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Histoire. La reine Clotilde : son influence auprès du roi Clovis fut décisive

FRANCE > Histoire

Quoique la reine Clotilde fasse partie de notre conscience collective, nous savons peu de choses sur cette figure emblématique de l’histoire. C’est surtout l’évêque Grégoire de Tours, dans son ouvrage Histoire des Francs, qui dépeint celle qui fut la première reine des Francs. Il indique peu de dates, si bien qu’à la lumière de ses écrits, le légendaire et la vérité historique se confondent aisément. Comment Clotilde est-elle parvenue à exercer une influence palpable sur le fougueux Clovis, dans le royaume des Francs ? Les lignes suivantes pourront offrir quelques éléments de réponse.

 La reine Clotilde : une enfance marquée par la violence 

Clotilde est vraisemblablement née en 475 et décédée en 545. C’est une princesse burgonde ayant pour père Chilpéric II, roi des Burgondes, peuple originaire de l’actuelle Scandinavie. Les Burgondes, installés dans les « décombres de l’empire romain » s’étaient positionnés aux abords de la Suisse et de la ville de Lyon. Chilpéric II avait trois frères héritiers à part égale des biens paternels. Selon Grégoire de Tours, l’un d’eux, Gondebaud, a fait massacrer le père, la mère de Clotilde et ses frères. Clotilde, à peine âgée de quatre ans et sa sœur Chroma, âgée de six ans, furent épargnées par Gondebaud qui les recueillit dans sa cour. Clotilde, très pieuse, grandit dans la foi catholique, qu’elle chercha à diffuser, tandis que sa sœur entra dans un couvent. Certains experts pensent que l’auteur du récit, Grégoire de Tours, catholique de tradition nicéenne, aurait tendance à noircir la famille de Clotilde favorable au courant arien. L’arianisme vu comme une hérésie nie la divinité du Christ.

La reine Clotilde : son influence auprès du roi Clovis fut décisive
Le mariage de Clotilde et Clovis est célébré à Dijon en 493, puis le couple royal s’installe à Soissons et plus tard à Paris, la nouvelle capitale des Francs. (Image : wikimedia / Antoine-Jean Gros / Domaine public)

Demandée en mariage par le roi Clovis

Grégoire de Tours rapporte que Clovis, le roi des Francs, occupant alors un modeste territoire situé au Nord de la Gaule, attiré par la beauté de Clotilde, demande à Aurélien, son ami gallo-romain, d’approcher cette jeune femme de sang royal, réputée pour sa sagesse et sa générosité. Déguisé en mendiant pour mieux l’émouvoir, le messager du roi confie à Clotilde : « Maîtresse, j’ai à vous parler (…). Le roi Clovis désire vous épouser et m’envoie ici pour demander votre consentement. En témoignage de la vérité de ma mission, voici l’anneau du roi. » La réponse de Clotilde ne se fit point attendre : « Donne et dis à ton maître qu’il me fasse promptement demander à Gondebaud », dit-elle, craignant qu’un autre prétendant désigné par son oncle ne se présentât. Par ailleurs, Clovis avait tout intérêt à s’allier à une princesse catholique pour consolider son royaume, le catholicisme étant devenu de plus en plus puissant. Gondebaud, pour sa part, craignant des représailles, accepte la demande de Clovis. Le mariage est célébré à Dijon en 493, puis le couple royal s’installe à Soissons et plus tard à Paris, la nouvelle capitale des Francs.

La reine Clotilde : son influence auprès du roi Clovis fut décisive
La reine Clotilde n’avait pas manqué de prier pour obtenir la guérison de l’enfant malade.(Image : wikimedia / BeatrixBelibaste / Domaine public)

L’influence décisive de Clotilde, première reine des Francs

La jeune mariée, plus que jamais animée de ferveur religieuse, presse son époux d’abandonner son culte des dieux païens pour se tourner vers le « vrai Dieu ».

« Les dieux que vous adorez ne sont rien, répétait-elle souvent au roi, car ils sont de pierre, de bois ou de métal. Les noms que vous leur avez donnés ne sont que des noms d’hommes et non de dieux. Ils possèdent plutôt la magie que la puissance (….). Le Dieu qu’on doit adorer est celui qui, par sa parole, a tiré du néant le ciel, la terre, la mer, et toutes les choses qui y sont contenues. » Telles furent les paroles que la reineClotilde, sacrée première reine des Francs adressa à Clovis.

En dépit du scepticisme de son époux très attaché à ses dieux païens, Clotilde parvient à faire baptiser leur premier fils, Ingomer, né un an après leur mariage, mais celui-ci meurt, ce qui entraîne la fureur de Clovis. L’année suivante, leur second fils, Clodomir, naît. Lui aussi est baptisé, Clovis ayant fini par céder aux instances de son épouse, mais l’enfant tombe malade.  « Que peut-il lui arriver, sinon ce qui est arrivé à son frère, (…) c’est-à-dire qu’il meure après avoir été baptisé au nom de votre Christ ? » lui lance Clovis, de nouveau furieux. Cette fois, l’enfant a survécu. La reine Clotilde n’avait pas manqué de prier pour obtenir sa guérison. Les trois autres enfants nés après la naissance de Clodomir ont eux aussi été baptisés. Clotilde restait toujours déterminée à convertir son époux à la foi chrétienne.

