Christine Donnard, sous toutes les coutures
Christine Donnard, miniaturiste autodidacte, couturière hors pair pour les têtes couronnées françaises, nous révèle toutes les cordes qu’elle possède à son arc. Dans la première partie de notre article, nous vous avions dévoilé une Christine qui, déjà enfant, était prédestinée pour les travaux ouvragés, une enseignante passionnée d’histoire et de beaux costumes royaux, vient désormais la Christine musicienne et quelques cordes incroyables de plus, à son arc.

Christine Donnard, musicienne
Au départ donc, Christine ne faisait que de la couture et des miniatures d’instruments. Et puis, un jour, elle s’est mise à apprendre à jouer de la vielle à roue. Pourquoi ? Elle ne le sait pas, car elle ne connaissait rien de cet instrument auparavant... Mais un jour, elle croise un tableau du peintre français, Donatien Nonnotte, peintre du XVIIIe siècle, spécialiste des portraits, qui va lui offrir la réponse. Christine voit La Dame jouant de la vielle à roue, tableau datant de 1741 environ.
« Ce tableau... » se souvient Christine, « représentait une vielleuse, en costume d’époque avec une vieille à roue baroque. J’ai compris dès que je l’ai vue, cela ne s’explique pas ». En effet, ce tableau fusionnait les deux passions de Christine, réunies en un tout harmonieux, l’amour des beaux costumes du XVIIIe siècle, ainsi que cet amour naissant pour la vielle à roue.
« Est-ce qu’il y a eu des vies antérieures ? » s’interroge Christine...Elle ne le sait pas.« Je ne peux dire si je crois ou pas en la réincarnation... Mais en attendant, il y a toujours eu quelque chose qui me poussait vers cette période du XVIIIe siècle... »
C’est en effet troublant pour Christine...Elle ajoute : « Il faut toute une vie pour réaliser tout cela. Le baroque cela ne fait pas si longtemps que j’en fais...Et faire du baroque maintenant en costume avec une vielle à roue. C’est une belle satisfaction. »

Christine n’hésite pas non plus en tant que musicienne traditionnelle de vielle à roue, à se rendre dans les écoles pour faire découvrir son instrument aux enseignants et à leurs élèves, pour leur plus grand plaisir. Elle est accompagnée de son mari Francis au violon et de son fils Alexandre à l’accordéon diatonique : la musique traditionnelle, une passion commune familiale donc. D’ailleurs la famille de Christine ne s’arrête pas là, en effet, la famille fait partie également d’un groupe folklorique traditionnel appelé Les Papillons de Nuit et Christine initie à la vielle à roue, lors d’ateliers à la MJC de Pontoise, ceux qui le souhaitent. Son répertoire de musique traditionnelle est large allant de la Bretagne au Berry en passant par le Morvan ou l’Auvergne. Inlassable, Christine initie qui le souhaite, débutant ou confirmé, de même aux musiques plus anciennes comme celle de la Renaissance ou du Baroque. D’ailleurs, Christine se rend régulièrement au festival du Son Continu qui a lieu chaque année au château d’Ars à Lourouer-Saint-Laurent (36400)

Christine, costume les instruments
Christine, dernièrement, s’est lancée dans l’habillage des instruments de musique. Elle nous montre par exemple, la robe ou housse d’instrument qu’elle est en train de confectionner pour une musette de cour, appelée également cornemuse de cour. Elle l’habille de façon très noble.
« En effet, la musette de cour était jouée en musique de chambre chez les nobles et celle-ci était généralement assortie au costume de son musicien », nous explique Christine.
Christine utilise donc une étoffe identique au costume du demandeur ayant passé commande. Christine a ainsi de multiples et incroyables cordes à son arc, c’est ainsi qu’elle a su inspirer et initier sa fille Aurélie aux joies de la couture historique.

Christine et Aurélie, plus qu’une transmission mère-fille : une coopération
Christine nous présente alors ses magnifiques créations. Nous retrouvons notre âme d’enfant, une myriade d’étoiles dans les yeux. Nous nous retrouvons à la Cour des Rois et des Reines et nous sommes émerveillées devant tant de beauté...Quand notre regard s’arrête sur une cloche de verre protégeant le Roi des Rois : Louis XIV, le Roi-Soleil, le clou du spectacle !
Christine soulève la cloche délicatement et nous voilà devant le Roi Soleil a son avènement, en costume doré d’Apollon, costume théâtral porté lors du Ballet de la Nuit pour marquer en quelques sortes, sa prise de pouvoir selon Christine. Il est très jeune alors, le Ballet a lieu en 1653, Louis XIV a donc à peine 16 ans. Christine a reproduit à l’identique le costume d’une gravure que nous avons retrouvée à la BnF. Elle nous explique qu’elle a dû modifier la chevelure de la poupée puisque « Le Roi dansant en costume d’Apollon » porte une perruque rousse.

Parallèlement, en 2013, Aurélie, la fille de Christine, de son côté réalise, grandeur nature ce sublime costume pour un ami prénommé François, qui se costume énormément. François a consulté plusieurs créateurs et c’est à Aurélie qu’il confiera son projet.

