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Histoire. La chasse aux sorcières et l’intervention de Louis XIV

FRANCE > Histoire

Alors qu’on assistait, au XVIe siècle, à l’émergence des Temps modernes et à la Renaissance, dans les campagnes européennes tout bascula. On entra dans une longue période d’intolérance et de violence. Les tensions religieuses entre protestants et catholiques attisaient les haines, les difficultés de la vie quotidienne cristallisaient les tensions. La chasse aux sorcières et son cortège d’abominations furent soutenus et conduits par la justice civile et non par l’Inquisition.

La chasse aux sorcières entraîna une persécution terrifiante en France et en Europe. Elle dura, dans notre pays, de 1570 jusqu’à 1672, pendant les guerres de religion. 

Des procès sous la responsabilité de tribunaux civils

Une explication, récurrente de nos jours, présente la chasse aux sorcières comme une continuité de la lutte contre l’hérésie, qu’elle soit cathare ou autre, par l’Inquisition. Mais cette explication, historiquement, n’est pas crédible, car les tribunaux d’inquisition ecclésiastique disparurent au XVe siècle en France, remplacés par les « parlements », tribunaux sous juridiction civile. D’ailleurs, l’inquisition ecclésiastique avait été mise en place par l’Église romaine pour garantir des procès équitables, ce qui souvent n’était pas le cas des tribunaux régionaux civils ou militaires. 

Quand quelqu’un se présentait devant un tribunal civil pour déposer une plainte, il avait affaire à une justice accusatoire. C’est-à-dire qu’il devait lui-même démontrer la légitimité de sa plainte, et quand une personne était accusée, elle devait aussi se défendre par ses propres moyens. En revanche, dans un tribunal d’Inquisition, il y avait une recherche de la vérité par le tribunal, à charge et à décharge, c’était un réel progrès en matière de respect du droit et des personnes.

Si la chasse aux sorcières ne fut pas l’œuvre de l’Inquisition catholique, ce fut néanmoins le pape Innocent VIII, qui amorça le mouvement de la répression de la sorcellerie, à la fin du XVe siècle, en assimilant, dans une bulle papale, sorcellerie et hérésie. Il nomma deux membres de l’Inquisition pour exposer publiquement la sorcellerie et justifier sa condamnation. Ceux-ci écrivirent et publièrent un livre : Malleux Maleficarum (Le marteau des sorcières). Ce livre fut le premier ouvrage de démonologie judiciaire.

La chasse aux sorcières et l’intervention de Louis XIV
Quand une personne était accusée devant un tribunal civil, elle devait se défendre par ses propres moyens. (Image : wikimedia / Inquisition-art / Domaine public)

Le livre abordait la nature de la sorcellerie, les capacités des sorcières et la manière de mener les procès, condamnations et exécutions. L’ouvrage fut rapidement discrédité par l’Église et inscrit à « lindex » (interdit de lecture par les catholiques) en 1545. Il reflétait une compréhension sinistre et déviée de la religion, considérant la femme très négativement. Cependant, il eut une forte popularité, fut réédité 34 fois jusqu’en 1669 et diffusé dans toute l’Europe. Il eut certainement un impact redoutable dans l’ardeur à juger et brûler les sorcières ou soi-disant sorcières. 

L’Église romaine abandonna rapidement la poursuite des sorcières qui devint l’affaire exclusive des juges civils. La position de l’Église, pendant la chasse aux sorcières, fut d’épargner les vies, d’apaiser les esprits et de venir en aide aux malheureuses tombées entre les griffes de ces juges, dans des procédures devenues complètement extravagantes et abusives. 

La chasse aux sorcières comme moyen d’expiation 

Il est probable aussi qu’à une époque dominée par la chrétienté, la condamnation de cultes païens, de la sorcellerie et autres pratiques magiques, considérées comme cultes du diable et du mal, soit devenue inconsciemment, une sorte d’expiation dans la population européenne, confrontée à une perte de foi et de repères spirituels. La remise en question du bien-fondé, du rôle et des pratiques de l’Église catholique romaine par la Réforme protestante et les guerres de religion qui en découlèrent firent vaciller les peuples d’Europe en proie au désarroi et au doute. La vérité semblait être devenue toute relative. 

Durant les guerres de religion entre catholiques et protestants, les peuples européens vécurent dans un climat de tension et de violence exacerbées. Alors que les différentes pratiques de sorcellerie avaient été généralement tolérées jusque-là, elles firent désormais l’objet de dénonciations.

Les procès de sorcellerie furent parfois utilisés pour gérer des épisodes de violence qu’une communauté déjà largement fissurée ne pouvait plus régler sereinement. Selon certains historiens, dans les procès qu’ils ont étudiés, la plupart des accusés témoignaient qu’ils avaient été victimes d’un refus ou d’une exclusion par le village avant d’avoir été désignés comme sorciers. 

