L’imposture de la théorie du déséquilibre chimique
Indépendamment de leur volonté, beaucoup de personnes sont mal informées de la réalité de l’industrie médicale des temps modernes : la science médicale semble submergée par la fraude scientifique et par l’influence des compagnies pharmaceutiques.
Quand nous entendons l’expression « grandes sociétés pharmaceutiques », nous sommes facilement amenés à penser « théorie du complot ». Le petit groupe de personnes et les sociétés derrière lesquelles ils se cachent possèdent une influence difficilement concevable. Cependant, beaucoup de praticiens et de médecins occupant des postes influents ont tenté de nous faire savoir à quel point la situation est grave.
Le Dr Marcia Angell, médecin et rédacteur en chef de longue date du journal New England Medical, a écrit dans PLoS Med qu’il considérait que la moitié de toute la littérature publiée pouvait être fausse, ajoutant : « Il n’est tout simplement plus possible de croire à une grande partie de la recherche clinique publiée, ou de se fier au jugement de médecins de confiance ou de lignes directrices médicales faisant autorité. »
Arnold Seymour Relman (1923-2014), professeur de médecine à Harvard et ancien rédacteur en chef du journal New England Medical, a écrit dans un article intitulé Qui paie pour la pizza ? Redéfinir les relations entre les médecins et les entreprises pharmaceutiques : « La profession médicale est achetée par l’industrie pharmaceutique, non seulement en termes d’exercice de la médecine, mais aussi en termes d’enseignement et de recherche. » « Les institutions académiques de ce pays se permettent d’être les agents rémunérés de l’industrie pharmaceutique. Je trouve ça scandaleux. »
La dépression présentée comme un déséquilibre chimique ?
et des réactions biochimiques qui se produisent lorsqu’une
personne se sent dépressive, cela arrive tout le temps, mais
aucune recherche n’a jamais établi qu’un état cérébral particulier cause, ou
même est en corrélation avec la dépression. (Image : Teeveesee / Pixabay)
Malgré tous les articles publiés sur le sujet, la théorie d’un déséquilibre chimique n’a jamais été prouvée. Pourtant, cette théorie n’a-t-elle pas été présentée comme un fait ? Et dans l’affirmative, est-elle utilisée pour faire entrer plus de médicaments sur le marché ?
Sur le blog d’Alix Spiegel, de la National Public Radio, Joseph Coyle, neuroscientifique de la Harvard Medical School, a déclaré : « Le déséquilibre chimique est une sorte de pensée du dernier siècle. C’est beaucoup plus compliqué que ça. »
Dire que la dépression résulte d’un déséquilibre chimique ne fait que la simplifier et ne dit pas à quel point la maladie est vraiment complexe. De nombreuses études montrent que la dépression est beaucoup plus que le simple fait d’avoir trop ou trop peu de certaines substances chimiques dans le cerveau.
Il est vrai qu’il existe plusieurs forces qui interagissent pour provoquer la dépression, notamment une mauvaise régulation de l’humeur par le cerveau, la vulnérabilité génétique, les événements stressants de la vie, les médicaments et les problèmes médicaux, pour n’en nommer que quelques-uns.
Le Dr Joanna Moncrieff, psychiatre et auteure britannique, a écrit sur son blog : « Bien sûr, il y a des effets indésirables au niveau du cerveau et des réactions biochimiques qui surviennent lorsqu’une personne se sent dépressive, c’est toujours le cas, mais aucune recherche n'a jamais établi qu’un état cérébral particulier cause, ou même est en corrélation avec la dépression. »
Parallèlement aux théories biochimiques, de nombreuses découvertes ont été présentées indiquant comme causes de la dépression les variations du cortisol (hormone du stress), les anomalies du volume cérébral et le facteur neurotrophique. Dans tous les cas, ces études donnent des résultats incohérents, et aucune ne s’est révélée spécifique à la dépression, et encore moins causale.
