Dans la vie de tous les jours, le temps est perçu comme une entité consommable. Soit nous « avons » du temps, soit nous « gagnons » du temps, soit nous « manquons » de temps. Lorsqu’on le mesure en considérant notre passé ou notre avenir , notre perception du temps devient un concept structurant notre vie qui nous permet, par exemple, de dater des événements passés, de prédire la fin de la journée ou l’arrivée de chaque saison.
Par expérience, nous pouvons avoir l’impression que le temps n’est pas constant. Lorsque nous faisons quelque chose que nous aimons, le temps semble passer rapidement, alors qu’il s’éternise lorsque nous préférerions faire autre chose. Certains pensent que notre perception du temps est liée à notre âge, tandis que d’autres affirment que la durée du jour a bel et bien changé, parce que la Terre tourne plus vite.
Le temps est essentiel à l’existence. Il fournit le cadre permettant à un enfant de vieillir et de mûrir. Il dicte les événements historiques, ainsi que la formation et l’érosion des éléments géologiques. Il englobe tout ce que nous avons vécu, sépare le passé du présent et nous donne le concept important d’un avenir, nous encourageant à espérer et à nous efforcer de l’améliorer.
Le temps jouant un rôle aussi fondamental dans notre vie et notre existence, il est naturel de s’interroger sur sa nature et son universalité. Nous examinerons ici différents points de vue sur le passage du temps.
L’humaine et énigmatique perception du temps
Dans son sens le plus simple, le temps est perçu à travers les changements de la nature. Le mouvement du soleil dans le ciel et les changements de la végétation en fonction des variations de température tout au long de l’année sont des preuves tangibles que le temps passe. Cette compréhension du temps a été fondamentale pour les activités humaines telles que l’agriculture.
Le temps a également été appréhendé d’un point de vue philosophique. Les Grecs de l’Antiquité, par exemple, considéraient le temps comme le support des actes salvateurs des dieux. Ils expliquaient également le concept de temps à l’aide de trois notions : chronos, kairos et aiôn. Dans l’antiquité grecque Chronos était le dieu du temps, notamment au temps du jour et de la nuit : ainsi le chronos fait référence au temps physique, c’est une notion quantitative. Quant à Kairos, il représentait chez les Grecs anciens le petit dieu ailé de l’opportunité qu’il fallait saisir : ainsi le kairos est le temps de l’opportunité, ou l’instant d’inflexion, qui fait allusion à la qualité, à la permanence et à la signification de chaque instant. Par ailleurs, il existait aussi chez les Grecs anciens la divinité Aiôn, associée au temps cette divinité représenterait la « force vie » ou « la durée illimitée de la vie » : aiôn serait le temps des cycles, celui des saisons, mais aussi de la respiration ou du sommeil.
Dans les religions orthodoxes, comme le judaïsme, le temps est une création de Dieu. Il est apparu lorsque Dieu a créé l’univers, et il dicte les changements dans sa création. En tant que Créateur, il transcende le temps, car il existe dans un domaine qui dépasse la perception de notre dimension physique et qui n’est pas limité par les lois qui régissent notre monde. Le temps est donc une composante de la création qui agence l’existence humaine.
Au début du XXe siècle, la science a établi que le temps n’est pas le même dans tout l’univers. Le physicien Albert Einstein a découvert que le temps s’écoule à des vitesses différentes dans le cosmos, en fonction des forces gravitationnelles et de la vitesse de l’objet ou de l’observateur. Avec cette découverte, l’existence de différents espaces temporels dans l’univers est passée du statut de « non-scientifique » à un sujet d’étude des plus énigmatiques.
Au-delà de la dimension humaine
L’existence de différents espaces temporels est discutée depuis l’Antiquité. Ils ont souvent été qualifiés d’autres dimensions ou de lieux éloignés où le temps est extrêmement différent de celui de la Terre.
En Occident, la religion a parlé de l’intemporalité de Dieu et de son royaume. Le Psaume 90 :40 de la Bible dit : « Car mille ans sont pour toi comme un jour qui vient de s’écouler, ou comme une veille dans la nuit ». L’éternité de Dieu, contrastant avec l’impermanence de l’homme, fait allusion à la différence temporelle des espaces au-delà du nôtre. Pour un Dieu éternel, des milliards d’années sur Terre peuvent passer comme une seconde.
En Orient, avant que la science moderne ne vienne étouffer la croyance en l’intangible, les récits de voyages dans d’autres dimensions étaient assez courants. C’est particulièrement vrai dans la Chine ancienne, un lieu où les mortels et les êtres divins auraient coexisté.
Récits sur l’existence d’autres espaces temporels
Le Livre des Han postérieurs (Hòu hànshū 後漢書) et les Lectures de l’ère Taiping (Tàipíng yù lǎn 太平御覽) relatent tous deux l’histoire de Fei Changfang, un fonctionnaire de la dynastie Han.
Le récit raconte que Fei Changfang a vu un jour un homme nommé Hu Gong sauter dans une gourde et disparaître. Hu Gong pratiquait la médecine et vendait le remède de sa gourde au marché. Fei Changfang comprit que Hu Gong maîtrisait le taoïsme et décida d’apprendre auprès de lui. Le maître taoïste vit que Fei Changfang avait un bon potentiel et le prit comme élève.
