Un authentique domaine créole : La Vanilleraie du Grand Hazier

C’est avec un grand sourire que notre guide, Sarah Sautron, nous invite à la suivre au cœur du plus traditionnel domaine créole de l’Île de La Réunion : La Vanilleraie du Grand Hazier, à Sainte Suzanne. C’est une célèbre vanilleraie placée sous l’égide de Monsieur Bertrand Côme, ingénieur agronome qui veille avec passion et amour sur ses plants de vanille et souhaite développer différents crus et différents terroirs.

De plus, c’est dans cette célèbre vanilleraie de l’Île de la Réunion que furent implantés les premiers pieds de vanille originaire du Mexique.

Si humer la vanille pour certains évoquerait la présence d’êtres divins, ou symboliserait une protection spirituelle pour d’autres, le doux parfum vanillé rappelle avant tout pour chacun d’entre nous, dans nos cœurs, le doux parfum de notre enfance, lorsque nos mères et nos grands-mères s’évertuaient à cuisiner cette épice si prisée dans les pâtisseries. De plus, cette subtile épice est intrinsèquement liée aux plats traditionnels de l’Île de la Réunion. La parfumerie bien sûr n’est nullement en reste et les effluves vanillés n’ont jamais cessé de caresser les nez délicats des jeunes femmes en quête de douceur, d’évasion et de délicatesse.

Des origines divines au cœur des légendes aztèques

Selon une légende aztèque, la liane d’orchidée de vanille serait la réincarnation végétale  de la Princesse Tzacopontziza, ce qui signifierait « l’étoile du matin », et l’arbuste vigoureux sur lequel elle s’enroulerait, serait la réincarnation de son Prince ravisseur, nommé Zkatan-Oxga, signifiant « jeune-cerf ». La vanille serait alors née à l’endroit même où ils furent capturés et décapités par les prêtres de Tonoacayoha, la déesse aztèque des récoltes. Ainsi, pour l’éternité resteraient-ils enlacés tendrement dans le royaume végétal pour le plus grand bonheur des humains.

Plus tard, selon une autre légende, il paraîtrait que l’Empereur aztèque Moctezuma II, aurait accueilli le conquistador Hernan Cortés avec un gobelet d’or, dans lequel aurait été versé une boisson chocolatée, parfumée à la vanille selon les coutumes de l’Empereur, en guise de présent de bienvenue. C’est donc ainsi, par ce geste de gentillesse, au XVIème siècle qu’aurait été introduite la vanille en Europe. Louis XIV lui-même aurait été très vite conquis par cette nouvelle épice cultivée.

Introduction de la Vanilla Planifolia sur l’île de la Réunion

Vous l’aurez ainsi aisément compris chers amis lecteurs : la vanille Bourbon, appartient à la famille
des Orchidées et n’est pas une espèce végétale endémique et propre à l’île de la Réunion. Les plants de l’orchidée la plus parfumée, appelée Vanilla Planifolia, trouvent ainsi leurs origines bel et bien au Mexique où ils sont utilisés depuis plus de 2000 ans, lors de cérémonies religieuses ou mélangés
au cacao. Les Aztèques l’ont d’ailleurs élevée au rang de plante sacrée. En effet, une unique gousse de vanille met neuf mois pour parvenir à maturité, soit le temps de maternité qu’il faudra pour qu’un enfant vienne au monde.

Au Mexique, une espèce endémique bien spécifique d’abeilles : l’abeille « mélipone » permet la fécondation « naturelle » du vanillier ce qui n’est pas le cas sur l’Île de la Réunion. Des tentatives d’introduction de cette espèce d’abeilles spécifiques ont bien été réalisées sur l’île de la Réunion mais sans résultat. Aussi, a-t-il fallu trouver un procédé manuel pour effectuer la pollinisation de la Vanilla Planifolia, comme nous l’explique Sarah.

La culture traditionnelle de la patience

La vanille a besoin d’un climat tropical chaud et humide, mais pas de plein soleil, c’est pourquoi des filets de protection sont présents au-dessus de certains plants pour donner un peu d’ombre, et ainsi sa culture peut se développer sur le domaine du Grand Hazier. Il faut savoir que la vanille est la seule orchidée dont le fruit est comestible, elle sera donc introduite par le Capitaine Philibert et le botaniste Perrotet pour la toute première fois en 1819, dans le but d’y être cultivée et c’est à Sainte Suzanne précisément que fut découvert le procédé de fécondation de la fleur de vanillier.

