Comme il est agréable de consommer une boisson rafraîchissante, déguster une glace et faire ses courses hebdomadaires et non quotidiennes. Tout cela grâce à la fée électricité et aux systèmes réfrigérants. Mais comment faisaient nos ancêtres ? Depuis des siècles, voire des millénaires, les hommes savent conserver les aliments en utilisant diverses méthodes, notamment celle de la glacière.
Prendre une boisson rafraîchissante en été n’est pas une nouveauté due à l’apparition du congélateur. Alors comment faisaient-ils ? Ils utilisaient la nature et cela dans plusieurs cultures. Les processus sont similaires et s’adaptent à l’environnement, mais l’usage du froid varie selon les habitudes locales et les périodes de l’histoire.
La glacière en Chine
Il y a très peu d’écrits sur les glacières à proprement parler en Chine. Rémi Anicotte en parle dans Arts & Sciences, Itinéraires urbains : des textes chinois de la dynastie Zhou (1045 av. J.-C. – 256 av. J.-C.) mentionnent l’utilisation de glace pour conserver les viandes sacrificielles, refroidir les alcools de riz et les jus de fruits, ainsi que pour préserver les corps dans les morgues. À l’époque de la dynastie Yuan (1271-1368), Marco Polo aurait observé la confection de lait gelé en Chine et rapporté cette idée en Italie, bien que cela reste difficile à prouver. Contrairement à nos glaçons modernes, la glace naturelle restait à l’extérieur des récipients, car elle n’était pas potable. Sous la dynastie Tang (618-907), la glace était commercialisée par des marchands, une pratique qui perdurait encore en 1712, comme l’atteste une lettre du père jésuite Claude Jacquemin.
Le yakhtchal
De la glace en plein désert ? Oui, et cela depuis plus de 2 400 ans. Comment ? Avant de poser cette question, l’analyse du terrain s’impose. Dans le désert, la journée, la température peut atteindre 40 °C à 50 °C. En revanche, la nuit, en hiver, les températures sont négatives. Cela permet de congeler l’eau. Mais dans le désert, l’eau se fait rare. Voici l’ingéniosité des habitants vivant au Vᵉ siècle av. J.-C. à Yazd, une ville située dans l’Iran actuel.
La ville se situe à environ 1 200 mètres d’altitude. Elle est à proximité de hautes montagnes. Ses habitants ont construit des qanats, canaux souterrains qui transportent l’eau des montagnes jusqu’en plaine, irriguant les cultures. L’eau était aussi stockée dans des bassins peu profonds se situant au nord de la glacière. Tôt le matin, des ouvriers cassaient la glace et la transportaient dans la glacière. Quand cela ne suffisait pas, les hommes descendaient la glace directement de la montagne.
La glacière était très grande, pouvant contenir quelques milliers de mètres cubes de glace. Elle permettait à la population de conserver les aliments et d’avoir des boissons rafraîchissantes. Les hommes creusaient une cavité d’environ 10 mètres de profondeur, ce qui permettait de conserver une température ambiante de 13 °C. Elle était recouverte d’un dôme en adobe composé de sable, d’argile, de blanc d’œuf, de chaux, de poils de chèvre et de cendres, un mélange résistant à la chaleur. Le dôme mesurait 1 mètre d’épaisseur et une hauteur d’environ 15 mètres. Le tout bénéficiait d’une isolation faite de chaume à base de roseaux locaux.
Bien que les yakhtchals existent toujours, les réfrigérateurs les ont supplantés. De même, les qanats ont disparu au profit des pompes électriques et des forages qui font baisser le niveau des nappes phréatiques. Frédéric Morin, architecte-conférencier, constate : « Ceci éclaire un rôle probablement mal perçu des qanats et des yakhtchals : celui de régulariser le niveau des nappes phréatiques, voire de reconstituer celles-ci par la fonte de la glace considérée sous la forme d’eau solide, dont l’emploi est reporté dans le temps. »
Les glacières européennes
La glacière était utilisée dans toute l’Europe. D’après Universalis.fr, la glacière était une « simple excavation naturelle, utilisée vraisemblablement dès la préhistoire, la glacière devient pendant l’Antiquité un bâtiment architecturé de forme variable, au gré des particularités régionales. » Si les formes diffèrent, le principe est toujours le même. Un grand trou avec un écoulement dans le fond pour permettre à l’eau de s’évacuer. Des parois isolées par de la maçonnerie ou du bois et recouvertes par un toit en pierre lui-même recouvert de terre. La glace récoltée y est stockée dans la paille et utilisée durant l’été. La structure évolue suivant les lieux et les époques.
La majorité des châteaux en possédaient une et il était courant de trouver des glacières dans les jardins. Elles étaient placées au Nord, leur porte donnant aussi au Nord. En 1659, le roi Louis XIV instaure le « Privilège de la glace-neige » par une lettre patente, autorisant la construction de glacières à travers le royaume pour la vente de glace. Les glacières privées ou publiques mises en fermage se sont développées. Les particuliers pouvaient en posséder pour un usage personnel, mais pour éviter toute fraude, la vente était interdite aux professionnels tels que limonadiers et aubergistes, sous peine d’amendes et de démolition. Cette taxe a permis de renflouer un peu les caisses de la royauté.
Raymond Montjardin explique dans son livre Les glacières de l’Hérault que « le commerce de la glace-neige a une très longue histoire. Il a débuté dès la préhistoire. Le commerce de la glace-neige a été international à un point qu’il est difficile de le comprendre aujourd’hui depuis l’introduction des réfrigérateurs. » Au XIXe siècle en France, il arrivait, lorsque les hivers étaient trop doux, que la glace soit importée de l’étranger, notamment de Norvège.
Le commerce de la glace se pratiquait encore jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Les glacières étaient devenues industrielles. Le procédé de congélation venait d’apparaître, permettant de produire de très grandes quantités de glace. Si les glacières de château avaient déjà un grand contenant, comme celle du château de Chantilly qui pouvait contenir six cents tonnes, les glacières de Paris du XIXe siècle en contenaient jusqu’à dix mille tonnes.
La glace n’était pas consommée, car non potable. Elle servait à conserver les aliments et à rafraîchir les boissons. Au XVIIe siècle, les glaces deviennent populaires, notamment grâce à Francesco Procopio dei Coltelli, qui introduit la glace et le sorbet en 1660, dans son café en face de la Comédie-Française. Voici son secret : mélanger des glaçons avec de l’eau et saupoudrer de gros sel, la température baisse à 15 °C. La crème, placée dans un bol au milieu des glaçons, est battue énergiquement pour l’alléger et la refroidir. C’est aussi utile pour refroidir rapidement un vin dans un seau à champagne.
Collaboration Evelyne Boileve
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