« La voix silencieuse de l’innocence : regards croisés d’enfants… ». Quand l’innocence libre rencontre l’innocence persécutée durant l’exposition Internationale l’Art de Zhen Shan Ren.
Souvent, lors d’expositions notre regard est absorbé par certaines toiles, happé par celles-ci et nous oublions le monde qui nous entoure… Nous oublions le temps…, mais parfois, nous reculons d’un pas et nous observons autour de nous et nos yeux se posent sur certains visiteurs. Leur évolution et leurs émotions nous animent d’un souffle de curiosité. Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Qu’ont-ils éprouvé, ressenti en voyant certaines toiles ? Pourquoi nous retrouvons-nous au même endroit au même moment ?
C’est donc lors de l’exposition internationale de l’Art de Zhen Shan Ren à Toulouse, à la Maison des Associations, 3 Place Guy Hersant que mes yeux sont tombés sur ces trois silhouettes de dos : un tableau dans le tableau en quelques sortes, une mère et ses deux filles, figées toutes trois devant une toile intitulée Détermination sous la persécution, de Qing Xin. Le rose joyeux de leurs tenues et l’inscription « Love » associée à un cœur sur leur sac à dos, tranchaient tragiquement avec les toiles de la grande salle n °2, dont le thème principal révèle la persécution en Chine des pratiquants de Falun Gong et décrit la résistance pacifique de ceux-ci.
Je m’approche alors et j’écoute les paroles de l’innocence libre. La plus jeune des fillettes s’exprime en détaillant ce tableau : « C’est lourd, autour du cou… Les briques… Cela lui fait pencher la tête… Ça doit faire très mal… Pourquoi ses pieds sont attachés ? » La maman essaie avec des mots simples d’expliquer à l’enfant l’indicible cruauté de certains humains… « inhumains ». Et alors nos regards se croisent… et nous échangeons. Cette maman se trouvait dans le parc qui jouxte la Maison des Associations, tombant « par hasard » sur l’affiche présentant l’exposition. Elle a étudié les Arts appliqués : « Pas de hasard alors », me dis-je intérieurement.
Elle m’explique qu’elle met un point d’honneur, dans l’éducation de ses filles en tant que parent, à ne pas leur cacher ou minimiser certains faits historiques de société : notamment parce que très tôt ses filles lui ont demandé pourquoi elles n’étaient pas de la même couleur de peau que leur mère. Cette maman a particulièrement été sensibilisée aux Droits humains, aux notions d’esclavagisme, de tortures humaines.
Elle souligne le fait qu’il est crucial de transmettre aux générations futures la vérité sur le monde, que pour son mari, enseignant et d’origine antillaise, la mort fait partie intégrante de la vie dans sa culture et qu’il ne faut pas la cacher aux enfants, que c’est naturel et que les enfants doivent apprendre à la comprendre pour mieux l’appréhender. Ces deux petites filles ont d’ailleurs déjà visité en Guadeloupe avec leurs parents le musée sur l’esclavage. Le devoir de mémoire est très prégnant au sein de cette famille : « Ne pas oublier…Dire la vérité. ». Nous avons donc continué ensemble à cheminer dans la salle n°2, les fillettes s’arrêtant sur des détails précis et spécifiques de certaines toiles.
La plus jeune des deux filles s’arrête devant un visage heureux entouré de fleurs. Il s’agit du papa de Fadu, une jeune chinoise dont le père Chen Chengyong est décédé sous la torture parce qu’il pratiquait le Falung Gong : un qigong ancestral traditionnel et son principe universel « Vérité Bienveillance Patience », « Zhen Shan Ren » en chinois, d’où le nom de l’exposition. Comment est-il possible que ces trois simples mots, à l’heure actuelle en Chine suffisent encore à vous mettre en prison ? Comment le fait de vouloir s’améliorer chaque jour et de vouloir être une bonne personne puisse justifier qu’un gouvernement vous torture ?
La fillette ne comprend pas. Pointant du doigt le papa de Fadu, elle demande : « Il est mort ? Son papa est mort ? Et sa maman ? » L’étiquette informative explique que Zizheng Dai et son enfant Fadu vivent désormais en Australie, que pendant plus de deux ans elles ont toutes deux parcouru le monde dans plus de 40 pays pour demander de l’aide, afin de stopper cette persécution tragiquement silencieuse, invisible. La mère de l’enfant a créé le site Petals of peace (Pétales de la Paix), pour partager son histoire, les histoires d’espoir de tous les pratiquants de Falun Gong en Chine. Les fleurs de lotus sont leur voix sur ce site, où nous découvrons l’origami de la fleur de lotus et sa symbolique.
