Jean-Sébastien Bach et Charles Darwin étaient deux des esprits les plus créatifs de leur époque. Bien qu’ils aient vécu à des siècles différents et travaillé dans des domaines différents, ils ont tous deux laissé un héritage durable à l’humanité. De quelles sources d’inspiration sont venues leurs créations ? En quoi leurs motivations différaient-elles et comment cela influençait-il le degré de satisfaction dans leur vie ?
Les sources d’inspiration de Bach et de Darwin
Jean-Sébastien Bach faisait partie d’une grande famille de musiciens. Né dans la ville allemande d’Eisenach en 1685, il commence sa carrière musicale en tant qu’organiste dans la ville de Schweinfurt, avant de devenir directeur des musiciens de la ville d’Erfurt.
Bien que tous les Bach aient eu des personnalités différentes, ils avaient tous une chose en commun : un caractère moral uniformément élevé et un cœur sincèrement pieux.
Jean-Sébastien Bach était un exemple parfait de cette qualité. Selon ses propres termes, « le but et la finalité de toute musique ne devraient être que la gloire de Dieu et le rafraîchissement de l’âme ». Il terminait tous ses manuscrits par la phrase latine Soli Deo Gloria, qui peut se traduire par « à la seule gloire de Dieu ».
La source d’inspiration de Jean-Sébastien Bach était de nature spirituelle. Son talent, minutieusement affiné au fil des décennies, avait un objectif clair : exprimer sa gratitude envers Dieu et honorer son nom.
Les efforts de Charles Darwin furent stimulés par un autre type de motivation : le désir de plaire à son père. Né dans une riche famille anglaise le 12 février 1809, Charles Darwin perdit sa mère alors qu’il n’avait que huit ans. Son père, un médecin réputé, était assez strict et attendait de lui qu’il suive ses traces en tant que médecin. Charles Darwin, cependant, ne s’intéressa guère à ce domaine et se consacra aux sciences naturelles.
Selon une étude menée par le Dr Gail Saltz, professeur agrégé de psychiatrie à l’hôpital presbytérien de New York et à l’école de médecine Weill-Cornell, et David Kohn, fondateur et directeur du projet des manuscrits de Darwin au Musée américain d’histoire naturelle, Charles Darwin a nourri un fort désir de plaire à son père pendant la majeure partie de sa vie. Cette pression qu’il s’infligeait lui-même s’accompagnait d’une anxiété constante qui le conduisit à une dépression nerveuse à la mort de son père.
On pense que son état émotionnel se répercutait sur sa santé physique. Avant son voyage de cinq ans sur le HMS Beagle à travers l’océan Atlantique, Charles Darwin, alors âgé de 22 ans, souffrait déjà de crises d’angoisse, de maux de tête et d’irritations cutanées semblables à de l’eczéma.
Deux différentes attitudes face aux difficultés
Lorsque la mère de Charles Darwin décéda, ses sœurs aînées devinrent ses figures maternelles. Selon l’étude de Saltz et Kohn, les sœurs de Darwin étaient très critiques à son égard. Les chercheurs ont noté que son aversion pour la critique, en plus des crises d’angoisse, pourrait avoir été la raison pour laquelle Darwin a retardé la publication de son œuvre la plus importante pendant près de 21 ans.
Darwin épousa sa cousine, Emma Wedgwood, qui était une fervente chrétienne unitarienne (une branche du protestantisme). Ils eurent dix enfants, dont sept survécurent jusqu’à l’âge adulte.
Pendant une grande partie de sa vie, Charles Darwin souffrit d’une combinaison inhabituelle de symptômes maladifs tels que malaises, vertiges, étourdissements, spasmes et tremblements musculaires, vomissements, crampes, pleurs, anxiété, sensation de mort imminente et perte de conscience, évanouissements, insomnies et dépression. Cette dernière s’avéra particulièrement grave, à la cinquantaine, quand il arriva à une impasse dans ses recherches.
« À mon âge, je n’ai ni le cœur ni la force d’entreprendre une recherche qui dure des années, ce qui est pourtant la seule chose que j’aime ». Dans la même lettre à son ami, il écrivit : « Je n’ai pas de petits travaux à faire - je vais donc attendre avec impatience le cimetière d’en bas, qui est l’endroit le plus doux sur cette terre », expliqua-t-il dans une lettre à un ami proche.
Jean-Sébastien Bach subit également de nombreuses pertes tout au long de sa vie. Sa mère mourut en 1696, alors qu’il n’avait que 10 ans, et son père décéda huit mois plus tard. Le jeune Bach alla vivre avec son frère aîné Johann Christoph Bach, qui lui apprit à jouer du clavicorde et lui fit découvrir les œuvres des grands compositeurs de l’époque.
À l’âge adulte, Jean-Sébastien Bach épousa sa cousine, Maria Barbara Bach. Ils eurent sept enfants, mais seuls quatre atteindront l’âge adulte. Maria Barbara mourut subitement après treize ans de mariage, alors que Jean-Sébastien Bach était absent, et elle fut enterrée avant qu’il n’eût pu lui dire adieu. Dix-sept mois plus tard, Jean-Sébastien Bach épouse Anna Magdalena Wilcke, une soprano prolifique. Bien qu’elle eût donné naissance à treize enfants, seuls six survécurent. Elle les éleva avec dévouement en même temps que ses beaux-enfants.
