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Histoire. La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare (3/3)

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Dans cette période où l’Église catholique devenait puissante et riche, se propageaient des dissidences chrétiennes. Dans certaines régions, l’opulence de l’Église romaine, et la conduite de certains curés et prélats, ne délivraient pas un bon exemple de vie religieuse et nuisaient à l’adhésion du peuple, provoquant des dissidences. L’Église eut recours à trois moyens pour venir à bout de l’hérésie cathare : la prédication, la croisade et l’inquisition.

Le 14 janvier 1208, Pierre de Castelnau, le légat du pape, fut poignardé par un officier du comte de Toulouse, Raymond VI. Il avait menacé celui-ci d’excommunication et de dépossession de ses terres pour son indulgence vis-à-vis des Cathares. Ce drame et le résultat limité de la prédication des moines catholiques face au développement du catharisme (malgré toute la conviction et la détermination de Saint Dominique et de ses compagnons prêcheurs) décidèrent le pape Innocent III à lancer un appel à la croisade contre l’hérésie cathare.

Le roi de France Philippe-Auguste n’intervint pas directement dans cette expédition, mais laissa ses vassaux du bassin parisien s’y engager. La croisade était un appel aux chrétiens, adultes et valides, à partir dans les terres où la chrétienté était en péril.

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
En juin 1209, les croisés se rassemblèrent à Lyon et marchèrent vers le Languedoc. (Image : wikimedia / Version française: Arno Lagrange / CC BY-SA 3.0)

L’expédition était composée de deux petites armées commandées par les vicomtes de Turenne et d’Auvergne, et une grande armée composée de 50 mille croisés, et commandée par le Duc de Bourgogne et différents comtes de France, dont le comte Simon de Montfort qui aurait un rôle crucial. Suivaient de simples chevaliers, des paysans, des écuyers, des fantassins.

En juin 1209, les croisés se rassemblèrent à Lyon pour marcher vers le Sud. En l’absence du roi de France Philippe Auguste, le pape avait nommé comme chef de croisade l’abbé Arnaud Amaury. Ce fut une compagnie immense qui entra à Vienne, puis à Valence. Dans cette ville, face à l’ampleur de cette armée, le comte de Toulouse se soumit. Il dut céder des terres et des châteaux aux croisés. Il jura solennellement de se conformer à toutes les prescriptions de l’Église. Mais il ne respecterait pas ce serment et continuerait après quelque temps à soutenir les Cathares.

La croisade continua son avancée dans le Languedoc. À Montpellier, elle fit halte. Du haut des remparts, Raymond-Roger Trencavel fut impressionné par cette marée humaine. Il demanda à voir le chef Amaury, qui le reçut. Il témoigna de sa catholicité, mais quand Amaury lui demanda de se soumettre comme son oncle Raymond VI, le jeune rebelle refusa et s’enfuit vers Béziers et Carcassonne pour assurer des renforts.

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
Raymond-Roger Trencavel assura de sa catholicité, mais refusa de se soumettre et s’enfuit vers Carcassonne. (Image : wikimedia / illustrator : Charles-Joseph Mettais (18…-18...) engraver : ? / Domaine public)

Le massacre de Béziers

Béziers avait renforcé ses remparts. L’évêque de Béziers alla au-devant de l’armée d’Amaury, pour demander d’épargner les catholiques de la ville. Ce qui fut accordé et l’évêque put sortir avec quelques fidèles, mais la majorité de la population resta à Béziers par solidarité avec les Cathares.

« La ville a des greniers plein de provisions et possède maintes sources à l’intérieur de ses murailles. Elle ne craint pas le siège. À l’opposé, les assiégeants manquent de vivres et doivent affronter une paysannerie hostile. » écrit André Larané dans l’article Le sac de Béziers, herodote.net.

Un jour, alors qu’Amaury délibérait avec ses conseillers sur la façon de prendre la ville, on entendit un grand cri : « La ville est prise ! ». Tous les chevaliers, dont Simon de Montfort, se précipitèrent, le pont levis était baissé, les rues étaient remplies de sang. Que s’était-il passé ?

Selon Guillaume de Tudelle, un spectateur du drame, certains défenseurs de Béziers virent des fantassins se baigner dans la rivière et bêtement, ils les provoquèrent. Ils baissèrent le pont-levis et sortirent en hurlant leurs moqueries et blasphèmes. Ils précipitèrent dans la rivière un soldat qui se trouvait sur le vieux pont.

