pour elle : « Rien n’est impossible ! »

Un jour, Christine se rend à l’Abbaye de Royaumont pour une conférence pédagogique. Sur les lieux, elle découvre un organistrum exposé… L’organistrum est l’ancêtre de la vielle à roue, datant semble-t-il du XIe siècle. Il serait apparu dans les abbayes bénédictines du Nord de l’Europe. C’est un instrument qui accompagne alors les chants religieux à plusieurs voix. Christine est émue, et puis, son regard est attiré par la bibliothèque du site et elle tombe sur un livre unique qui ne la quittera plus dès lors pour réaliser ses instruments miniatures. Ce livre s’intitule Instruments de musique : Instruments de musique dans l’art de Sergio Paganelli aux Éditions Payot (Paris). Dans ce livre, tous les instruments baroques sont répertoriés, c’est un vrai trésor pour Christine qui s’empresse de l’acquérir. Christine nous confie qu’elle a toujours trouvé tout ce dont elle avait besoin pour ses miniatures sur son chemin de vie. Un ange veillerait-il sur Christine ? Peut-être est-ce pour cela que les têtes de vielle à roue de Christine sont celles d’un ange ?

À suivre...
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