Sarah, nous raconte qu’il faudra attendre 1841, pour que Edmond Albius, un jeune esclave de 12 ans, constate qu’il existe bien des organes mâles et femelles, mais qu’une petite membrane appelée Rostellum empêche le contact. Il comprend alors qu’il suffit de soulever la membrane masquant le pistil et de presser sur l’étamine pour que le pollen vienne  toucher le stigmate. Ainsi, est née la traditionnelle pollinisation manuelle encore utilisée aujourd’hui, en 2024. Pour ce procédé, le pouce et une aiguille sont utilisés avec précision.

Sarah précise qu’un plant de vanille met en général 3 ans environ à partir du moment où il est en terre pour produire ses premières fleurs.

La fragile et délicate fleur de vanille est éphémère et doit être fécondée impérativement dans la matinée, car elle s’étiole le jour-même.

Une seule et précieuse fleur donnera naissance à une gousse de vanille.

Durant quatre mois, de septembre à décembre, une à une, à la main des milliers de fleurs apparaissent sur des grappes de 10 à 15 fleurs, elles seront ainsi fécondées chacune, manuellement par l’homme. Ce travail est infiniment long et fastidieux, il demande ainsi une très grande patience de la part  de l’homme pour obtenir la précieuse épice. Ainsi, ce travail demande également beaucoup d’humilité.

Procédé traditionnel : Les différentes étapes

Sarah, notre guide, nous explique alors les différentes étapes.

Ce sont deux producteurs réunionnais Ernest Loupy, tout d’abord en 1851 qui mit au point les prémices du procédé et plus tard, David de Floris, en 1857, qui l’améliorera. Les différentes étapes de ce précieux procédé évitent aux gousses de se fendre à maturité et de perdre leur valeur commerciale. Ce procédé est également toujours utilisé à l’heure actuelle. Depuis 150 ans, les producteurs de vanille procèdent toujours de la même manière. Ce procédé fut alors copié dans le monde entier et n’est plus le monopole de l’Île de la Réunion.

Sarah précise que les gousses de vanille doivent être récoltées juste avant leur ouverture afin qu’elles gardent toutes leurs qualités et leur arôme. Elles mesurent alors environ 20 cm. Un long processus de maturation sur une durée d’environ deux ans, va ensuite débuter, avant que les gousses soient enfin commercialisées.

Première étape : la cueillette

Lorsque l’extrémité de la gousse de vanille commence à jaunir, elle est bonne à récolter car elle va s’ouvrir dans les 2 à 3 jours.

Le but étant d’éviter que les gousses se fendent après leur récolte.

Deuxième étape : l’échaudage 

Dans les 48 heures après la cueillette, les gousses de vanille seront plongées durant 3 minutes dans une eau à 65 degrés Celsius, dans des paniers pouvant contenir chacun environ 25 kg de vanille verte.

Troisième étape : l’égouttage 

Les gousses de vanille seront égouttées.

Quatrième étape : l’étuvage 

Les gousses de vanille seront ensuite placées dans des caisses capitonnées de couvertures afin de favoriser leur transpiration durant 24 heures, c’est alors qu’elles prendront leur très belle couleur chocolat.

Cinquième étape : le séchage 

Encore gorgées d’eau après l’étuvage, pour faciliter leur conservation, les gousses de vanille devront subir un séchage en deux temps.

Un premier séchage au soleil pendant une période de 10 jours.

Un second séchage à l’ombre pendant 2 à 3 mois sur des claies grillagées, dans des tiroirs.

Sixième étape : le tri

Les gousses de vanille sont très régulièrement triées pour vérifier leur état, car à ce stade elles n’ont pas toutes forcément le même calibre, la même taille, donc elles ne maturent pas toutes au même rythme. Sarah nous informe qu’un bon trieur ou une bonne trieuse, trie environ 700 gousses à l’heure… pour les plus rapides.

Avec les gousses de qualité inférieure ou des gousses dites « disqualifiées », des produits dérivés seront réalisés, tels que le sel à la vanille, l’huile, le vinaigre, la confiture à la vanille, ainsi n’y a-t-il pas de gaspillage.

Septième étape : la maturation

Durant une période de 12 mois minimum, les gousses de vanille séchées seront placées en malle de maturation. C’est durant cette étape que vont réellement s’élaborer les arômes subtils et délicats de la vanille.

Ces malles sont également vérifiées très régulièrement pour éviter la prolifération de moisissures. A cet effet, ces malles sont d’ailleurs confectionnées en teck et non en bambou comme nous le précise Sarah.

