Le patrimoine régional français fait apparaître de nombreuses richesses que nous souhaitons faire découvrir à nos lecteurs. Un lieu emblématique des Bouches-du-Rhône, situé à Marseille, est la Fédération de plongée. Celle-ci est la plus ancienne Fédération de plongée au monde et elle est actuellement dirigée par son Président le Docteur Frédéric Di Meglio. Il nous a livré tous les secrets de son institution et des missions « sport santé » qu’il a engagées depuis quelques années.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Frédéric Di Meglio, je suis président de la Fédération Française d’Etudes et de Sports Sous-Marins et médecin. J’ai pris ma retraite pour m’occuper pleinement de la Fédération. Et en tant que médecin du sport, j’ai désiré développer le sport santé, qui est devenu une priorité des politiques publiques au niveau de l’Etat et des collectivités territoriales.
On savait que l’activité physique pouvait améliorer la santé dans les mêmes proportions qu’un traitement par médicaments. On s’est rendu compte que le sport était un médicament sans effets secondaires, dans la mesure où l’activité sportive était adaptée.
Parlez-nous de la Fédération de plongée
La Fédération Française d’Etudes et de Sports Sous-Marins FFESSM a son siège national à Marseille et c’est intéressant à noter, car c’est l’une des rares Fédérations délocalisées. Elle a été créée en 1948 sur le Vieux Port, c’est la plus ancienne fédération de plongée au monde. Elle est délégataire de l’Etat pour les activités subaquatiques.
Notre Fédération : « Etudes et Sports sous-marins », n’a pas uniquement une activité de plongée comme souvent on l’entend, parce qu’elle a la vocation de faire certaines études sur les activités subaquatiques et de développer tous les sports subaquatiques qui se pratiquent sous l’eau.
Nous travaillons à mettre en exergue les bienfaits de l’activité subaquatique sur le corps humain.
Un exemple, on va lancer bientôt une étude sur les effets bénéfiques de la plongée sous-marine sur les victimes de stress post-traumatiques des attentats de Nice. Il y a déjà eu une étude faite à Marseille, il y a 3 à 4 ans, sur les bienfaits que la plongée sous-marine apportait aux gens en situation de stress.
Pouvez-vous nous parler de ces bienfaits ?
En effet, on parle de bienfaits physiques, psycho mentaux et sociaux. Ce sont les bienfaits psycho mentaux qui sont les plus remarquables. Dans les bienfaits physiques il y a deux options importantes à noter : la première est la notion d’apesanteur. En effet, tous les gens qui ont des problèmes d’arthrose et d’obésité, sont soulagés, voire allégés dans l’eau et n’ont plus les mêmes difficultés. C’est aussi le cas des personnes en handicap moteur qui retrouvent avec la plongée les 3 dimensions qu’ils n’ont pas sur terre.
Le deuxième élément tout aussi important est la cohérence cardio respiratoire en plongée. Dans la plongée en apnée ou en scaphandre, une personne est obligée d’avoir une respiration consciente. Il y a donc une prise de conscience pour faire une bonne préparation à l’apnée avec une prise de conscience de ses mouvements respiratoires et du flux de l’air contrairement à ce qui se passe dans la vie courante. Quand vous êtes en plongée en scaphandre, spontanément à l’inspiration on a une inspiration qui est un peu plus profonde de ce qui se passe sur terre et d’autre part, il faut être conscient de notre expiration.
C’est ce qui se passe dans la relaxation. Vous avez une inspiration qui doit être plus profonde et vous devez être conscient de votre expiration. L’on dit que cela nous met en position de méditation de pleine conscience. Ceci est un résumé des bienfaits physiques. Il y a aussi toutes les modifications sensorielles, car l’on n’a plus les mêmes références sur terre que dans l’eau. On perd la notion de gravité. On développe d’autres sensations auditives, visuelles, proprioceptives pour pouvoir gérer son équilibre.
Un autre aspect non négligeable de la plongée sous-marine est le bénéfice social : on a besoin l’un de l’autre en plongée, que ce soit en plongée apnée ou scaphandre, la notion de binôme et de groupe est importante (palanquée) pour des raisons de sécurité. Cela a un impact bénéfique chez les jeunes, en particulier, ceux des quartiers prioritaires, qui se rendent compte qu’ils ont besoin de l’autre dans cet environnement particulier et intègrent des codes sociaux, des codes gestuels, pour exprimer des choses sous l’eau. Cette communication particulière, ces références sociales particulières, sont très importantes pour des jeunes.