« Le fait que plus de 50 ans d’intenses efforts de recherche n’aient pas permis d’identifier la dépression cérébrale peut indiquer que nous n’avons tout simplement pas la bonne technologie, ou que nous avons fait fausse route ! »
Les preuves à l’appui de la théorie
La preuve la plus souvent utilisée pour étayer cette théorie est simplement que certains médicaments ont augmenté ou diminué l’humeur chez des sujets humains et animaux. Bien que ceci soit vrai, ce n’est pas parce que les antidépresseurs ont augmenté ou diminué certains niveaux chimiques dans le cerveau que la théorie du déséquilibre chimique de la dépression est prouvée.
Avec la technologie d’aujourd’hui, nous ne pouvons tout simplement pas déterminer si un être humain présente un déséquilibre chimique, ni même être en mesure de dire quels neurotransmetteurs sont impliqués. C’est pour cette raison que la théorie du déséquilibre chimique reste une théorie. Cependant, la majorité des gens accepte la théorie du déséquilibre chimique comme un fait établi.
Dans un article de fond, Jonathan Leo et Jeffrey R. Lacasse ont écrit : « La cause des troubles mentaux tels que la dépression reste inconnue. Pourtant, l’idée que les déséquilibres des neurotransmetteurs causent la dépression est fortement encouragée par les compagnies pharmaceutiques et la profession psychiatrique en général. »
Des théories telles que celle de faibles niveaux de sérotonine, ne sont apparues que parce que les scientifiques ont observé les effets des médicaments sur le cerveau. C’était simplement une hypothèse qui tentait d’expliquer comment les médicaments pouvaient réparer quelque chose. Toutefois, la question de savoir si les taux de sérotonine étaient réellement plus faibles n’a pas encore été prouvée.
L’article a ajouté: « L’idée que la dépression résulte d’un déséquilibre chimique dans le cerveau a été proposée pour la première fois à la fin des années 1950 et au début des années 1960 par différents scientifiques. »
Au départ, l’accent a été mis sur un neurotransmetteur, la norépinéphrine, mais au milieu des années 1960, l’accent a été mis sur la sérotonine, un autre émetteur, ce qui a mené au développement des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) comme le Prozac et Paxil.
Avant de conclure : « Malgré l’énorme somme d’argent et le temps consacrés à la quête de la théorie du déséquilibre chimique, la preuve évidente ne s’est jamais concrétisée. »
Les antidépresseurs et l’effet placebo
mais non publiées, parce que laissées de côté par les compagnies
pharmaceutiques, révèle que la plupart (sinon la totalité) des avantages
sont dus à l’effet placebo. (Image : 3dman_eu / Pixabay)
Les industries pharmaceutiques ont un point en commun, la chimie du cerveau, même si nous savons qu’il s’agit d’une question à multiples facettes qui soulève de nombreuses préoccupations et fait appel à de nombreux produits chimiques. Se concentrer sur la théorie du déséquilibre chimique et distribuer des médicaments qui altèrent la chimie du cerveau est irresponsable et présente plusieurs dangers.
L’ironie est que la seule chose dont nous soyons certains, c’est que les personnes qui prennent des antidépresseurs feront sans doute maintenant face à des déséquilibres biochimiques.