La chasse aux sorcières et l’intervention de Louis XIV
Des infractions à l’harmonie sociale et à la solidarité communautaire pouvaient mener au soupçon, au rejet et à la malédiction. (Image : Adam Liuzzi / flickr)

Ne pas donner à manger, ne pas donner l’aumône, refuser d’inviter à une noce constituaient autant d’infractions à l’harmonie sociale dans une société qui reposait, aux XVIe et XVIIe siècles, sur une éthique du bon voisinage et de la solidarité communautaire. Perçus comme une atteinte à l’intégrité de la communauté villageoise, ces refus entraînaient parfois une réponse féroce : après le soupçon, le rejet et la malédiction, venaient les étapes de la dénonciation et du procès.  

Des historiens ont découvert comment la réputation de sorcellerie pouvait s’amorcer à la suite d’une accumulation de « déboires relationnels », comme cette femme peu à peu marginalisée par la communauté villageoise dont elle ne respectait plus ni les rythmes quotidiens, ni les tâches, ni même les aides et services urgents exigés dans les moments difficiles, comme l’aide à l’accouchement d’une voisine par exemple. 

Un outil de pouvoir et d’élimination 

Si les mœurs et les coutumes ancestrales pouvaient servir d’instrument à l’accusation, se cachaient souvent des raisons plus égoïstes et vénales derrière les dénonciations. Les procès en sorcellerie répondirent, à partir de 1580, à une volonté d’élimination systématique entre clans rivaux, les archives montrant comment les témoins à charge se portaient acquéreurs des biens des condamnés et agissaient à des fins économiques personnelles. 

Les victimes de la persécution furent surtout des femmes, mais il y eut aussi 20 à 30 % d’hommes. Il y eut des dizaines de milliers de victimes (de 30 à 80 000, selon diverses sources). Les premiers bûchers furent allumés au plus fort des guerres de religion, vers 1570. 

La chasse aux sorcières et l’intervention de Louis XIV
L’Église n’avait plus assez de pouvoir pour arrêter la furie meurtrière et les bûchers. (Image : Patti / Pixabay)

Les victimes étaient souvent torturées et, pour échapper à la torture, beaucoup finissaient par avouer et dénoncer tout ce qu’on voulait leur entendre dire. On terrorisait des enfants pour qu’ils dénoncent leur mère. Les victimes étaient souvent des femmes seules, âgées, en position de faiblesse, sans soutien familial ou social.

L’Église n’avait plus assez de pouvoir pour arrêter cette furie meurtrière qui s’emparait de certains villages ou de certaines régions. Dans le but d’arrêter cette barbarie, un décret pontifical, en 1657, reconnut l’existence de la maladie mentale, ce qui impliquait l’interdiction de juger et d’emprisonner des personnes atteintes de cette maladie. Mais cette décision pontificale n’avait aucun pouvoir de contrainte sur la justice civile.

L’intervention de Louis XIV stoppa les monstruosités

Il y eut une nette diminution des procès en sorcellerie quand les accusations commencèrent à atteindre les femmes ou les hommes du « beau monde ». Ces procès s’insinuèrent dans les villes, dérangeant de plus en plus les milieux aisés de la société. Des femmes de rang élevé se firent accusatrices et se plaignirent de possession dont il fallait les délivrer. On commença, pour diverses raisons, à brûler des gens haut placés, des prêtres aussi. Les accusations et les procès en venaient à mettre en cause des affaires d’orgies, de sacrifices d’enfants et autres atrocités.

Un certain nombre de mesures furent prises par les hauts magistrats, non pas qu’ils se repentirent de leurs jugements, mais parce que ces affaires scabreuses touchaient de plus en plus leur environnement social. Cependant, la mesure la plus importante fut l’obligation d’un appel au parlement de Paris, c’est-à-dire à la cour de justice du roi, exigé dans tous les cas de condamnation à mort. Et alors la relaxe était systématique. On percevait là, déjà, l’autorité bienveillante de Louis XIV. La folie des procès en sorcellerie fut ainsi sérieusement restreinte. 

La chasse aux sorcières et l’intervention de Louis XIV
La chasse aux sorcières s’arrêta grâce à la bienveillance de Louis XIV à l’égard de son peuple. (Image : wikimedia / Coyau / Domaine public)

Mais quelques parlements régionaux voulaient garder leurs privilèges et leur pouvoir, la chasse aux sorcières permettant d’avoir une emprise sur la population. Par exemple, lors d’une affaire, les juges du parlement de Rouen envoyèrent une lettre au roi, le suppliant de leur permettre de brûler une dizaine de sorciers qu’ils avaient arrêtés. 

Le ministre du roi, Colbert, avait ordonné à ses intendants de faire des enquêtes sur la chasse aux sorcières, dans les provinces de France. Les rapports des intendants furent sans appel : les procès étaient désastreux, c’était surtout un moyen de régler des comptes, d’escroquer et de terroriser le peuple. 

Le 25 avril 1672, Louis XIV prit la ferme résolution d’interdire ces monstruosités, empêchant ainsi que « l’innocence soit plus longtemps exposée à la calomnie et à l’avarice ».

La chasse aux sorcières s’arrêta effectivement à ce moment-là en France, grâce à la bienveillance de Louis XIV à l’égard de son peuple. Dix ans plus tard, l’édit de juillet 1682 décriminalisa la sorcellerie, en l’attribuant uniquement à la magie, aux superstitions et à l’ignorance. 

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