La reine Clotilde : son influence auprès du roi Clovis fut décisive
C’est alors que Clovis a l’idée d’invoquer le Dieu de Clotilde. (Image : Capture d’écran / YouTube)

Le déclic n’allait pas tarder. D’après le récit de Grégoire de Tours, un conflit éclate entre les Francs et les Alamans, autre peuple germanique en quête de pouvoir. La bataille fait rage sur le champ de bataille mais Clovis estime que la situation de ses hommes est désespérée. C'est alors que Clovis a l'idée d'invoquer le Dieu de Clotilde.

« Jésus-Christ, que Clotilde affirme être le fils du Dieu vivant, qui, dit-on, donne du secours à qui espèrent en toi, si tu m’accordes la victoire, et que je fasse l’épreuve de cette puissance dont le peuple consacré à ton nom dit avoir relu tant de témoignages, je croirai en toi et me ferai baptiser en ton nom, car j’ai invoqué mes dieux, et ils ont éloigné de moi leurs secours. Je t’invoque donc et je désire croire en toi. Fais seulement que j’échappe à mes ennemis ». Après cette prière, selon la légende, comme par miracle, le chef des Alamans fut atteint d’une flèche mortelle et ses troupes se sont dispersées.

La conversion de Clovis, façonnée par son épouse

Suite à cette victoire connue sous le nom de bataille de Tolbiac, qui eut lieu en 496, Clovis se fit baptiser à Reims, le jour de Noël en l’an 498, par l’évêque Saint Remi, grand ami de la fervente Clotilde. Il aurait prononcé la formule légendaire : « Sicambre, lui dit Remi, abaisse humblement ton cou : adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré ! » 

La conversion du roi Clovis a eu un grand retentissement dans l’histoire de France. Pour certains commentateurs, l’évènement représente « la date de naissance de la France ». D’autres lui accordent une dimension encore plus large.

« La conversion de Clovis au catholicisme est un événement qui fait époque dans l’histoire du monde. Ses conséquences débordent, en effet, les limites du petit royaume franc sur lequel régnait le fils de Childéric à la fin du Ve siècle et se font sentir à travers les siècles jusqu’à nous. » peut-on lire dans la Revue de l’histoire de l’Église de France, sur le site Persée.

Cette conversion jugée si importante a été « façonnée » surtout par la reine Clotilde dont l’influence ne laisse pas de doute. Le baptême de Clovis aurait jeté les bases de la France en tant que nation, justifiant ainsi son titre de « Fille aînée de l’Église » Une grande complicité allait s’établir dès lors entre la monarchie française et l’Église…

La reine Clotilde : son influence auprès du roi Clovis fut décisive
Clotilde déplore la mort de deux de ses petits-enfants. Un seul d’entre eux échappe à la mort, Clodoart, futur moine plus connu sous le nom de Saint Cloud. (Image : wikimedia / Reinhardhauke, CC BY-SA 3.0)

Épreuves familiales et apaisement

Après la mort de Clovis, survenue en 511, Clotilde continua à exercer une influence palpable sur ses trois fils, Clodomir, Childebert et Clotaire, jusqu’en 531. Clovis avait laissé en héritage à ses fils un royaume des Francs très étendu. La reine tâcha de réduire les querelles de succession entre ses fils. Contrainte de subir des épreuves familiales fort douloureuses, elle eut à déplorer la mort de deux de ses petits-enfants, massacrés par leurs oncles après la mort de leur père Clodomir. Un seul d’entre eux échappe à la mort, Clodoart, futur moine plus connu sous le nom de Saint Cloud. 

Lassée des intrigues politiques, la reine Clotilde décide de se retirer de la vie publique, se considérant davantage comme une simple « servante de Dieu » et non plus comme une reine. Elle délaisse Paris au profit de la ville de Tours et retrouve l’apaisement en se consacrant à une vie pieuse centrée sur les bonnes œuvres. Elle meurt en 545 dans cette ville. Elle sera inhumée à Paris aux côtés de son époux Clovis à la basilique des Saints-Apôtres qui deviendra l’abbaye de Sainte Geneviève. Elle avait participé à l’édification du monument. Grâce au pape Pélage, elle sera canonisée en 560.

Influente, déterminée, d’une ferveur inébranlable, Clotilde, première reine des Francs, est depuis le 22 mai 1994 la sainte patronne des aviateurs. N’est-ce pas elle qui avait permis la victoire de Clovis à Tolbiac et ainsi « submergé l’ennemi sous le feu du ciel ».

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