Le chef des fantassins vit cela et se mit en colère. Il ameuta ses hommes et tous se précipitèrent sur les Biterrois épouvantés qui se réfugièrent dans la ville. Mais le pont-levis ne se referma pas assez vite et ils ne purent empêcher les fantassins vengeurs d’entrer dans Béziers, où ils tuèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent, ou qui s’étaient réfugiés dans l’église. Suivant les historiens ou chroniqueurs, le nombre de victimes du massacre allait de quelques centaines à vingt mille.

Dans son récit Simon de Montfort et la Croisade des Albigeois, Hector de Maris affirme : « C’est de cette tuerie de Béziers que date la légende noire de Simon de Montfort, égorgeur de femmes et d’enfants, alors qu’il n’était pas encore sur place ». Autre légende, on a prétendu aussi que le légat Amaury se serait satisfait du massacre en disant : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». Mais ainsi que le rappelle Dominique Paladilhe dans son livre Simon de Montfort et le drame cathare, « la tuerie était achevée quand l’homme de Dieu découvrit la prise de la ville. »

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Après la prise de Carcassonne, le 15 août 1209,Simon de Montfort fut désigné par ses pairs pour prendre la tête de l’armée. (Image : wikimedia / Simon Vouet / Domaine public)

Le massacre décida certains seigneurs à venir au-devant des croisés pour se soumettre, d’autres s’enfuirent à Carcassonne pour retrouver Trencavel. Le vicomte de Narbonne vint mettre sa ville sous la protection de la croisade.

Après la prise de Carcassonne, le 15 août 1209, « Simon de Montfort, (..) est désigné par ses pairs pour prendre la tête de l’armée. Il accepte. Ce guerrier valeureux est aussi un chrétien convaincu et pieux. »

Devenu vicomte de Béziers et Carcassonne, Simon de Montfort fait jurer à ses pairs de revenir le secourir en cas de besoin. Il peut compter sur une trentaine de seigneurs et leurs troupes, soit environ quatre mille hommes d’armes. Mais ces effectifs vont beaucoup fluctuer au gré des circonstances. » écrit André Larané sur Herodote.net.

La croisade dura plusieurs années et mit le Languedoc à feu et à sang. Il y eut de nombreuses victimes chez les hérétiques et leurs alliés, beaucoup moins chez les croisés. Il y eut de nombreuses villes, citadelles ou châteaux assiégés, des batailles entre chevaliers et au corps-à-corps, des victoires et des revers. Il y eut beaucoup de soumissions de seigneurs à l’armée des croisés, mais parfois suivies de parjures.

L’extraordinaire bataille de Muret 

Le conflit ressemblait maintenant plus à une guerre de territoire et d’indépendance qu’à une guerre de religion, car on était catholique des deux côtés. Mais il y avait toujours, dans la balance, la question de l’hérésie cathare.

Toulouse résista jusqu’au bout aux assauts de la croisade. Le roi Pierre II d’Aragon avait accordé son soutien à son beau-frère Raymond VI (parjure de son serment de Valence), face aux croisés. En août 1213, les troupes de Pierre II d’Aragon franchirent les Pyrénées et ravagèrent sur leur passage les villes ralliées aux croisés et à Simon de Montfort.

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Le roi d’Aragon, en face, était très confiant, trop confiant dans sa supériorité numérique. (Image : wikimedia / anonimous / Domaine public)

A Toulouse, on était optimiste quant à la victoire avec les troupes de l’allié royal d’Aragon. Mais les soldats étaient plus méfiants. Ils connaissaient la valeur et le courage des chevaliers d’Ile de France. Et ils savaient que ces chevaliers auraient l’ardeur de venger la garnison de croisés qui venaient d’être massacrés traîtreusement à Pujol (près de Pamiers) par la population cathare.

Simon de Montfort avait posté à Muret une solide garnison commandée par trente chevaliers. Accourant à leur rescousse depuis Carcassonne, les croisés aperçurent l’immense armée de soldats toulousains et aragonais, et l’enthousiasme fut à son comble, tous voulaient se battre. Simon dut ordonner à ses hommes de se calmer, de prendre du repos, de faire reposer les chevaux aussi. Ils étaient seulement 800 cavaliers face à l’armée des coalisés de 6 400 cavaliers et 25 000 soldats à pied.

Le 12 septembre 1213, Montfort assista à la messe au petit matin, dans la chapelle du château de Muret. Le roi d’Aragon en face était très confiant, trop confiant dans sa supériorité numérique. Il pensait qu’il n’aurait pas de peine à écraser les croisés. Il se réjouissait déjà de reprendre la citadelle de Carcassonne.

