Les insectes constituent le plus grand groupe d’animaux au monde. On pense qu’il y en a 10 quintillions sur Terre. Ces dernières années, les scientifiques ont révélé des preuves surprenantes du déclin des populations d’insectes, mettant l’écosystème en danger. De nombreux rapports antérieurs sur la diminution des insectes dans le monde suggèrent que nous avons peut-être gravement sous-estimé leur vulnérabilité.
En novembre 2019, l’ Entomological Society of America - ESA , (Société entomologique d’Amérique), a organisé une conférence à Saint-Louis, dans le Missouri, pour discuter de la situation mondiale des insectes. Selon les rapports soumis à la National Academy of Sciences – NAS (Académie nationale des sciences), les risques notables pour les insectes comprennent la perte d’habitat, le déplacement des espèces importées, la pollution chimique (par exemple, les pesticides), la surexploitation et même la pollution lumineuse.
De multiples études ont montré qu’en plus de la perte d’espèces rares, il y a eu une diminution significative d’une abondance d’insectes qui étaient autrefois très répandus.
Le Speyeria idalia, par exemple, une espèce remarquable de papillons de prairie, et le bourdon à tâches rousses (Bombus affinis) sont des espèces qui prospéraient autrefois dans les prairies à hautes herbes qui sont en voie de disparition aux États-Unis. La Cicindela puritana, un prédateur très vorace se nourrissant d’autres insectes, que l’on ne trouve que le long de certains cours d’eau de l’est des États-Unis, est très sensible à la perte ou à la dégradation de son habitat. Chacun de ces insectes en danger est issu d’une lignée plus large qui contient plusieurs espèces faisant partie de la « liste rouge » de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) (c’est-à-dire des espèces globalement éteintes, en danger et menacées).
David Wagner, entomologiste à l’université du Connecticut, chargé d’organiser le symposium de l’Entomological Society of America, au cours duquel les résultats ont été présentés pour la première fois à la NAS, est allé droit au but en déclarant que « les insectes sont en train de mourir à petit feu. » Sans les insectes, l’écologie sombre dans le chaos.
Les insectes constituent une grande partie de la biomasse animale qui relie les producteurs primaires aux consommateurs dans les réseaux alimentaires d’eau douce et terrestres. Comme les insectes sont au bas de la chaîne alimentaire, s’ils sont détruits, de nombreux oiseaux, chauves-souris, araignées et autres prédateurs suivront naturellement. Les insectes servent également à aérer les sols, à polliniser les plantes et à éliminer le fumier et les cadavres. S’ils venaient à disparaître, des paysages entiers seraient remodelés.
Est-il vrai que les insectes disparaissent à un rythme alarmant ? Est-ce plus complexe qu’un effondrement mondial imminent ? M. Wagner répond « oui » à ces deux questions. On ne saurait trop insister sur la nécessité de donner la priorité à la conservation des insectes.
Lorsque le scientifique Paul Ehlrich a proposé la théorie du « Rivet Popper », il a tenté d’expliquer le rôle crucial des principales espèces dans un écosystème. Dans cette théorie, un avion est comparé à un écosystème, les rivets correspondant aux espèces responsables de l’assemblage des différents composants de l’avion/environnement. Si les passagers commencent à retirer les rivets, l’avion peut continuer à fonctionner pendant un certain temps, mais il finira par être incapable de maintenir son altitude de vol.
Ainsi, si l’exploitation et l’extinction d’espèces importantes n’endommagent pas immédiatement l’écosystème, elles finissent par provoquer son effondrement.
Le déclin de l’abeille domestique aux États-Unis a été lié aux acariens (introduits), aux infections virales, aux parasites microsporidiens, à l’empoisonnement par les néonicotinoïdes et autres pesticides, à la perte d’habitat, à l’utilisation excessive d’aliments artificiels pour préserver les ruches et à la consanguinité. Cependant, après plus de 14 ans de recherche, l’incertitude demeure quant à savoir lequel de ces facteurs, une combinaison de ceux-ci ou des éléments encore non identifiés sont les plus nuisibles à la santé des abeilles.
Une grande partie du déclin des papillons en Europe semble être liée aux pratiques agricoles modernes. Les exploitations familiales ont fusionné pour devenir de plus grandes exploitations commerciales, les équipements mécanisés ont accéléré l’industrialisation de l’agriculture, les insecticides sont devenus largement disponibles et les engrais synthétiques ont été fabriqués et appliqués en grandes quantités.
Depuis les années 1990, la technologie agricole a considérablement évolué, marginalisant encore davantage les petits exploitants et négligeant la nature. La déforestation, principalement à des fins de développement agricole, augmente à un rythme alarmant, les conséquences sur les insectes et autres arthropodes sont largement inconnues.
La bonne nouvelle est que tous les insectes ne déclinent pas au même rythme. Certains d’entre eux sont même en plein essor. À titre d’exemple, Matt Forister, entomologiste qui étudie les papillons dans l’ouest des États-Unis et co-auteur des rapports de la NAS, cite deux espèces représentant des situations très différentes.
L’Agraulis vanillae, un papillon orange vif de la famille des Nymphalidae que l’on trouve généralement dans les régions méridionales des États-Unis, au Mexique et en Amérique centrale, est florissant en Californie, grâce à la culture de sa plante hôte, la passiflore (Passiflora spp), une plante décorative populaire.
Autrefois considéré comme éteint, l’Euchloe ausonides insulanus a récemment été redécouvert sur l’île San Juan dans l’État de Washington. La perte d’habitat est tenue pour responsable de son déclin radical, et le papillon est actuellement classé comme étant en danger d’extinction.
Parallèlement, l’augmentation notable des populations d’insectes d’eau douce pourrait être due à la législation sur l’eau propre mise en œuvre en Europe et en Amérique du Nord.
Le soutien aux insectes gagne en intérêt
En 2019, l’Allemagne a promis de consacrer environ 100 millions d’euros à la conservation, à la surveillance et à la recherche sur les insectes. Le Costa Rica a approuvé que des groupes étrangers investissent 85 millions d’euros pour cataloguer et séquencer l’ADN de « chaque créature multicellulaire du pays sur une décennie », « ce qui sera particulièrement important pour les innombrables insectes tropicaux inconnus », a écrit David Wagner dans le document d’introduction du rapport.
Les scientifiques citoyens élargissent également la base d’informations. iNaturalist, une application où les utilisateurs peuvent soumettre des photos d’insectes pour identification et classification, connaît une popularité croissante.
M. Wagner et M. Forister suggèrent que les particuliers peuvent aider les insectes dans leur propre cour, leur quartier et leur communauté. Le facteur prometteur est que les insectes se reproduisent rapidement, donc si vous restaurez leur habitat, ils se rétabliront rapidement.
Peu de gens apprécient à quel point ces minuscules instruments de la nature sont incroyables avant de les voir en action. En plus d’être nécessaires à la survie de l’homme, ils sont également beaux, intelligents, fascinants, mystérieux et tout simplement inestimables.
Rédacteur Swanne Vi
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