Le chocolate Santafereño est un petit-déjeuner traditionnel originaire de la région de Bogota. Il est composé de chocolat chaud et de fromage. Il est aussi souvent accompagné de pains au fromage comme l’almojábana (à gauche) et de pain beurré. (Image : wikimedia / William Neuheisel from DC, US / CC BY 2.0)
Pour bien comprendre le chocolate Santafereño, imaginez que vous vous réveillez au son de la station radio, qui diffuse les informations que votre mère écoute fidèlement chaque matin, avec une musique colorée marquant le point culminant de chaque heure.
Vous sortez du lit et, au moment où vous atteignez l’escalier, vous entendez la radio de votre grand-mère, où une voix apaisante dirige les prières du Rosaire du matin, tandis que votre abuelita (grand-mère) remercie de tout cœur Dieu pour une nouvelle journée et lance un appel silencieux et affectueux pour la santé et l’unité de toute la famille.
Et alors que vous vous dirigez vers la cuisine pour dire bonjour à votre mère, qui s’est levée tôt pour préparer les repas de la journée, vous apercevez une tasse fumante qui vous attend sur la table.
À côté, une tranche de pain beurrée, acheté la veille à la panadería (boulangerie), attendant d’être recouverte de la savoureuse surprise au fond de la tasse : du fromage blanc fondu.
C’est ainsi que la plupart des habitants de Bogota, la capitale de la Colombie, commencent la journée, avec un chocolate Santafereño: un chocolat chaud et du fromage.
El cacao delicioso (Le délicieux cacao) Que abundante produce nuestro suelo (Que produit abondamment notre sol) Nutritivo y sabroso, (Nutritif et savoureux) De los hombres consuelo (La consolation des hommes) Y que los dioses usan en el cielo (que les dieux utilisent aussi au ciel)
Ode au chocolat Bogota, 16 septembre 1829 Ignacio Gutiérrez Vergara (1806-1877)
Cette recette traditionnelle est appelée chocolate Santafereño en l’honneur de l’ancien nom de la ville de Bogota, « Santafé de Bogotá ». Elle est également appelée chocolate completo, ce qui signifie « chocolat complet ». (Image : wikimedia / Peter Angritt / CC BY-SA 3.0)
L’origine du chocolate Santafereño
En tant que colonie espagnole, la Colombie du XVIIIe siècle était composée de nombreuses personnes métisses résultant de la rencontre des peuples venus d’Europe, d’Afrique avec les Amérindiens.
Les mestizos (métis), enfants d’Espagnols et d’Indiens, constituaient la majorité de la population, établissant non seulement la physionomie prédominante de la population colombienne, mais aussi des coutumes et des habitudes durables qui deviendront une composante essentielle de l’identité du pays.
L’histoire raconte qu’en 1813, alors qu’Antonio Nariño (1765-1823), un leader indépendantiste de premier plan, s’apprêtait à partir pour le Sud du pays, un adieu animé a été organisé, et le chocolat chaud était la boisson principale servie au cours de cette fête. Sa préparation reposait sur un rite minutieusement respecté. Ainsi, les dames de cuisine observaient chaque étape de la recette, soigneusement conservée de génération en génération, pour créer cette boisson délicieuse et apaisante.
Les années nécessaires à la préparation des ingrédients pour cette boisson ont été habilement décrites par l’illustre poète bogotanais José María Vergara y Vergara (1831-1872), dans son livre Las tres tazas (Les trois tasses) : « [Sur la table] il y avait des tasses dont les reflets dorés et bleus émanaient de la mousse d’un chocolat chaud, qui avait été au préalable conservé, sous forme de tablettes, pendant huit ans dans de grands coffres en cèdre. Le cacao provient de Cúcuta, et pour le moudre, toutes les règles de cet art, aujourd’hui si oublié, avaient été observées. De la cannelle aromatique avait été ajoutée à la masse de cacao, et le mélange avait été humidifié avec du vin. Chaque tablette avait ensuite été enveloppée dans du papier pour être placée dans un coffre de cèdre où elle passera les huit prochaines années ».
La touche salée du chocolate Santafereño
L’époque au cours de laquelle les Colombiens ont commencé à ajouter du fromage à leur chocolat chaud, n’est pas clairement connue. Mais, il est communément admis que le fromage a fait son entrée dans la recette, par le biais des friandises qui l’accompagnent : le pan de yuca, ou pain de manioc au fromage, et l’almojábana, ou pain de maïs au fromage, qui sont finalement garnis d’encore plus de fromage.
Les rues colorées de La Candelaria, un quartier historique de Bogota qui préserve la culture et l’architecture de l’époque coloniale espagnole. (Image : gustavo9917 / Pixabay)
La coutume veut que l’on place des cubes de fromage au fond de la tasse, avant d’ajouter la boisson bouillante. Une fois que le fromage commence à fondre, une cuillère est utilisée pour ramasser ce délice fondant et onctueux, qui est mangé directement à la cuillère pour expérimenter le contraste harmonieux entre le sucré et le salé, en une seule bouchée.