Poinçonnage des gousses, réalisé en amont sur les gousses vertes de vanille

Si vous prêtez attention chers lecteurs, vous découvrirez sur la photo ci-dessus que les gousses de vanille sont poinçonnées et cela lorsqu’elles sont encore vertes. Des petites lettres apparaîtront même après les étapes de transformation. Il est expliqué que c’est pour éviter les risques de vol et surtout de permettre d’identifier le producteur. En effet, au Grand Hazier, une trentaine de producteurs de terroirs différents et de crus de vanille différente déposent leur récolte afin qu’elles soient préparées pour la commercialisation.

Huitième étape : le calibrage

Les gousses de vanille seront regroupées en bottes de 50 ou 60 gousses de même longueur ou calibre. Le fait de les mettre en bottes permet également une meilleure conservation et un dessèchement moindre. Elles peuvent être conservées en bottes jusqu’à 5 ans.

Le Graal : la vanille givrée, la plus prisée de tous les grands chefs pâtissiers

La gousse de vanille givrée est l’équivalent pour le vin d’une « vendange tardive ». En effet, ce qui sort de la gousse, ces petits filaments tels des diamants, n’est autre que le résultat de la cristallisation de la molécule la plus pure de la vanilline au contact de l’air. C’est ce que recherchent les grands chefs étoilés pour sublimer leurs plats.

Sarah nous prévient : « Parfois, les gens ont la chance d’en avoir chez eux et ne savent pas que c’est un vrai trésor. Lorsqu’ils ont conservé longtemps leur vanille, et lorsqu’ils l’ouvrent, et voient cela, ils pensent que la vanille est périmée et impropre à la consommation et la jettent ! » Surtout chers amis lecteurs, ne la jetez pas ! C’est le Graal !

La Vanille est une orchidée de sous-bois, formée d’une liane grimpante pouvant atteindre quinze mètres de long et vivre jusqu’à 12 ans. Le Vanillier est donc une plante qui a besoin d’être tutorée. A la Vanilleraie, vous découvrirez différentes vanilles cultivées. Observez bien leurs feuilles et vous pourrez les distinguer.

Les pieds de vanilliers peuvent pousser sur des supports en forme de T ou en plein champ.
Aux pieds des vanilliers, vous découvrirez différents substrats également qui sont expérimentés. A l’œil, nous observons essentiellement la bourre de coco, efficace car elle retient bien l’eau de pluie, au pied des vanilliers, et on peut trouver également au pied des vanilliers différents mélanges de feuilles.

Le plus vieux pied de vanilliers du domaine a atteint 12 ans.

Sarah nous explique également qu’une liane d’orchidée peut se développer éternellement vers le ciel, la lumière, c’est pourquoi il faut la rabattre régulièrement et la redescendre.

Au domaine du Grand Hazier, 90% de la production est destinée à la vente directe. L’entreprise essaie de se diversifier au niveau de la recherche et possède des serres expérimentales. Des essais de différents composts, substrats sont expérimentés et les conséquences sur la variation des arômes obtenus sont observées, analysées.

Tous ces efforts d’amélioration de la qualité aromatique des gousses de vanille ont été récompensés maintes fois au Salon de l’Agriculture de Paris. Le domaine du Grand Hazier a été médaillé d’or en 2011, 2018 et 2019 notamment, et plusieurs fois Médaillée d’argent, dont la dernière en date en 2023 au Concours Général Agricole de Paris.

La Vanilleraie du Grand Hazier souhaite partager, transmettre son savoir au public, alors n’hésitez plus si vous passez sur l’île de la Réunion, venez visiter le domaine et rencontrer des âmes passionnées qui vous raconteront merveilleusement bien la Vanille Bourbon. Profitez aussi de la fête de la vanille qui a lieu chaque année sur l’Île de la Réunion et participez à des visites guidées gratuites, courant août, au domaine.

Et puis, ensuite passez à la boutique et découvrez les grands crus de vanille ainsi que toute la
créativité de La Vanilleraie mise au service de produits vanillés dérivés, peut-être repartirez-vous avec un petit plant de vanille à cultiver aussi ?

Cultivons notre jardin intérieur tout comme notre jardin extérieur et le monde sera plus beau, nous serons plus humains.

Comme l’a souligné subtilement le célèbre poète mexicain, Octavio Paz au sujet de la singularité de l’orchidée : « Dieu qui sort d’une orchidée en terre. Entre les pétales d’argile naît souriante la fleur humaine ».

À bientôt chers lecteurs !

Et si vous passez par la magnifique Île de la Réunion, n’hésitez plus, faites un petit détour par le Domaine du Grand Hazier !

Pour plus d’informations, c’est par 👉 ici. 

Présentation : La Vanilleraie à l’Île de la Réunion

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