Sur le plan psycho mental, c’est la partie la plus importante, je dirais que l’activité plongée c’est trois choses à la fois. C’est une activité sportive, le sport comme un médicament, maintenant c’est reconnu, on sait que c’est fondamental. Deuxième élément, c’est une activité de pleine nature. La plongée est une pratique en pleine nature. On s’est rendu compte que l’activité en pleine nature quelle qu’elle soit, a un impact très positif sur une zone particulière située dans le cerveau qu’on appelle le système limbique.
Schématiquement dans le cerveau on a trois parties. On a le néocortex qui est le cerveau pensant c’est le cerveau cartésien. On a le cerveau reptilien dit cerveau primitif. Et au milieu il y a le cerveau limbique qui est le siège des émotions, le siège de la mémoire, c’est cette zone dans la maladie d’Alzheimer qui s’atrophie quand l’homme vieillit. On se rend compte que l’activité de pleine nature joue beaucoup sur ce cerveau limbique en l’apaisant, ainsi le contact de la nature permet de diminuer le stress de façon plus importante que les activités sportives en ville.
La plongée est un sport en pleine nature en milieu aquatique. On est au sein du milieu aquatique avec cette symbolique fœtale de reconstruction. Il y a aussi la notion de l’hyperbarie du fait d’être soumis à la pression, avec cette régulation respiratoire citée plus haut. La cohérence respiratoire que donne l’hyperbarie, va permettre de favoriser la méditation de pleine conscience, qui permet d’activer de façon positive tout le système limbique que j’ai cité, c’est pour cela qu’on parle de l’action bénéfique calmante de l’activité plongée sur la dimension psycho-mentale.
Comment fonctionne la Fédération de plongée, combien avez-vous de clubs affiliés ?
Notre Fédération sportive est délégataire du ministère des Sports dans pas mal d’activités sportives. Il y a entre 130 000 à 140 000 licenciés pour la France et les pays d’Outre-mer, on est la troisième Fédération de sports non olympiques. On a failli devenir olympique pour l’apnée, c’était en discussion il y a 3 à 4 ans pour les démonstrations aux JO 2024, nous étions dans le quarteron final.
Dans les activités en dehors de la plongée qui est le principal volet de notre Fédération, avec une partie en scaphandre et une partie sans scaphandre dite plongée libre en apnée, il y a des pratiques sportives comme la nage avec palmes qui va pouvoir se faire en surface de l’eau. Notre dénominateur commun est la palme.
Nous avons le Hockey subaquatique, c’est une équipe qui va jouer contre une autre équipe sous l’eau, en poussant un palet avec une crosse de hockey en apnée. Nous avons la plongée sportive en piscine, qui se passe en scaphandre avec des activités de vitesse en piscine. Il y a aussi la pêche sous-marine sportive en mer, il y a du tir sur cible, de la nage en eau vive dans les torrents…
Mais, il y a aussi une partie culturelle en relation avec l’étude dont je vous ai parlé. L’archéologie sous-marine, la spéléologie sous-marine de plongée sous-terraine pour explorer les grottes, les activités biologie et environnement qui sont très développées, axées sur la protection de l’environnement. Et il y a même une partie photos et vidéos avec des compétitions et une dimension artistique. J’ai été moi-même trois fois champion du monde de photo.
Vous avez combien de clubs associés ?
Nous avons 2500 structures affiliées ou agréées. Les 2.000 clubs associatifs sont affiliés et les 500 structures marchandes et professionnelles sont agréées (représentant 95% du marché français
L’apport psychologique de la plongée sous-marine est intéressant, avez-vous des contacts ou partenariats avec des hôpitaux ou autres structures ?
Oui c’est un axe peu connu, Actuellement j’ai des actions qui se mettent en place. Le salon international de la plongée a eu lieu début janvier à Paris. Il y a eu à cette occasion pas mal de Fédérations étrangères qui sont venues. J’ai aussi rendez-vous avec un groupe hospitalier universitaire en psychiatrie. L’on a pu découvrir qu’à travers l’eau et la pratique de respiration consciente, la plongée avait un impact très positif sur ces malades, avec la possibilité de diminuer certaines doses de médicaments.
De même les relations des malades qui ne parlaient pas changeaient, ils s’ouvraient à l’autre. On travaille aussi avec certains services de cancérologie, parce que les bienfaits psycho-mentaux dont on parlait, sont très intéressants en cancérologie. En effet, quelqu’un qui a eu un cancer a besoin de se reconstruire. Et, la reconstruction qu’on appelle la résilience est favorisée par la plongée. Certains clubs travaillent avec des services de cancérologie. D’autres clubs travaillent sur les suites de la « Covid long ». Nous sommes au cœur du sport santé et du bien-être que la plongée apporte.
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