Bien-être. L’ennéagramme, un outil qui permet de se comprendre et de s’améliorer

L’ennéagramme fait partie des approches qui permettent de comprendre le fonctionnement psychologique de l’être humain. C’est un outil complexe qui mérite d’être approfondi et travaillé, sous peine de tomber dans un dogme qui enfermerait la personne, ce qui va à contre sens de son utilité.

Pour cela, j’ai rencontré Jean-Philippe Vidal, coach, écrivain et formateur expert de l’ennéagramme. Au départ, ingénieur en télécommunications, il a cultivé pendant plus de 15 ans sa passion pour les relations humaines en pilotant de grands projets dans des contextes internationaux. Sa rencontre avec l’ennéagramme est le déclencheur conduisant à réorienter sa carrière vers des activités de coaching, formation et conseil autour de cette approche. Diplômé en psychologie, il est formé à diverses techniques, parmi lesquelles l’analyse transactionnelle, l’analyse systémique, le coaching, l’ennéagramme bien sûr, l’hypnose ericksonienne (Maître Praticien) et la PNL (Maître Praticien). Il est également le créateur de l’ennéagramme envolutif ®, une approche permettant d’intervenir sélectivement dans le cadre d’une relation d’accompagnement, avec les outils adaptés à la structure de personnalité rencontrée.

Qu’est-ce que l’ennéagramme?

L’ennéagramme est une figure géométrique à neuf points. Chaque point décrit une stratégie comportementale. L’ennéagramme parle de trois types d’intelligence qu’il nomme centres.

Le centre instinctif sert à exister dans son environnement et à y survivre. Le centre émotionnel amène à prendre conscience des sentiments qui existent dans une relation et le centre mental permet de réfléchir sur soi-même et d’analyser les faits, les situations, etc. Chacun de ces centres peut s’intéresser à des situations impliquant son intériorité, le monde extérieur, ou bien les échanges entre ces deux espaces. Avec trois centres pouvant fonctionner sur trois zones d’intérêt, on obtient les neuf possibilités de l’ennéagramme.

Jean-Philippe Vidal explique les différentes stratégies qui sont :

• « Perfectionnisme » qui évite à tout prix l’erreur, (instinctif)
• « Aide aux autres » qui évite à tout prix de reconnaître ses propres besoins, (émotionnel)
• « Quête de victoire » qui évite à tout prix l’échec, (émotionnel)
• « Originalité » qui évite à tout prix la banalité, (émotionnel)
• « Explication du monde », en retrait du monde, qui évite à tout prix l’envahissement, (mental)
• « Quête d’approbation », pris par les doutes, qui évite à tout prix de se faire exclure du groupe vécu comme gage de sécurité, (mental)
• « Optimisme » qui évite à tout prix la souffrance, (mental)
• « Recherche de pouvoir », combatif qui évite à tout prix la faiblesse, (instinctif)
• « Quête d’harmonie » qui évite à tout prix le conflit. (instinctif)

Il ajoute que ces points sont présents en chacun et que chacun est unique au monde. Cependant, tout le monde a une tendance plus marquée à préférer certaines stratégies plutôt que d’autres. C’est un mécanisme de défense provoqué par les peurs que ressent l’ego, et qui a pour but de le protéger lorsqu’il se sent en danger. Cela entraîne des réactions compulsives qui prennent le dessus et agissent en utilisant la pensée, le sentiment et l’action, empêchant l’épanouissement de sa nature profonde.

L’approche de l’ennéagramme consiste à prendre conscience que ces réactions ne sont pas la vraie personnalité. En prenant conscience de cela, il est possible d’analyser ses comportements, trouver leurs causes, prendre du recul pour finalement exprimer sa nature profonde. Chaque être humain a une essence unique et, en ne laissant pas les trois centres en pilote automatique, ils deviennent des outils précieux pour découvrir puis exprimer qui nous sommes vraiment et ce que nous pouvons apporter au monde, notre mission.

Une fois l’ennéagramme établi, il permet de travailler sur les différents centres afin de trouver un équilibre pour sortir du schéma comportemental qui s’est créé depuis notre naissance, et aller vers une liberté de choix dans nos comportements, afin de permettre à son soi authentique de s’exprimer enfin et non de suivre les automatismes mis en place.

Cette méthode est un puissant moyen de développement personnel, permettant de mieux se comprendre et de mieux comprendre l’autre, ses attentes, et les raisons de ses comportements. Elle est reprise par certaines entreprises pour former leurs managers et se retrouve également dans certains cercles chrétiens. Mal utilisé, l’ennéagramme pourrait enfermer la personne, la cataloguer, voire la manipuler. C’est pourquoi la vigilance dans le choix du formateur doit être de mise, car utilisée positivement, dans le respect de l’autre, dans la réflexion, c’est un outil qui permet de trouver une harmonie personnelle et relationnelle et d’être plus tolérant quant aux comportements des autres personnes.

