L’Union européenne vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et à devenir la première économie neutre en carbone d’ici 2050. Cet objectif ambitieux nécessite une augmentation radicale de la production d’énergies vertes dans un délai relativement court. Le potentiel inexploité des zones rurales de l’Union offre une voie à suivre.
Les zones rurales pourraient produire plus d’énergies que nécessaire
Les zones rurales couvrent plus de 80 % du territoire de l’UE et abritent environ 30 % de sa population. Nos travaux au Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne montrent que les territoires ruraux produisent déjà la plus grande part d’électricité verte (72 %) à partir des trois principales technologies renouvelables : le solaire photovoltaïque, l’éolien terrestre et l’hydroélectricité. Le reste de l’énergie renouvelable est produit dans les villes et banlieues (22 %) et les agglomérations (6 %). L’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et la Suède sont les cinq premiers producteurs d’énergie renouvelable de l’Union, représentant 68 % de sa production totale provenant d’installations solaires, éoliennes terrestres et hydroélectriques.
Mais ce n’est pas tout. Selon nos analyses, les zones rurales possèdent également le plus fort potentiel inexploité de production d’énergie renouvelable - près de 80 %. Théoriquement, elles pourraient produire suffisamment pour répondre à la demande énergétique totale de l’UE. Nous estimons que le potentiel total de production d’énergie solaire, éolienne terrestre et hydraulique dans les zones rurales avoisine les 12 500 térawattheures par an. C’est plus de cinq fois la quantité d’électricité consommée par l’Union en 2023, et cela dépasse également la consommation totale d’énergie (qui inclut des sources comme le gaz, le pétrole et le charbon) pour cette même année.
Des technologies adaptées au territoire
Toute cette énergie pourrait être produite en milieu rural sans perturber les systèmes agricoles, les paysages et les ressources naturelles existants. Les zones rurales pourraient produire jusqu’à 60 fois plus d’énergie solaire qu’actuellement, quadrupler leur production éolienne et augmenter leur production hydroélectrique de 25 %. L’Espagne, la Roumanie, la France, le Portugal et l’Italie sont les cinq pays de l’UE qui cumulent le plus grand potentiel inexploité (solaire, éolien et hydroélectrique) : ensemble, ils représentent 67 % du potentiel de l’UE, la contribution des zones rurales allant de 92 % en France à 49 % en Italie.
Globalement, les panneaux solaires installés au sol peuvent contribuer le plus à la production d’énergie verte dans l’UE. Cependant, les zones rurales de l’Union étant très diversifiées, le choix de la technologie la plus adaptée dépendra des caractéristiques locales. Les zones montagneuses dotées d’abondantes ressources en eau se prêtent bien à la production hydroélectrique, tandis que les communes rurales disposant de vastes superficies propices se prêtent à l’énergie solaire ou éolienne, selon l’ensoleillement et la vitesse du vent. Dans les zones rurales où l’énergie éolienne et les terres sont insuffisantes, les systèmes photovoltaïques sur les toits constituent une bonne option.

Stimuler la production d’énergie propre peut être une situation gagnant-gagnant
Les zones rurales sont essentielles pour produire davantage d’énergie renouvelable, car elles abritent près de 80 % des terres propices et disponibles. De plus, certaines de ces zones sont confrontées à un déclin démographique et économique et font déjà l’objet de mesures visant à les rendre plus fortes, résilientes et prospères, conformément à la vision à long terme de l’UE pour les zones rurales . Dans ce contexte, veiller à ce que ces zones bénéficient économiquement de l’accueil de davantage de projets d’énergie renouvelable les rend encore plus attractives. Cela répond également à des considérations politiques, l’indépendance énergétique étant un élément clé de l’objectif d’autonomie stratégique de l’UE.
Répondre aux préoccupations locales et favoriser l’acceptation
Si le potentiel des énergies renouvelables est incontestable, leurs sites de production peuvent se heurter à la résistance des communautés, inquiètes des conséquences sur l’économie locale et la qualité de vie. L’utilisation de terres pour la production d’énergie, avec peu d’emplois locaux et apparemment au profit de grandes entreprises, peut également susciter des résistances. Parmi les autres préoccupations figurent la concurrence pour l’utilisation des terres dans les zones où les revenus sont liés à d’autres industries (comme l’agriculture ou le tourisme), et l’impact environnemental potentiel des panneaux solaires et des centrales éoliennes ou hydroélectriques sur les paysages rustiques. Compte tenu de ces préoccupations, nous avons identifié des parcelles de terres propices à l’installation de centrales d’énergie renouvelable, représentant environ 3,4 % de la superficie de l’UE. Nous avons exclu les sites naturels protégés et les zones de biodiversité, les forêts et les plans d’eau. Nous avons appliqué des limites strictes à l’utilisation des terres agricoles pour la production d’énergie, en ne considérant que les terres abandonnées ou à très faible productivité. Enfin, nous avons créé des zones tampons autour des infrastructures et des habitations afin de minimiser les perturbations et de préserver la beauté naturelle et le patrimoine culturel.
Impliquer les communautés locales pour trouver des solutions
Dans notre rapport, plusieurs études de cas illustrent la mise en œuvre réussie de projets d’énergie renouvelable en zones rurales, grâce à l’engagement communautaire, à la collaboration et à des modèles de financement innovants. De la première éolienne communautaire en Catalogne (Espagne) dans le sud de l’Europe, à une entreprise énergétique commerciale reversant une partie de ses bénéfices à une cause locale choisie avec une communauté énergétique du nord des Pays-Bas, ces cas soulignent le potentiel de tels projets à contribuer à la sécurité énergétique, à générer des avantages économiques et sociaux et à promouvoir la durabilité environnementale.
Ces études de cas montrent que l’implication active des communautés locales dès les premières phases des projets d’énergie renouvelable peut favoriser leur acceptation. Les citoyens activement impliqués, voire co-propriétaires de projets de petite ou moyenne envergure, deviennent plus solidaires. Au-delà de la préservation des bénéfices locaux, les communautés engagées peuvent atténuer les effets négatifs de la production, par exemple en choisissant l’emplacement des nouvelles centrales.
Notre rapport offre également un aperçu du rôle des communautés d’énergie renouvelable pour assurer une transition énergétique durable qui ne laisse pas les zones rurales de côté. Le nombre de communautés d’énergie renouvelable dans l’UE est en augmentation et, bien que leur décompte exact ne soit pas disponible, on estime qu’il y en avait plus de 4 000, avec quelque 900 000 membres, en 2023. Ces communautés sont principalement concentrées dans le nord-ouest de l’Europe et une forte proportion sont rurales. Au-delà des communautés énergétiques, les approches territorialisées, où les populations et les administrations locales sont impliquées dès les premières étapes et perçoivent des avantages concrets, peuvent apporter une contribution importante à notre transition durable.
Rédacteur Fetty Adler
Collaborateur Jo Ann
Auteur
Lewis Dijkstra Chef d’équipe Analyse urbaine et territoriale, Centre commun de recherche (CCR).
Cet article est republié à partir du site The Conversation, sous licence Creative Commons
Source : Renewable energy: rural areas can be the EU’s green powerhouse
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