Artisanat Wayuu à Riohacha, capitale de La Guajira. Ce département de la Colombie a servi de refuge, protégeant le groupe ethnique de la colonisation par les conquérants européens. (Image : wikimedia / Miller Sierra / Domaine public)
Les sacs Mochila, des sacs fourre-tout colorés de plus en plus à la mode, présentent chacun une expression unique de l’art du crochet Wayuu. Depuis des siècles, le peuple Wayuu vit dans le désert de La Guajira, en Colombie, où les conditions sont rudes et le climat extrême. Inhospitalière et isolée, La Guajira a servi de refuge, protégeant le groupe ethnique de la colonisation par les conquérants européens.
L’adaptation à cet environnement chaud et sec a permis aux Wayuu de préserver leur culture, leurs traditions et leur mode de vie. La tribu est toujours organisée en clans matrilinéaires, où les femmes jouent non seulement un rôle crucial dans la préservation de la famille et la prise de décision au sein de la communauté, mais maintiennent également une tradition inhérente à leur identité indigène : l’art du crochet aux motifs colorés.
Les sacs Mochila Wayuu sont un artisanat traditionnel du peuple Wayuu de La Guajira, en Colombie. Le design de chaque sac est unique et évoque les traditions de la tribu. Aujourd’hui, il s’agit de l’artisanat le plus exporté de Colombie. (Image : Carolina Avendano / VisionTimes)
Qui sont les Wayuu ?
Lorsqu’il s’agit de préserver les traditions ancestrales, les Wayuu sont une tribu modèle. Ils conservent un système indigène d’administration de la justice, dans lequel un membre désigné comme Palabrero ou « messager de la parole » résout les conflits au sein des clans et entre les clans, ainsi qu’avec les étrangers, par le biais de la médiation et de la négociation.
Les maladies sont traitées par des membres qui ont le pouvoir spirituel de guérir les autres ou qui ont reçu des connaissances ancestrales transmises oralement. Les Wayuu savent utiliser plus de 175 espèces de plantes à des fins médicinales.
Les hommes Wayuu utilisent leur temps à faire paître le bétail, à cultiver, à fabriquer des instruments de musique et des sandales à semelle de corde, appelées espadrilles.
Avant le mariage, le fiancé doit se mettre d’accord avec les parents de la fiancée lors d’une réunion appelée ápajá, et leur donner la quantité de bétail et de bijoux décidée. Après le mariage, les épouses deviennent un symbole de respect et d’unité au sein de la tribu en s’occupant de leurs tâches féminines à la maison et en maîtrisant l’art du crochet et du tissage pour gagner de l’argent.
En utilisant de nombreuses couleurs et des motifs complexes, les femmes Wayuu créent des hamacs, des sacs, des porte-monnaie et de nombreux autres objets fonctionnels, capturant ainsi la richesse de leur culture et de leurs traditions dans leur artisanat. Plus le dessin est complexe, plus sa qualité et sa valeur sont élevées.
Artisanat Mochila et identité indigène
Le sac Mochila Wayuu est la quintessence de leur artisanat traditionnel. Chaque sac Mochila Wayuu est une œuvre d’art unique qui reflète le monde intérieur du tisserand, et chaque motif coloré raconte une histoire qui reflète les traditions Wayuu.
Dès qu’elle atteint la puberté, une jeune fille Wayuu reçoit l’enseignement de l’art du crochet, d’une artisane qualifiée, qui lui apprend à imprégner son travail de valeurs positives telles que l’habileté et l’authenticité. La qualité du sac est à la mesure de sa compétence et de sa vertu.
Le tissage et le crochet doivent être serrés et fermes, car des mailles ou des fils lâches indiqueraient que l’article a été fabriqué à la hâte ou que l’on a économisé sur le fil. Les couleurs, les motifs et les formes de leur artisanat ont été transmis de génération en génération, préservant ainsi l’essence de leur culture.
De nombreux symboles utilisés sur les sacs sont des interprétations personnelles et des abstractions d’éléments du monde matériel. Ces motifs, qui reçoivent un nom descriptif, sont généralement géométriques et se répètent tout au long des compositions. Parmi les divers motifs, citons Molokonoutaya, la carapace de la tortue à pieds jaunes, Siwottouya, l’empreinte laissée dans le sable par un cheval attelé, et Jime’uya, l’œil de poisson.