Fei Changfang dut passer plusieurs tests pour prouver son discernement spirituel. Un jour, Hu Gong l’emmena dans une dimension spéciale où il devait affronter un groupe de tigres rugissants et une bande de serpents venimeux. Fei Changfang resta impassible face à ces scènes effrayantes. Il réussit son test, atteignit l’objectif de la journée et fut renvoyé dans le royaume des humains, pour découvrir qu’une année s’était écoulée en son absence.
Un récit similaire se trouve dans le livret bouddhiste intitulé A Tour to the Paradise of Ultimate Bliss (Un tour au paradis de l’Ultime Félicité). Il décrit un moine qui s’est rendu dans le royaume céleste du Bouddha Amitābha et a passé une journée à contempler les merveilles de ce paradis. Lorsqu’il revint dans le monde des humains, six années s’étaient déjà écoulées.
Les scientifiques affirment que notre planète tourne plus vite
Lorsqu’ils décrivent leur perception personnelle du temps, les gens ont souvent l’impression qu’il n’y a pas assez de temps dans une journée. Cette impression n’est pas entièrement subjective, car les scientifiques ont récemment trouvé des preuves que la Terre tourne plus vite.
Mais la rotation de la Terre ne s’est pas toujours accélérée. Pendant des siècles, la rotation de la Terre a connu un ralentissement à long terme, entraînant des divergences entre le temps atomique international (TAI), mesuré avec précision, et le temps solaire observé, qui varie en fonction de l’irrégularité de la rotation de la Terre.
Entre 1972 et 2016, des secondes intercalaires ont été ajoutées au temps universel coordonné (UTC) pour compenser cette différence. En 2020, 27 secondes intercalaires avaient été ajoutées, chacune allongeant la durée de la journée sur Terre.
Cette tendance s’est toutefois inversée le 19 juillet 2020, lorsque la durée du jour sur Terre a été réduite de 1,4602 milliseconde par rapport à la durée habituelle du jour. Ce jour est devenu le plus court jamais enregistré, et le record a été battu plus de 20 fois au cours des années suivantes.
Notre planète tourne de plus en plus vite, et les scientifiques ne savent pas pourquoi. Bien que ce changement dans la mesure du temps soit pratiquement imperceptible pour les humains - il faudrait des décennies pour que nous remarquions empiriquement un changement dans la durée du jour - la technologie moderne, qui repose fortement sur la constance du temps avec les positions habituelles du soleil, de la lune et des étoiles, pourrait rapidement devenir obsolète.
Les scientifiques envisagent d’utiliser des secondes intercalaires négatives, une méthode jamais utilisée auparavant, pour remédier à ce décalage temporel.
Comment l’âge affecte-t-il notre perception du temps ?
De nombreuses personnes ont déclaré avoir l’impression que le temps passe plus vite avec l’âge. Il est courant que les jours paraissent plus longs dans notre jeunesse qu’ils ne le sont après la maturité.
Le professeur Adrian Bejan a fourni une explication possible dans un article publié en mars 2019. Selon lui, la dégénérescence neuronale causée par le vieillissement ralentit la vitesse à laquelle nous traitons les informations visuelles, amenant à percevoir moins d’« images par seconde ».
Tout comme un film normal ou rapide montre moins d’images par seconde qu’un film au ralenti, qui en révèle davantage, le cerveau d’une personne âgée capte moins d’informations, le temps réel, s’écoulant entre les images mentales perçues, étant plus important.
Cette théorie séduit de nombreux chercheurs, car elle fait appel à des principes simples de physique et de biologie. Cependant, elle n’est pas la seule explication.
Une autre hypothèse soutient que notre perception subjective du temps est directement liée à la durée de notre vie. Par exemple, pour un enfant de 10 ans, une année représente 10 % de sa vie entière, alors que pour une personne de 50 ans, une année ne représente que 2 %. Plus nous avons de souvenirs, moins chaque instant nous semble unique et moins nous sommes conscients du temps qui passe.
Une autre théorie encore s’appuie sur les métronomes neuronaux, des cellules cérébrales qui s’allument à des fréquences constantes, indépendamment de ce qui se passe dans leur environnement. Cette hypothèse explique que, de la même manière que le rythme cardiaque ralentit avec l’âge, le « régulateur » du cerveau ralentit également, réduisant ainsi le nombre d’expériences conscientes que nous vivons dans une unité de temps donnée.
Comment devrions-nous utiliser notre temps ?
Avec la certitude que le temps passe subjectivement et/ou objectivement plus vite, la question se pose naturellement de savoir comment l’utiliser à bon escient.
Depuis la nuit des temps, les êtres humains se sont interrogés sur le sens de la vie et ont cherché à s’épanouir. Il est indéniable que l’on ne regrette jamais d’avoir consacré du temps à des choses importantes, même si ce temps passe en un clin d’œil.
Au contraire, ceux qui mènent une vie pleine de soucis et de désirs peuvent avoir l’impression que le temps leur échappe toujours et qu’il leur est impossible de profiter pleinement de leur présent et de leur existence tout entière.
Bien que notre destin reste un perpétuel mystère pendant notre séjour sur Terre, nous ferions bien de suivre les conseils que les sages et les êtres éclairés ont transmis à l’humanité au fil des millénaires : une vie juste et morale, quelle que soit sa durée, est une vie bien employée.
Rédacteur Albert Thyme
Source : Is Time Accelerating, and How?
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.