Transparence, distinction, savoir-faire à la française, autant d’attributs décernés d’emblée à la porcelaine de Limoges. Son histoire aux allures épiques invite au voyage, un voyage au cœur de l’une des porcelaines les plus renommées au monde.
Qu’est-ce-que la porcelaine ?
C’est une « matière céramique fine, dure et translucide obtenue par la cuisson d’une pâte composée de kaolin pur et de feldspath, souvent émaillée en seconde cuisson ». Telle est la définition de la porcelaine selon le Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL). Quant au kaolin, il s’agit d’une argile qui, mélangée à l’eau, donne une pâte plastique et malléable, apte à se solidifier après cuisson, moyennant la maîtrise des arts du feu. La porcelaine est liée au domaine artisanal ou artistique et en particulier aux arts de la table. Si les Britanniques l’appellent « china », les Italiens adoptent le terme « porcellana » pour la nommer. Ils la croyaient extraite d’un coquillage, (Cypraea), appelé couramment porcelaine. Les premières véritables porcelaines seraient apparues en Chine sous la dynastie Han il y a 2 000 ans. La porcelaine resta longtemps un objet de fascination pour les cours royales européennes notamment. Le secret de fabrication étant bien gardé au sein de l’Empire du Milieu, le matériau précieux était acheminé par la route de la soie. C’est un père jésuite né à Limoges, et résidant en Chine, François-Xavier d’Entrecolles, qui décrivit dans deux lettres publiées en 1712 et 1742 la fabrication de cette céramique si convoitée.
La genèse de la porcelaine de Limoges
À Limoges, en 1768, semble-t-i1, une femme racontait qu’à la rivière se trouvait une pierre blanche lui permettant de laver son linge. Après expertise, il s’avéra qu’il s’agissait du kaolin, la matière première indispensable à la fabrication de la porcelaine. Turgot, alors intendant du Limousin, soutient cette découverte, prometteuse sur le plan économique. Considéré comme le premier porcelainier de Limoges, il ouvre la première fabrique en 1771. Trois facteurs vont contribuer au développement de la porcelaine dans la capitale limousine : l’eau de la Vienne, le bois pour le chauffage des fours et la présence de faïenciers talentueux dans la ville. Le roi Louis XV va acheter la manufacture de Limoges pour en faire une manufacture royale transmise ensuite au Comte d’Artois, le frère de Louis XVI. C’est ainsi que la porcelaine de Limoges entre dans l’histoire.
L’âge d’or de la porcelaine de Limoges
Aux lendemains de la Révolution, un homme politique français né à Limoges, François Alluaud (aîné), d’abord propriétaire de la fabrique de Casseaux, acquiert l’ensemble des gisements de kaolin du Limousin. Avec lui les procédés de fabrications se modernisent. Le XIXe siècle voit fleurir les manufactures. Les emplois se multiplient. En 1891, le nombre d’artisans aurait atteint le nombre de dix mille. La réputation de la porcelaine de Limoges se répand à travers l’Europe. Le kaolin du Limousin, apprécié pour sa blancheur, alimente les manufactures d’origine allemande, suisse, russe, scandinave, à Amsterdam, Copenhague, Londres, Saint-Pétersbourg…Véritable manne pour la région et pour la France toute entière, la porcelaine se définit comme « l’or blanc ». Dans le même temps, l’arrivée du new-yorkais David Haviland va favoriser l’exportation du produit outre-Atlantique. La clientèle américaine marque son engouement pour la délicatesse et la finesse des pièces françaises aux décorations inégalées. Sous l’impulsion de David Haviland, la porcelaine de Limoges va conquérir également le Paris du Second Empire.
Alchimie entre tradition et innovation
Au cours du XXe siècle, les graves mouvements sociaux de 1905, la crise de 1929, les deux guerres mondiales mettent à mal la porcelaine de Limoges. À partir des années 1980, la production est durement ébranlée d’autant que la mondialisation entraîne la concurrence sévère des productions asiatiques. Par ailleurs, les habitudes de consommation changent et le nombre de manufactures se réduit considérablement, d’où le recours à la restructuration. Ces facteurs n’entament pas cependant la ferveur des porcelainiers, artisans et artistes soucieux de conserver et transmettre les procédés de fabrication ancestraux. La conception de la vaisselle en porcelaine continue à s’exercer suivant différentes étapes aux noms évocateurs : coulage, garnissage, finissage, calibrage, cuisson de dégourdi, émaillage, cuisson de grand feu sont exécutés avec la plus grande minutie. La décoration, l’étape ultime, réclame un savoir-faire des plus exigeants. Aucune imperfection n’est admise. L’excellence est de rigueur.
En 2008, la porcelaine de Limoges a obtenu l’inscription à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France et en 2017 l’indication géographique (IG). En 2013, seuls restent en place 12 manufactures et quatre fours, dont le four des Casseaux, l’unique four accessible aux visiteurs. La production s’est orientée essentiellement vers les secteurs de luxe. Les manufactures Haviland et Bernardaud comptent parmi les plus connues.
Dans une enquête réalisée le 24 novembre 2008 auprès de Michel Bernardaud, au nom du Ministère de la Culture, il apparaît que « la tradition, fût-elle centenaire, s’accorde avec le temps qui passe pour donner naissance à des formes nouvelles et des usages inédits. Bernardaud fait appel aux artistes pour renouveler ses modèles et insuffler à la porcelaine la vie qui la rend si précieuse. Elle emprunte les lignes du présent, occupe de nouveaux territoires : de la table à la maison et de la maison au bijou ».
Outre le domaine artistique, la porcelaine de Limoges laisse entrevoir de nouveaux horizons. Limoges, capitale de la porcelaine, s’est hissée de nos jours à la pointe de la recherche scientifique. Les vertus de la céramique se font jour dans des secteurs aussi divers que l’aéronautique, l’automobile, la santé.
Le voyage au cœur de la porcelaine de Limoges se poursuit. La capitale des arts de la table n’a pas fini d’enrichir le patrimoine français.
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