Selon la légende, c’est Wale’kerü, une divinité araignée, qui a appris aux premières femmes Wayuu à tisser. Wale’kerü était une tisseuse très douée qui pouvait produire de nombreux hamacs et autres pièces avant chaque lever de soleil. Elle dessinait également tous ses motifs en hiver, avant l’arrivée du printemps.
Le Kanaasü, une collection de motifs et de dessins traditionnels Wayuu. (Image : wikimedia / Wayuu Mochila Bags / CC BY-SA 4.0)
L’histoire raconte que Wale’kerü est tombée amoureuse d’un Wayuu. Lorsque l’homme emmena l’araignée dans sa famille, la mère leur donna des morceaux de coton à tisser. Wale’kerü mangea tout le coton et sortit de sa bouche le fil déjà filé et prêt à être tissé.
Wale’kerü commença à enseigner le tissage à toutes les femmes Wayuu. La talentueuse araignée demandait toujours aux femmes d’être très attentives, car elle ne pourrait pas tout répéter tout le temps.
Que faut-il pour fabriquer un sac Wayuu ?
Selon la complexité du motif et l’habileté du tisserand, il faut entre deux semaines et un mois entier pour réaliser un seul sac Mochila Wayuu . Le corps du sac est crocheté à l’aide de plusieurs couleurs de fil et d’un seul crochet - une tâche qui n’est pas facilitée par la propension des fils à s’emmêler.
Pour la lanière, les femmes Wayuu ont recours à une technique utilisée depuis des siècles, qui consiste à placer un seul fil de coton dans un métier à tisser manuel.
Traditionnellement, les sacs Wayuu étaient fabriqués à partir de fibres naturelles comme la laine ou le fique (une plante semblable à l’agave). Les rouges, les jaunes, les bruns, les verts et les noirs étaient des couleurs courantes obtenues à partir de teintures naturelles, généralement d’origine botanique.
Lorsque les filles Wayuu apprennent à tisser, cela signifie qu’elles sont prêtes à devenir des femmes, à subvenir aux besoins d’une famille et à être des membres actifs de la communauté. (Image : Rafael Socarras / Pixabay)
Avec l’introduction du coton industrialisé - et plus tard de l’acrylique - la fabrication est devenue considérablement moins coûteuse, sans pour autant nécessiter moins de main-d’œuvre. Les teintures naturelles subtiles ont été largement remplacées par des teintures synthétiques vibrantes et durables. Les teintes vives ont rendu les motifs encore plus attrayants et les sacs sont rapidement devenus l’artisanat le plus exporté de toute la Colombie.
Les sacs Mochila Wayuu sont généralement ornés de pompons qui bougent au rythme de la démarche de la personne. (Image : Carolina Avendano / VisionTimes)
Aujourd’hui, les sacs Wayuu sont une composante majeure de l’économie Wayuu et une source importante de revenus. Toutefois, au cours des dernières décennies, de nombreux Wayuu ont été escroqués par des tiers qui profitent de leur travail. Des négociants achètent leurs sacs à bas prix et réalisent d’énormes bénéfices en les vendant à des étrangers qui apprécient l’artisanat traditionnel. Cela a conduit à des situations économiques difficiles pour les Wayuu, qui ont parfois du mal à subvenir à leurs besoins de base.
Sac Mochila original des Wayuu. L’étiquette indique « Art transformé en mode : produit artisanal original 100 % fait à la main. Tissé par les indigènes Wayuu qui imprègnent de leur amour et de leur temps chaque tissu tissé juste pour vous. Prenez-en soin ». (Image : Carolina Avendano / VisionTimes)
Lors de l’achat d’un sac Mochila Wayuu, il est important de s’assurer qu’il est produit de manière éthique et qu’il respecte les règles du commerce équitable. Poser ces questions à un fournisseur peut non seulement aider les femmes Wayuu à obtenir un prix équitable pour leurs efforts, mais aussi contribuer à préserver un héritage coloré de valeurs traditionnelles et d’artisanat.
