Le poisson d’avril, c’est l’élément phare du 1er avril avec ses farces, ses attrapes et ses canulars. Pourquoi le quatrième mois de l’année est-il placé sous le signe du rire et de l’humour dès le premier jour ? D’où vient cette tradition bien française ? Cet article se propose d’apporter un certain éclairage sur le sujet.

Un poisson d’avril aux origines incertaines
Les origines de la tradition du poisson d’avril restant assez obscures, les historiens retiennent plusieurs explications. La plus communément répandue est liée à l’édit de Roussillon promulgué en 1564 par le roi Charles IX. Ce dernier a décidé d’uniformiser la date du Nouvel An. Suivant les régions de France, l’année commençait à des dates variables allant du 25 décembre au 25 mars, voire jusqu’au 1er avril. Avec le nouvel édit, l’année commencerait officiellement le 1er janvier sur tout le royaume.
Toutefois, certains nostalgiques s’obstinaient à fêter le début de l’année le 1er avril. D’autres, ignorant ce changement du calendrier ou l’ayant tout simplement oublié, continuaient eux aussi à fêter le début de l’année le 1er avril. Tous ceux qui appartenaient à ces trois catégories devinrent la risée du public, ravi de leur jouer des tours, de s’amuser à leurs dépens, leur offrant de faux cadeaux en guise d’étrennes. C’est ainsi que naquit une journée dédiée aux plaisanteries.
Une tradition remontant à l’antiquité gréco-romaine
Selon les sources, les divinités grecques accordaient de l’importance au rire et à la bonne humeur. À l’équinoxe de printemps, les Grecs avaient coutume de dédier une journée au dieu du rire, Gélos. Les festivités prenant fin au 1er avril se composaient de farces et de plaisanteries de toutes sortes.
L’antiquité romaine a repris à son compte cette tradition : la fête Hilaria était célébrée à la même période, vers le 25 mars, en l’honneur de la déesse mère Cybèle et du dieu Attis. Les farces et les plaisanteries permises ce jour-là présentent une certaine similitude avec la fête du poisson d’avril.
Pourquoi le choix du poisson ?
Certes, les festivités et l’omniprésence du rire semblent ancrées dans la tradition du 1er avril, mais comment expliquer l’idée du poisson ? Dans ce cas également, la recherche historique débouche sur plusieurs hypothèses.
Il faut retenir que les célébrations printanières se déroulaient à la période du Carême où la consommation de viande était strictement interdite. En revanche le poisson était autorisé. La priorité accordée au poisson constitue un premier élément de réponse. De plus, la pêche étant prisée, il était fréquent d’accrocher dans le dos du pêcheur un vrai poisson pour lui porter chance, les bonnes pêches s’avérant rares à cette époque de l’année. De nos jours, en France surtout, les enfants s’amusent à coller un poisson en papier pour se moquer gentiment de leur entourage. Il est donc facile d’établir un lien entre ces deux coutumes comparables en dépit des siècles qui les séparent.
D’autre part, selon certains, la référence au poisson serait probablement liée au signe du poisson, dernier signe du zodiaque de l’hiver et annonçant ainsi le printemps. Une autre hypothèse et non des moindres, le poisson d’avril serait une allusion à Jésus. Rappelons que pour les premiers chrétiens, le poisson symbolisait le Christ. Pour se reconnaître entre eux de façon discrète, les premiers chrétiens dessinaient un poisson.

Le poisson d’avril en France
La tradition du poisson d’avril, d’après les sources, s’est répandue en France puis dans le monde. La coutume veut que ce jour-là, petits et grands s’amusent à vous raconter les histoires les plus farfelues et une fois que « vous aurez mordu à l’hameçon » vous entendrez un retentissant « poisson d ’avril ! ». La coutume la plus spectaculaire est de coller subrepticement un poisson en papier sur le dos de la « victime ». Il s’agit de se moquer gentiment de ses proches au moyen de blagues et de plaisanteries légères.

Le poisson d’avril dans le monde
Comment les peuples voisins célèbrent-ils cette tradition ?
- Les Anglais n’accordent pas d’importance au poisson mails ils mettent en avant ce qu’ils appellent April fool’s day, c’est-à-dire le jour des imbéciles. D’après leurs croyances, les plaisanteries doivent se terminer et se dévoiler avant midi. Les contrevenants à cette règle deviennent les « imbéciles du jour ».
- Les Hollandais s’amusent à lancer des harengs à destination de leurs voisins en s’écriant : haringgek , « harengs fous » !
- Les Allemands ont leur poisson d’avril, Aprilscherz.
- Les Suédois répètent cette comptine traditionnelle : « Avril, avril, stupide hareng, je te fais marcher comme je l’entends ».
- Les Espagnols pour leur part, ont une fête comparable au poisson d’avril, célébrée non le 1er avril mais le 28 décembre, le jour de la fête des Innocents. Ce jour-là, nul ne répond de ses actes, encore moins les farceurs.
La tradition du poisson d’avril et les médias : une relation mitigée
Les médias nationaux et internationaux se sont vite emparés de cette tradition insolite. C’est ainsi que déjà en 1957, la BBC annonçait que les agriculteurs suisses pouvaient cueillir des spaghettis ayant poussé sur les arbres ! Quelques années plus tard, la Tour Eiffel avait perdu son troisième étage selon le journal télévisé du 1er avril 1991… Plus près de nous, Le Réveil du Midirelevait en 2024 une nouvelle circulant sur les réseaux sociaux : « La gendarmerie recherche un lapin poseur d’œufs. Un lapin disperse des œufs en chocolat dans les jardins du département ardéchois ».
La liste des canulars du 1er avril, relayés par les médias, est longue. Néanmoins, depuis quelques années, le recours au poisson d’avril a marqué un net recul dans les médias de grande écoute. De l’avis des experts, cette nouvelle tendance vise à éviter la confusion avec les « fake news ». Perpétuer la tradition du poisson d’avril dans les médias peut « risquer de contribuer à brouiller la frontière entre le vrai journalistique et le faux », argumente Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication. « Et donc sans doute, il vaut mieux ne plus le faire. » conclut ce dernier.
Si la tradition du poisson d’avril apporte un peu de fantaisie dans notre quotidien, elle nous invite aussi à garder en mémoire le proverbe : « Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures ».
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