Petit jeu des questions réponses

« En faisant le test pour voir un peu de quoi il s’agit, je ne me suis pas retrouvée dans beaucoup de questions et j’ai répondu au hasard. Pourtant, en lisant le résultat, je suis vraiment étonnée de l’exactitude des données, je me retrouve complètement. Cela m’amène à comprendre que l’ennéagramme est très compliqué et à vous demander comment faites-vous pour savoir quelle stratégie impacte le plus votre patient sur la problématique que vous allez traiter et comment vous allez choisir une thérapie plutôt qu’une autre ? »

Jean-Philippe Vidal : « L’ennéagramme n’est pas si compliqué. Je dirais plutôt qu’il est complexe. Une chose compliquée, c’est par exemple un texte de loi qui a tellement d’amendements et de cas particuliers d’exceptions que plus personne n’arrive à l’interpréter dans les situations rencontrées… Dans l’ennéagramme tout est simple. Mais il y a beaucoup d’éléments, c’est ce qui le rend complexe. Mais si vous prenez les éléments un par un, alors il peut vous aider à gérer la complexité de la psyché humaine. Voir comment un interlocuteur fonctionne avec la grille de l’ennéagramme, c’est bien connaître le modèle et ensuite beaucoup de pratique, tout simplement. Le jour où vous avez appris à lire, ça vous semblait peut-être insurmontable, et pourtant aujourd’hui vous ne vous posez plus la question. Avec l’ennéagramme, c’est pareil, c’est juste un alphabet à apprendre et à pratiquer. Il a fallu apprendre 26 lettres pour savoir lire. L’ennéagramme lui n’en propose que neuf ! Et le cadeau de cet effort, c’est la capacité à discerner quelle stratégie votre interlocuteur joue à quel moment, et de choisir en conséquence l’angle thérapeutique le mieux adapté, car il y a selon la stratégie ennéagramme en action, des techniques qui fonctionnent plus ou moins bien, et on les connaît. »

« Quelles différences l’ennéagramme a avec la thérapie cognitivo-comportementale ? (TCC) »

Jean-Philippe Vidal : « Les TCC se basent principalement sur le lien centre mental (cognitivo)-centre instinctif (comportementale). L’ennéagramme considère l’ensemble des liens entre les trois centres mental, instinctif et émotionnel. Les techniques des TCC font partie des méthodes que je peux proposer à mes clients, elles sont un outil précieux dans la palette des possibilités, une fois que le décodage fin du problème, dans toute sa complexité, a été fait grâce à l’ennéagramme. »

« Peut-on dire que la dé-indentification est apprendre et reconnaître que les conceptions ou les idées préconçues ne sont pas ce que l’on est vraiment afin de trouver ce que l’on est réellement, comme le Taoïsme pourrait dire : le retour à son être véritable ? »

Jean-Philippe Vidal : « L’ennéagramme pose que nous avons trois centres instinctif (notre corps et ses ressentis), émotionnel (nos émotions) et mental (nos pensées, nos croyances).Mais nous ne sommes pas nos pensées, nous en avons. Si mes croyances changent, c’est toujours moi, avec juste des croyances différentes. De même, nous ne sommes pas nos émotions, nous en avons. Et d’un moment à l’autre, mes émotions changent et pourtant, c’est toujours moi.Idem avec mes ressentis corporels.

Aussi l’ennéagramme nous aide à prendre conscience que nous ne sommes ni notre corps, ni nos émotions, ni nos pensées, mais quelque chose de plus grand, notre être véritable, qui est derrière tout ça et qui a ces trois outils à sa disposition pour exprimer sa réalité personnelle. »

« Que répondez-vous aux personnes qui parlent de dérives sectaires, d’enfermement de la personne dans un schéma ? »

Jean-Philippe Vidal : « L’ennéagramme est un outil. Le marteau est un outil. Je peux m’en servir pour planter un clou ou commettre un crime, ce sera le même marteau. Le marteau n’y est pour rien. C’est celui qui tient le marteau qui en fait quelque chose de bien ou de condamnable. Pour l’ennéagramme c’est pareil, il n’est ni bon ni mauvais. La vraie question, c’est qui l’utilise et pour quoi faire. »

« L’ennéagramme est un outil très puissant, qui permet de comprendre finement la manière de fonctionner des individus. Dans de mauvaises mains, cela peut devenir un vrai outil de manipulation. Et pour moi, la meilleure façon de lutter contre de telles dérives, c’est qu’un maximum de gens connaissent l’ennéagramme, car alors les manipulateurs en puissance perdent l’avantage que vous ne saisissiez pas ce qu’ils sont en train d’essayer de vous faire. »

« Comprenez bien que l’ennéagramme bien utilisé vous libère, vous aide à contacter qui vous êtes vraiment. Il doit vous aider à vous sentir de plus en plus un être unique avec du libre arbitre, pas le contraire. Si quelqu’un vous propose une vision de l’ennéagramme qui ne va pas dans ce sens, alors vous devriez vous méfier de l’individu en question, pas de l’ennéagramme. En particulier, je ne vois que trop de prétendus formateurs qui vous proposent l’ennéagramme en affirmant que vous seriez un numéro. Pierre est 6, Marie est 7, je suis 4, etc… Une telle façon d’utiliser l’ennéagramme risque de vous enfermer plutôt que de vous ouvrir vraiment. »

« Personnellement, j’insiste toujours sur le fait que les neuf stratégies de l’ennéagramme sont comme un jeu de neuf cartes que vous avez entre les mains, tout au long de la journée, et selon les situations, vous jouez une carte ou bien une autre. Et vous avez vos cartes préférées, et celles que vous ne jouez jamais, ce qui colore votre personnalité. Mais l’enjeu de l’ennéagramme, c’est que le joueur derrière les cartes s’éveille et gagne son libre-arbitre, pas d’assimiler le joueur à la carte qu’il joue le plus et ainsi le piéger dans des autojustifications de ses comportements. »

« Le mental va créer une représentation du monde grâce à laquelle il va vivre dans cette représentation, est ce qu’on peut aussi dire que ce sont les conceptions créées après la naissance ? »

Jean-Philippe Vidal : « Nos représentations mentales du monde se fabriquent sur la base des informations reçues et traitées par le centre mental. Le centre mental ne se met pas en route à la naissance, il est déjà présent durant la vie intra-utérine et il y a fort à parier que quand l’enfant vient au monde, la construction de ses représentations soit influencée par ces éléments précoces. »

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Reportage Catherine Keller

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