Irving Kirsch, professeur de médecine à la Harvard Medical School, a écrit dans une publication: « Les antidépresseurs sont censés agir en corrigeant un déséquilibre chimique, en particulier un manque de sérotonine dans le cerveau. Effectivement, leur efficacité supposée est la preuve principale pour étayer la théorie du déséquilibre chimique. »
« Mais l’analyse des données (...) révèle que la plupart (sinon la totalité) des avantages sont dus à l’effet placebo. Certains antidépresseurs augmentent les taux de sérotonine, d’autres les diminuent et certains n’ont aucun effet sur la sérotonine. »
« Néanmoins, ils ont tous le même bénéfice thérapeutique. Même la petite différence statistique entre les antidépresseurs et les placebos peut être un effet placebo amélioré, en raison du fait que la plupart des patients et des médecins participant aux essais cliniques ont réussi à briser le voile. »
« La théorie de la sérotonine a autant de raisons d’être considérée comme non avérée que n’importe quelle autre théorie dans l’histoire de la science. Au lieu de guérir la dépression, les antidépresseurs populaires peuvent induire une vulnérabilité biologique rendant les gens plus susceptibles de redevenir dépressifs dans l’avenir. »
Dans une étude de 2002, Kirsch écrit comment il a été constaté que 80 pour cent de l’effet des antidépresseurs, dans les essais cliniques, pourrait être attribué à l’effet placebo : « J’ai pensé que les antidépresseurs étaient efficaces. En tant que psychothérapeute, j’ai parfois prescrit des antidépresseurs à mes clients atteints de graves dépressions. Parfois, l’état de mes clients s’est amélioré lorsqu’ils ont commencé à prendre des antidépresseurs, parfois non. »
« Quand cela arrivait, j’ai supposé que c’était l’effet de la drogue qui améliorait leur santé. Étant donné mon intérêt de longue date pour l’effet placebo, j’aurais dû m’en douter, mais à l'époque je ne l’ai pas fait. »
« En analysant toutes les données, nous n’avons pas été surpris de constater un effet important du placebo sur la dépression. Ce qui nous a surpris, c’est à quel point l’effet de la drogue était faible. Dans le groupe de médicaments, soixante quinze pour cent de l’amélioration s’est également produite lorsque des personnes ont reçu de faux comprimés, sans ingrédient actif. »
Liens avec les compagnies pharmaceutiques
Les données ont montré que seulement 43% des essais cliniques présentaient un avantage statistiquement significatif du médicament par rapport au placebo, cependant, les 57% restants avaient échoué. D’autres études ont également démontré l’inefficacité des antidépresseurs et la fréquence à laquelle ce fait est caché par les compagnies pharmaceutiques. Le fait le plus alarmant est que les études montrant que les antidépresseurs peuvent causer de réels dommages sont souvent ignorées.
Dans une étude publiée dans le British Medical Journal, des chercheurs ont dévoilé que les compagnies pharmaceutiques ne divulguaient pas toute l’information concernant les résultats de leurs essais cliniques. Ils ont découvert que les rapports d’études cliniques n’indiquaient pas toute l’étendue de dommages graves.
Ces rapports sont utilisés par les principales autorités sanitaires comme la FDA pour déterminer les résultats. Tamang Sharma, étudiante en doctorat à Cochrane et auteure principale de l’étude, a fait remarquer que : « Il s’est avéré qu’un grand nombre d’annexes n’étaient souvent disponibles qu’à la demande des autorités, mais que les autorités ne les avaient jamais demandées. (...) C’était par peur de la gravité de la situation réelle si les données complètes avaient été fournies.»
Lisa Cosgrove, psychologue, et son équipe, ont enquêté sur les liens financiers entre les membres du panel Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders (DSM) et l’industrie pharmaceutique. Ce qu’ils ont découvert, c’est que sur les 170 membres du panel DSM, 95 avaient une ou plusieurs associations financières avec des sociétés de l'industrie pharmaceutique.
100% des membres des panels « Troubles de l’humeur » et « Schizophrénie et autres troubles psychotiques » avaient des liens financiers avec des compagnies pharmaceutiques. Les principales catégories d’intérêts financiers détenus par les membres du panel étaient le financement de la recherche (42 %), les services de consultants (22 %) et le bureau des conférenciers (16 %).
L’équipe a écrit : « Notre enquête sur les relations entre les membres du panel DSM et l’industrie pharmaceutique démontre qu’il existe des liens financiers solides entre l’industrie et ceux qui sont responsables de l’élaboration et de la modification des critères diagnostiques de la maladie mentale. »
« Les liens sont particulièrement forts dans les domaines diagnostiques où les drogues sont en première ligne dans le traitement des troubles mentaux .»
« Le DSM semble être plus un document politique que scientifique. Chaque critère de diagnostic dans le DSM n’est pas basé sur la science médicale. Dans le DSM, Il n’existe pas de tests sanguins pour les troubles. Il s’appuie uniquement sur le jugements des praticiens qui eux s’appuient sur le manuel. »
Cependant, en France, le DSM reste la référence la plus utilisée dans les consultations de psychiatrie.
Rédacteur Fetty Adler
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