Le Roi Soleil en costume d’Apollon, Maître du Ballet royal de la nuit, au Musée Grévin
Mais ce que la mère et la fille ne soupçonnent pas encore, c’est que leur travail commun va ouvrir un chemin vers une nouvelle et très belle aventure. François, leur ami, connaît très bien l’univers du Musée Grévin. Là-bas, ils recherchent justement une personne capable de s’attaquer au costume d’une personnalité de cire inégalable, celle du Roi Soleil ! François ne tarit alors pas d’éloges sur Aurélie et le costume époustouflant qu’elle lui a créé. Le Musée Grévin est donc plus que confiant pour son propre projet. C’est donc par l’intermédiaire de François que la demande du Musée Grévin sera faite à la fille de Christine. Voilà, donc une bénédiction pour Aurélie qui va asseoir sa notoriété, mais elle n’oublie pas sa maman.
Christine est très fière de sa fille qui a accompli un travail colossal sur ce costume, ce travail invisible, celui comme le précise Christine : « Tout ce travail qui ne se voit pas : le patronage, les jupons, les dessous, la taille des tassettes, ces petites cravates brodées autour de la ceinture... La décoration quant à elle, tout ce qui est broderie sur le dessus du costume, les bijoux, les pierreries et l’habillage des chaussures, tout cela Aurélie me l’a confiée car c’est plus mon domaine de prédilection. »
Lors de la soirée d’« investiture » du Roi Soleil de cire, lorsque le responsable du Musée Grévin demandera à Christine ce qu’elle a réalisé sur le costume, Christine répondra en toute humilité qu’elle n’a été que le joker de sa fille. C’est une belle réussite familiale et le résultat d’une belle complicité mère-fille. Une sincère coopération dans le respect des compétences de chacune. Christine ne compte plus ses longues heures de travail...

Comme le souligne Christine, tout en nous rappelant sa devise : « J’adore cela. Quand on aime, on ne compte pas et si nous ne le faisons qu’une seule fois, alors autant le faire bien. »
C’est pourquoi lorsque Christine met en scène le Roi Soleil, elle n’hésite pas à l’accompagner du Cardinal Mazarin ainsi que d’Anne d’Autriche et pousse le détail jusqu’à lui créer les torches pour Le Ballet de Nuit.

Christine et ses couples royaux et impériaux
Depuis 1971, c’est ainsi, plus de 800 poupées qui sont passées entre les doigts de fées de Christine pour être magnifiées, portant de sublimes costumes d’apparat. Parmi, ces 800 poupées, certaines ont été créées sur commande de particuliers collectionneurs, d’autres ont été offertes comme les répliques de couples mariés, mais les coups de cœur restent bien au chaud chez Christine, certaines poupées historiques seraient un crève-cœur si elle devait s’en séparer. Nous le sentons, Christine vit avec ses poupées historiques, elles font partie d’elle, de sa vie. Elle connaît sur le bout des doigts leur histoire, à chacune d’elles. Christine sait vous conter avec moult détails, le Bal des ardents ainsi que l’histoire de la fameuse Affaire du collier de la Reine Marie-Antoinette. Christine évoque en majesté, Louis XV et Marie Leczcynska, ainsi que Louis XIII et Anne d’Autriche.

Christine est intarissable sur l’Histoire de France, celle-ci coule dans ses veines. Elle a un profond respect pour ses poupées historiques bien au-delà de ce qu’elles sont réellement, car ce ne sont pas des poupées ordinaires. Christine a répertorié toutes les photos de ses créations dans des catalogues personnels ainsi que tous les dessins et croquis qu’elle a établis pour réaliser ses travaux.

Ainsi, nous découvrons Henri III avec sa fraise en organza et son épouse Louise de Lorraine-Vaudémont, Henri IV et ses jolies bottes en daim, l’épouse de Louis XIII : Anne d’Autriche et son brocart indien, ses rubans et ses galons perlés, strassés. Louis XIV ici dans son habit de sacre, lorsqu’il reçut l’ordre du Saint Esprit, avec ses fleurs de lys, brodées avec une machine spéciale, une brodeuse.

Christine explique pour ce vêtement royal : « Je ne pouvais pas broder directement sur le velours car cela aurait écrasé le velours et les fleurs de lys auraient eu du mal à être dispersées sur le tissu comme elles le sont ici. Je les ai donc d’abord brodées séparément, ensuite, je les ai redécoupées, puis appliquées sur le manteau de velours et cernées à l’aide d’un cerne doré pour masquer les coutures et rendre les bords lisses avant de les coudre, l’intérieur est en velours et l’effet hermine, réalisé au stylo. C’est l’une des premières pièces ouvragées de la sorte que j’ai réalisée. »
« Louis XV m’a été inspirée d’une gravure de carte postale, trouvée au parc de France Miniature. Ce costume-là était intéressant à reproduire en soie, avec un gilet de brocart très fin, les mocassins, le sceptre, les fleurs de lys, la perruque...Comme son épouse, Marie Leszczynska, la pièce d’estomac était intéressante, je l’ai constellée de pierreries ainsi que les bijoux à travailler. » Christine a réalisé plusieurs costumes de Marie Leszczynska mais celui qu’elle nous présente est un costume de cour, c’est le plus somptueux réalisé selon Christine car il est très riche en détails.