Le roi aragonais décida de livrer bataille le jour même à 11 heures du matin. Des cavaliers aragonais allèrent planter leurs lances dans les portes de la ville en signe de défi. L’alarme fut sonnée dans Muret. Avant de s’équiper, Simon s’agenouilla devant l’évêque d’Uzès et lui dit : « À Dieu et à vous, j’offre aujourd’hui mon corps et mon âme ».

Avant le combat, il dit encore à l’un de ses officiers inquiets : « Nous sommes assez nombreux pour vaincre nos ennemis avec l’aide de Dieu. » Cette confiance du chef militaire était extraordinaire et réconfortante. Montfort avait rassemblé l’élite de la chevalerie française, avec des preux réputés pour leur courage et leur habileté.

Les chevaliers français se rangèrent le long de la Garonne, bannière déployée, en trois colonnes, commandées par Guillaume des Barres, Bouchard de Marly et Simon de Montfort. Les troupes coalisées étaient rangées en trois colonnes également, mais dans un certain désordre, commandées respectivement par Pierre II d’Aragon, le comte de Foix, et le comte de Toulouse.

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Le roi d’Aragon fut traqué par deux chevaliers français qui le désarçonnèrent et le tuèrent immédiatement. (Image : wikimedia / AnonymousUnknown author / Domaine public)

Soudain, les troupes coalisées durent faire face à l’attaque de la colonne de Guillaume des Barres. Le choc fut violent. Les soldats de Foix durent se replier sur la colonne de Pierre II d’Aragon. La mêlée était confuse. Les chevaliers français avaient résolu de tuer le roi d’Aragon. C’est ainsi que le roi d’Aragon fut traqué par deux chevaliers qui le désarçonnèrent et le tuèrent immédiatement.

Pierre II d’Aragon était mort, ainsi que plusieurs de ses fidèles. La nouvelle de la mort du Roi sema la panique. Les soldats à pied d’Aragon se débandèrent dès qu’ils l’apprirent. Simon de Montfort chargea à la tête de la troisième colonne. Raymond VI qui ne s’était pas encore jeté dans la mêlée, s’enfuit vers Toulouse, puis en Angleterre. Ses fantassins tentèrent de s’échapper en rejoignant les bateaux au mouillage sur la Garonne.

Une victoire miraculeuse. Les troupes coalisées comptaient leurs morts par milliers alors que les croisés comptaient seulement huit morts dans leurs rangs. Alors Simon se dépouilla de son équipement militaire et de ses armes, avec ordre de les vendre au profit des pauvres, puis il alla à pied en l’église de Saint-Sernin rendre grâce à Dieu pour cette victoire.

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Le 25 juin 1218, Simon de Montfort fut tué au combat par une pierre de catapulte, lors du deuxième siège de Toulouse. (Image : wikimedia / Internet Archive Book Images, No restrictions)

La fin de la croisade contre les Cathares

Le 25 juin 1218, Simon de Montfort fut tué au combat par une pierre de catapulte, lors du deuxième siège de Toulouse. Selon le récit d’Hector de Maris, avant le combat, Montfort était allé à la messe dans la chapelle du château et lors de la communion, il dit à voix haute : « Maintenant, Seigneur, laissez, selon votre parole, votre serviteur s’en aller en paix, puisque mes yeux ont vu le Sauveur qui vient devant. » Ces paroles furent rapportées par son chroniqueur Pierre des Vaux de Cernay.  

Son fils Amaury, jeune et inexpérimenté, prit la tête de la croisade pendant quelques années. Néanmoins, ce fut Louis VIII, le fils du roi Philippe II Auguste qui termina la croisade le 8 novembre 1226, jour où il mourut de dysenterie. Sa veuve et mère du roi Louis IX, Blanche de Castille, engagea des négociations de paix avec le comte de Toulouse Raymond VII qui aboutirent au traité de Meaux le 12 avril 1229. Le Languedoc perdit son indépendance en se ralliant officiellement au royaume de France.

Mais la lutte contre les hérétiques n’était pas terminée…

L’inquisition dans le but de stopper l’hérésie et de ramener les Cathares à la foi catholique

En 1233, le pape Grégoire IX établit un tribunal d’exception en France, pour rechercher, juger et condamner les derniers hérétiques. Dans le Languedoc, ce tribunal ecclésiastique fut confié aux frères prêcheurs dominicains. Les inquisiteurs furent nommés par le pape.

