Ils nous accompagnent dès la naissance. Nous les portons la plupart du temps avec bonheur et fierté. Vous l’aurez compris. Il s’agit des noms de famille. Loin d’être anodins, ils en disent long sur nous-mêmes et nos origines. Des experts se sont penchés des heures entières sur la question.
De quand datent les noms de familles en France ?
Selon diverses sources, l’apparition des noms de familles se situerait au Xe siècle. Auparavant, un nom unique était d’usage. Compte tenu de l’explosion démographique en France où la population était passée en deux siècles de 5 à 9, 2 millions d’habitants, la pléthore de personnes du même nom posait problème. Un autre nom s’avérait utile pour éviter la confusion. La christianisation avait multiplié le nombre d’habitants s’appelant Jean, Paul, Marie et… surtout Martin. Dans notre pays, plus de 228 000 personnes ont pour nom Martin, un succès dû sans doute au fait que Saint Martin passe pour celui qui a évangélisé la Gaule.
À partir du XIIe et du XIIIe siècle, les noms de famille, autrement dit les patronymes, se transmettent de génération en génération. Les patronymes, par définition les noms hérités du nom paternel, s’inscrivent dans la tradition. « Ils sont nés spontanément, ce sont des dénominations populaires qui ont fini par prendre force d’habitude » explique l’historienne et généalogiste Marie-Odile Mergnac à l’AFP. Et, précisant que le nom est souvent issu d’un surnom ou sobriquet, celle-ci ajoute : « Il s’agissait au départ de surnoms individuels, qui correspondent au prénom du père ou font référence à une indication géographique, un métier ou encore une caractéristique physique ou morale. Ces surnoms sont progressivement devenus héréditaires, vers les XIIe et XIIIe siècle. »
D’où viennent les noms de familles ?
Les recherches confirment la déclaration précédente. L’origine des noms de familles français s’articule en effet autour de quatre sources principales : les prénoms, les sites géographiques, les professions et les surnoms. Les statistiques du site Archives et Culture nous apprennent que 31,7% des noms de familles français proviennent de prénoms. Après le Xe siècle, s’appeler Pierre Martin voulait dire Pierre, fils de Martin. Selon les conclusions des généalogistes, si de nos jours, vous vous appelez Pierre Martin, c’est que votre ancêtre paternel s’appelait Martin.
Le pourcentage de noms de famille provenant d’un lieu s’élève à 30, 4 %. Habiter près d’un pont vous prédisposait à être appelé Dupont. Celui qui habitait près d’un lac finissait par s’appeler Dulac et ainsi de suite…Dans le même ordre d’idée, nous pourrions aussi citer comme exemples des noms tels que Duportail ou Delacroix. Le nom de famille pouvait aussi faire référence à une région comme Lenormand ou Lebreton.
Il existe 19, 5% de noms issus de surnoms ou sobriquets. Ils désignent une caractéristique physique ou morale tels que Legrand, Lepetit, Leroux. Les études montrent que le nom Leroux a été probablement attribué à un ancêtre aux cheveux roux mais vous pouvez très bien être brun à l’heure actuelle et vous appeler Leroux. Le nom de famille permet de remonter très loin dans le passé… Notons que ces surnoms ou sobriquets sont généralement peu flatteurs, étant souvent donnés par des voisins « à la langue bien pendue ». Ainsi a-t-on vu fleurir des noms tels que Lebossu ou Lesauvage.
Quant aux métiers et professions, ils représentent 18, 2% des catégories de noms de familles : Lemarchand, Pelletier, Leboulanger, ou Leforgeron, représentant des professions clés à une certaine époque. Par ailleurs, il ne faudrait pas s’étonner de trouver diverses orthographes pour un même nom : à titre d’exemple, Leforgeron correspond à Lefèvre ou Lefebvre ou Fabri en occitan etc. De plus le nombre de noms de famille mal orthographiés ou déformés au fil du temps est loin d’être négligeable.
La France : record mondial du nombre de noms de familles
La France avec près de 1, 4 millions de noms de familles détient un record aussi inattendu que méconnu ! Rappelons qu’à la Révolution, la France ne comptait pas moins de 622 patois sans compter ceux qui avaient déjà disparu. Ainsi donc, il y avait plus de 600 façons de nommer le métier de forgeron cité plus haut. L’écrivaine française Guillemette de Beauvillé dans son ouvrage paru en 1958, Les noms de famille de France tirés des noms de métier aborde le sujet.
Contre toute attente, la Chine, le pays le plus peuplé de la planète avec 1, 4 milliards d’habitants, affiche en revanche un nombre de noms de familles plutôt faible, environ 6000. Les trois noms les plus répandus à savoir Wang, Li et Zhang sont portés par 300 millions de personnes. Dans d’autres pays asiatiques, il existe une situation comparable : un grand nombre de Vietnamiens s’appellent Nguyen, soit environ 40 % de la population. En réalité, c’est le nom de la dernière dynastie régnante : la tradition veut que les fonctionnaires de l’État changent leurs noms en faveur des familles régnantes pour éviter toute persécution. En Corée du Sud, le nom le plus répandu, Kim est porté par 20 % de la population.
Noms de famille et identité
Une citation biblique dit : « Prends soin de ton nom car il te restera plus longtemps qu’une grosse somme d’or ». Marie-Odile Mergnac, auteure de divers ouvrages sur les noms de famille affirme que chaque nom de famille a une signification liée au temps, aux lieux et aux circonstances. Il suffit de faire remonter avec patience le fil d’Ariane pour retrouver ses origines. Dans le même temps, chacun entretient un rapport bien particulier avec son nom : bien plus qu’un nom abstrait, le nom de famille est un marqueur social et individuel doté d’une forte valeur identitaire. Le monde juridique affirme que chacun est propriétaire de son nom. Celui qui porte le nom d’un autre sera déclaré coupable d’usurpation d’identité.
Le pouvoir politique s’est très vite interposé entre le nom de famille et celui qui le porte. Ainsi en 1474 le roi Louis XI interdit à ses sujets de changer de nom sans l’autorisation royale. Plus tard, la Révolution instaure la laïcisation de l’état civil, tandis que la loi Napoléon du 1 er avril 1803 continue à rendre le changement de nom extrêmement contraignant sinon impossible. On peut lire dans l’article 4 de cette loi : « Toute personne qui aura quelque raison de changer de nom en adressera la demande motivée au gouvernement. »
Avec la loi du 2 mars 2022, les procédures pour accéder au changement de nom tendent à s’assouplir, remettant en cause les traditions liées à la filiation et la transmission. Par ailleurs, moyennant les « motifs légitimes », les noms de famille jugés « ridicules et infâmants » peuvent être modifiés ou changés avec plus d’aisance.
Les noms de famille suivent le cours de l’Histoire. Et vous, connaissez-vous l’histoire de votre nom de famille ?
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