Christine poursuit : « Louis XVI a été créée avec un peu d’embonpoint, avec un faux ventre et il y a un travail d’incrustations. Son épouse Marie-Antoinette porte une coiffure " à la Belle Poule ". » ( Coiffure inspirée de la Belle Poule qui, tout comme l’Hermione, était une frégate, cette coiffure a été rendue populaire par la Reine à l’époque. )

La collection costumée de couples royaux et impériaux créés par Christine est impressionnante...Son Napoléon Ier, en habit de sacre, avec son épouse Joséphine de Beauharnais est stupéfiant et d’une richesse de détails qui en accentuent la beauté.
François 1er et son épouse royale Claude de France, Saint Louis et Marguerite de Provence, Charles VI et Isabeau de Bavière, Louis XI, Charles IX ou Charles V et bien d’autres encore...Christine sait réellement chérir tous ces couples qui ont fait la grande Histoire de France.

Christine Donnard, costume et se costume
Christine adore costumer ses poupées royales et impériales, mais elle adore également, elle-même, se costumer et participer à de beaux événements de reconstitution historique. Souvent, elle est accompagnée de sa vielle à roue traditionnelle ou baroque ainsi que de son mari Francis qui partage cet amour pour l’Histoire, la musique et joue au violon de magnifiques mélodies d’antan. Christine est une couturière qui fait réellement preuve d’une infinie patience pour mener à bien ces créations historiques, toujours dans le souci et le respect du détail, ces tout petits détails qu’elle souhaite les plus authentiques possible, les plus proches de la réalité mémorielle.
Admirez chers lecteurs, l’ingéniosité dont elle fait preuve lorsqu’elle parvient à allumer des candélabres plus vrais que nature, de si petites tailles, pour sa Galerie des Glaces. Partout où Christine passe, la lumière arrive. Elle illumine la vie des grands et des petits...Il fallait bien qu’à notre tour nous fassions la lumière et mettions les projecteurs sur cette incroyable autodidacte de la couture historique. De plus, elle chérit ses créations avec une bienveillance inouïe, même lorsque certaines créations ont été vendues à des collectionneurs particuliers, elle garde toujours un œil maternel sur elles. Christine a su préserver son âme d’enfant, pour le bien de tous et surtout pour la sauvegarde du patrimoine historique, c’est incontestable. Nous ne pouvons qu’être admiratifs par tout ce travail accompli.

Se faire connaître
Christine, avec le recul, s’interroge encore pour son élan sans limite dans le domaine des costumes historiques, pour ces grandes périodes de l’Histoire française...
En 2017, Christine a créé sa propre société avec l’aide de sa famille qui a pour nom CF-EXPO consacrée essentiellement à la location d’exposition de ses poupées historiques pour qu’elles aussi vivent des aventures...
Christine cherche des lieux d’exposition tels que des musées, des châteaux, des centres culturels, des événements historiques, et poursuit sa quête de nouveaux personnages historiques à créer. Le travail de Christine est très inspirant, époustouflant. Elle vise l’excellence des représentations et l’authenticité la plus pure, en s’inspirant des tableaux des grands peintres de l’époque. Peut-être d’autres couturières dans le monde, à l’instar de Christine, créeront les costumes pour des poupées historiques de leur propre pays, qui sait ?
Peut-être un jour verrons-nous fleurir d’autres personnages célèbres tels que les grands Empereurs et Impératrices, des différentes dynasties chinoises comme les Han, les Tang, les Mandchous, les Song, les Qing ou les Ming ? Les costumes traditionnels chinois de chaque dynastie étant très spécifiques et les qualités de soie et divers tissus étant très riches, peut-être inspireront-ils Christine ou d’autres passionnées de couture ? L’avenir nous le dira.
Ainsi, toute la lumière a été faite sur les affaires de cette extraordinaire couturière ! C’est donc en puisant dans le passé, dans les livres d’Histoire, que Christine s’est inspirée pour créer ses miniatures qui seront encore là pour le futur. Nous souhaitons donc longue vie aux poupées historiques de Christine, qu’elle ouvre une voie pour d’autres inspirations dans l’univers de la couture historique, qu’elle contribue à construire un pont entre le passé et le futur.
Merci à Christine Donnard pour cette interview passionnante et passionnée.
Merci à cette magicienne incomparable de l’aiguille !
Si vous souhaitez en savoir plus, chers amis lecteurs, vous pouvez contacter Christine Donnard, vous la trouverez facilement, il suffira de suivre la lumière de la Galerie des Glaces et ses poupées historiques vous montreront le chemin...
Ainsi s’achève notre voyage à remonter le temps avec Christine Donnard, n’hésitez pas à découvrir les magnifiques travaux ouvragés de Christine dans cette vidéo, réalisée avec son aimable collaboration. 👇
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