« Ce tribunal de l’Inquisition, qui relève seulement du pape, a pour but d’éviter les excès et l’arbitraire de la justice seigneuriale ou épiscopale. (..) La fonction de grand inquisiteur est réservée à des prêtres expérimentés, versés en théologie, de mœurs pures, de sang-froid et d’au moins quarante ans. » écrit Alban Dignat sur le site hérodote.net.

L’objectif du tribunal était de ramener les personnes hérétiques dans le giron de l’Église romaine. « Quand l’inquisiteur se présente en un lieu réputé favorable à l’hérésie, il ouvre officiellement une enquête. Celle-ci commence par un prêche devant l’ensemble des habitants. Il publie un " édit de foi " à l’attention des catholiques du lieu, les invitant à dénoncer les hérétiques sous peine d’excommunication et un " édit de grâce " laissant aux hérétiques quelques jours pour se dénoncer et se repentir sous peine de bûcher. » révèle Alban Dignat.

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
L’objectif primordial était de ramener les personnes hérétiques dans le giron de l’Eglise romaine. (Image : wikimedia / Matthias Stom /CC0)

Les accusés disposaient de recours. Ils avaient un défenseur et pouvaient produire des témoins à décharge.

En 1252, la torture fut autorisée par le pape Innocent IV dans un cadre strict : « Elle ne doit intervenir que s’il y a déjà au moins deux indices d’hérésie contre le prévenu, elle ne doit déboucher ni sur une mutilation ni sur la mort et les aveux obtenus sous la torture doivent être renouvelés après celle-ci pour être valables. »

Lors d’une séance publique et solennelle, la sentence était prononcée sur avis du conseil, composé de clercs civils et religieux. « À quelques exceptions près, les tribunaux de l’Inquisition pontificale témoignent d’une relative mansuétude et 2 % des procédures aboutissent à une peine séculière (le bûcher). Pour le reste, les condamnés subissent des peines religieuses : aumônes, pèlerinage, prières… » écrit Alban Dignat.

Le siège de Montségur

Le château de Montségur était situé sur un promontoire rocheux dans le comté de Foix. À la demande de l’évêque cathare de Mirepoix, il fut renforcé en 1204 par le seigneur local, Raymond de Péreille. Au moment du siège de Montségur, une centaine de chevaliers et soldats y demeuraient avec leurs familles. Au pied de cette enceinte fortifiée et protectrice, s’établit un village cathare de 600 habitants avec son évêque, ses diacres et ses fidèles. Ce lieu devint le principal refuge des derniers Cathares.

En mai 1242, les chevaliers de Montségur apprirent que tous les inquisiteurs de la région avaient fait halte dans un village près de Castelnaudary pour y passer la nuit. Une trentaine d’entre eux foncèrent vers le village et tuèrent les onze membres de l’Inquisition.

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
Au moment du siège de Montségur, demeuraient dans le château une centaine de chevaliers, de soldats et leurs familles. (Image : wikimedia / Lucas Destrem / CC BY-SA 4.0)

Les prélats catholiques, pressés par le pape, voulurent répondre à ce massacre et en finir avec la forteresse de Montségur. Le roi de France y envoya une armée de 4 000 hommes, mais la citadelle était remarquablement défendue et un siège s’installa pour plusieurs mois en mai 1243. Une nuit, des hommes, légèrement armés, escaladèrent un angle de la montagne et, par surprise, assaillirent un petit fort de défense. Les jours suivants, ils purent y assembler des catapultes qui leur permirent de bombarder la forteresse.

Voyant que le château allait bientôt être pris par les assaillants, Raymond de Péreille négocia sa reddition avec le commandant de l’armée, Hugues des Arcis : il n’y aurait pas de pillage, tous les défenseurs seraient pardonnés, les autres habitants du château auraient la vie sauve, à condition qu’ils abjurent leur hérésie, ceux qui s’y refuseraient, seraient brûlés.

Plus de 200 Cathares refusèrent d’abjurer et furent brûlés vifs. La reddition de Montségur sonna le glas de l’hérésie qui avait menacé l’unité de la Chrétienté. Le Languedoc se rallia dès lors sans réserve à la monarchie capétienne.

Tous ces événements violents, tous ces massacres et ces bûchers, étaient-ils nécessaires, justifiables ? Les croisés et les inquisiteurs, eurent-ils tous une volonté sincère de sauver les âmes ? La volonté du Ciel, était-elle également à l’œuvre pour soutenir l’Église catholique et mettre fin au catharisme ?

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