Bien que Jean-Sébastien Bach ait subi de telles épreuves, il n’existe aucune trace de tragédies personnelles ayant affecté son œuvre. Au contraire, on pense que ces expériences amères furent à l’origine des mélodies profondément émouvantes qu’il composa.
À l’âge mûr, Bach consacra sa vie à transmettre ses connaissances aux autres. En tant que professeur, il était instructif et clair, et dans ses projets artistiques, il avait souvent un groupe d’élèves qui suivaient ses pas, espérant apprendre du grand compositeur autodidacte.
Les points de vue spirituels
Jean-Sébastien Bach croyait que les talents sont accordés aux humains par le Divin. Luthérien pratiquant, il consacra environ trois quarts de son œuvre musicale à l’église. Dans ses compositions, réalisées grâce à un consciencieux savoir-faire, Jean-Sébastien Bach cherchait à capturer la beauté de sa foi.
La piété, la personnalité et l’art de Bach - profondément enracinés dans l’ancienne église luthérienne - se distinguaient même à son époque. Sa mission était de maintenir les traditions et de sauvegarder l’héritage dont ses contemporains tentaient de s’affranchir. C’est peut-être pour cette raison que la musique du compositeur, profondément admirée et acclamée aujourd’hui, fut rejetée à son époque.
Jean-Sébastien Bach mourut le 28 juillet 1750 des suites de complications liées à une opération de l’œil qui avait échoué. Sur son lit de mort, il dit à sa femme : « Ne pleure pas pour moi, car je vais là où naît la musique ».
Charles Darwin, quant à lui, avait de fortes convictions spirituelles lorsqu’il était jeune et se destinait à l’origine à devenir ecclésiastique. Il fréquente l’université de Cambridge pour obtenir un diplôme en philosophie et en lettres, mais se découvre rapidement une passion pour l’histoire naturelle. Il s’oriente alors vers la théologie naturelle, c’est-à-dire l’étude du dessein divin de la nature et de l’action de Dieu à travers les lois de la nature.
Au fur et à mesure qu’il avançait dans ses études scientifiques, Darwin doutait de plus en plus de l’origine divine de l’homme. À la fin de sa vie, Darwin se décrit comme un agnostique. Dans une lettre adressée à Frederick McDermott, il confie : « Je suis désolé de devoir vous informer que je ne crois pas à la Bible en tant que révélation divine, et donc pas non plus en Jésus-Christ en tant que Fils de Dieu ».
Sur son lit de mort, il confia à Emma qu’il n’avait pas la moindre peur de la mort, même s’il ne croyait pas à l’existence d’une vie après la mort ni à l’idée du salut. Il meurt à Down House le 19 avril 1882, laissant derrière lui une théorie évolutionniste qui coupe les liens entre l’humanité et le Divin - la source même d’inspiration de Bach.
Le degré de satisfaction dans leur vie
Charles Darwin épousa sa cousine, Emma Wedgwood, qui était une fervente chrétienne unitarienne (une branche du protestantisme). Après leur mariage, ils eurent des discussions sur le christianisme pendant plusieurs années, au cours desquelles Emma s’inquiéta de plus en plus de voir l’incrédulité naissante de Darwin créer des tensions entre eux. Malgré les changements de foi de Darwin, Emma resta fidèle à la sienne.
Bien qu’il se fut marié et eut fondé une famille de son plein gré, Darwin regrettait de ne pas pouvoir se consacrer entièrement à son travail. Dans une lettre adressée à un ami sur le point de se marier, il dit : « J’espère que votre mariage ne vous rendra pas oisif : le bonheur, je le crains, n’est pas bon pour le travail ».
Dans une autre lettre à son ami Asa Gray, il écrivit : « Ma femme m’emmène vendredi à Londres pour un mois, comme un misérable prisonnier et je déteste arrêter le travail ».
Par rapport à Charles Darwin, on sait peu de choses de la vie familiale de Bach, si ce n’est qu’il vécut heureux lors de son premier mariage et que l’intérêt qu’il partageait avec sa seconde épouse, Anna Magdalena, pour la musique, apportait de la joie à leur foyer. Tous deux se sont efforcés de cultiver les talents musicaux de leurs enfants, dont sont nés des musiciens et des compositeurs célèbres qui firent honneur à leur nom de famille.
Parmi les différences entre Darwin et Batch, il convient de noter leur vision de la vie et leur état d’esprit au cours de leurs dernières années. La théorie de l’évolution de Darwin considérait la vie comme une coïncidence, un fruit du hasard. La foi de Bach faisait de la vie humaine une création spéciale de Dieu, un miracle inestimable. Naturellement, leur façon d’aborder la perte et la mort elle-même différait grandement.
La motivation et l’inspiration sont des composantes inhérentes à toute entreprise humaine, qu’elle soit artistique ou scientifique. Indépendamment de l’appartenance spirituelle, il est difficile de nier que le fait d’avoir un but supérieur en soi non seulement donne du sens à la vie, mais apporte également un sentiment d’accomplissement que l’on peut difficilement trouver dans les activités terrestres.
Rédacteur Albert Thyme
Source : Bach, Darwin, and the Question of Creation
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