La dégustation de chaque morceau de fromage est suivie d’une petite gorgée de chocolat chaud, afin de mélanger les deux saveurs sur le palais.
Sobre el plato ya brilla (Il brille déjà dans l’assiette) La arepa, el pan tostado, el bizcochuelo (L’arepa, le pain grillé et le biscuit) El queso y mantequilla (Le fromage et le beurre) Y el hermoso espejuelo (Et le beau miroir) Como ornamentos de este don del cielo (Comme ornements de ce cadeau du ciel)
Ode au chocolat Bogota, 16 septembre 1829 Ignacio Gutiérrez Vergara
Le fromage utilisé pour cette recette est le queso blanco ou fromage blanc. La recette authentique fait appel au queso doble crema, littéralement traduit par fromage double crème, qui est fabriqué artisanalement en Colombie. Il est connu pour son incomparable texture lisse et crémeuse et son goût de beurre.
La préparation de la boisson sucrée suit également les méthodes traditionnelles. En Colombie, le chocolat chaud est préparé à partir de tablettes de chocolat, généralement composées de pâte de cacao, de sucre, de cannelle et de clous de girofle.
Les tablettes de chocolat sont constituées de chocolat tempéré et sucré, moulé en carrés cassables. Elles sont généralement présentées en morceaux solides, et emballées dans du papier d’aluminium ou du papier. (Image : wikimedia / Tamorlan)
Bien tostado y molido (Bien grillé et moulu) Con el azúcar blanco o la panela (Avec le sucre blanc ou la panela) En pastas dividido (En pâtes divisées) Sobre una limpia tela (Sur un chiffon propre) Se le mezclan vainillas y canela. (On ajoute de la vanille et de la cannelle)
Ode au chocolat Bogota, 16 septembre 1829 Ignacio Gutiérrez Vergara
Bien que la version traditionnelle soit faite avec de l’eau, de nombreux Colombiens préfèrent utiliser du lait entier, pour obtenir une texture plus crémeuse. Une fois le liquide bouilli à feu vif, les tablettes de chocolat sont ajoutées, une par une, dans un pot métallique traditionnel appelé chocolatera.
La boisson est ensuite mélangée avec un molinillo, un fouet en bois, que l’on tient entre les paumes et que l’on tourne en frottant les paumes : l’une contre l’autre, pour créer la fine mousse qui caractérise le chocolat chaud colombien. José María Vergara y Vergara a décrit le processus de préparation dans Las tres tazas : « L’eau avait bouilli une fois quand on a ajouté la tablette, puis on l’a laissée bouillir encore deux fois, en laissant la tablette se dissoudre lentement. Le molinillo ne servait pas à briser la respectable tablette à grands coups, comme le font aujourd’hui d’ignobles cuisiniers. Non, à cette époque dorée, le molinillo ne servait à rien d’autre qu’à fouetter le chocolat chaud après l’avoir laissé bouillir trois fois et, en mélangeant scientifiquement ses généreuses particules, à lui faire produire cette mousse aux reflets dorés et bleus, que l’on ne voit aujourd’hui que dans les maisons de quelques familles honorant la tradition ».
Les molinillos (fouets) traditionnels fabriqués à la main sont en bois. Leur principale fonction est de fouetter le chocolat chaud et de créer de la mousse. (Image : wikimedia /Y! Música / CC BY 2.0)
Recette du chocolate Santafereño
Ingrédients (pour quatre personnes) :
4 tasses de lait (ou d’eau)
6 carrés de chocolat noir 50-70%, ou 4 tablettes de chocolat traditionnel colombien (Luker, Corona ou Chocolate Sol sont des marques reconnues)
1 bâton de cannelle ou ¼ cuillère à café de cannelle en poudre
2 clous de girofle
¼ de tasse de sucre, d’agave ou d’un édulcorant de votre choix
10 oz (283g) de queso blanco, ou d’un autre fromage blanc crémeux, comme la mozzarella ou le fromage munster.
Préparation :
Faites chauffer le lait dans une casserole à feu moyen, juste en dessous du point d’ébullition.
Ajoutez la cannelle, les clous de girofle et le sucre, remuez puis portez à ébullition.
Ajoutez les carrés de chocolat au mélange et laissez-les fondre pendant une minute.
Fouettez vigoureusement jusqu’à ce que le chocolat soit complètement dissous.
Retirez du feu et retirez les bâtons de cannelle et les clous de girofle.
Couper le fromage en cubes et le répartir uniformément dans quatre tasses.
Versez le chocolat chaud (veillez à ce qu’il soit bien chaud !) dans les tasses et servez immédiatement avec une cuillère.