La fleur de lotus est une fleur qui pousse dans la boue, un environnement sale et sombre, et puis, elle traverse l’eau, les épreuves, pour enfin émerger et s’épanouir en surface, magnifique. C’est un peu comme nous les humains nous pouvons naître dans un environnement compliqué et difficile, endurer les épreuves et finalement nous en sortir. La fleur de lotus, vous l’aurez aisément compris, symbolise l’espoir. Il y a toujours de l’espoir pour chacun d’entre nous, enfoui tout au fond de nous. Il faut aller le chercher, le mettre en lumière, tout comme le font les pratiquants de Falun Gong à travers cette émouvante exposition.
Céline Mazurek, la maman, pense se rendre sur ce site pour en apprendre plus encore et le partager avec les amis de ses filles, leurs parents et aussi leurs enseignantes. La bénévole de l’Association Le lotus du cœur, elle-même pratiquante de Falun Gong sur Toulouse leur propose alors de participer le samedi suivant à un atelier d’origami en famille. Le lotus du cœur propose également des cours gratuits et bénévoles, sans inscription tous les samedis matin à 9h au jardin Compans-Caffarelli pour ceux qui souhaitent découvrir cette méditation pacifique le Falun Dafa ou encore appelé Falun Gong.
Nous continuons nos pérégrinations au cœur des toiles. La fille cadette est interpellée par un bébé allongé près du corps de sa mère. « Est-ce qu’il est mort aussi ? Ou il dort à côté d’elle ? » demande -t-elle. Ce tableau illustre l’histoire vraie de Lixuan Wang et de son petit garçon, tous deux torturés à mort, même l’enfant n’a pas échappé aux traitements inhumains. Aucune pitié. La fillette est triste et désolée pour eux, pour ces martyrs, suppliciés silencieux, étendus là sur un sol couvert de lotus dorés. L’autopsie à l’époque avait révélé que l’enfant avait eu le crâne écrasé et qu’il avait été suspendu par les pieds, choquant ainsi la communauté internationale…
Puis, les deux sœurs s’arrêtent devant un autre tableau. Le regard silencieux de cette petite fille les appelle. Le cri de ses larmes résonne dans les cœurs. Cette enfant se retrouve seule à la porte de chez elle en rentrant de l’école, ses parents ont disparu, emmenés par le bureau 610, ni plus ni moins une sorte de Gestapo chinoise uniquement dédiée aux arrestations des pratiquants de Falun Gong. L’enfant le comprend en découvrant les banderoles blanches collées sur la porte, condamnant ainsi l’entrée de la maison. Elle devient alors une petite victime silencieuse de plus…seule et à la rue.
Déambulant, les deux filles balaient du regard les tableaux. Elles sont attirées inéluctablement par Le chagrin d’une orpheline de Xiqiang Dong (2006). « Qu’est-ce qu’il y a dans la boîte ? » demande alors la cadette. Il s’agit en fait des cendres des parents de l’enfant…Leur maman évoque alors des interventions d’une association « L’enfant bleu » dans l’école de ses filles sur le harcèlement scolaire. Le lien est tout de suite établi avec l’ostracisme que subissent les enfants de pratiquants de Falun Gong à l’école en Chine. Mais cette fois l’ostracisme est encore plus pervers, car il provient de l’Institution elle-même, celle qui dans tous les pays du monde est censée protéger les enfants, les innocents, censée assurer leur sécurité à l’école. De plus, s’ajoute l’ostracisme familial et social encouragés et récompensés par l’État chinois. Des animations illustrent parfaitement cet ostracisme. Dans ce domaine il y a Rag Doll , un stop Motion, ou Up to soar, Envol très haut, un dessin animé, ponctué par de vrais témoignages des protagonistes de l’histoire : une mère enseignante et sa fille.
Les fillettes, visiteuses insouciantes sont appelées par l’innocence volée de chaque enfant dans chacun des tableaux, comme si une connexion invisible de douleurs, un lien invisible les reliait, jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent sur ce tableau lourd de cruauté, exposant des humains « déshumanisés ». Ce tableau est intitulé : Prélèvements criminels d’organes de Xiqiang Dong (2007). Cet homme est réduit à l’état d’une « vulgaire voiture » sur laquelle un chirurgien chinois pille des pièces détachées : cet humain est considéré comme un objet, un produit commercial rentable et lucratif.
C’est une histoire vraie racontée par la femme du chirurgien à droite, dans le tableau, qui doute, qui hésite face ici, aux cris de douleurs du pratiquant de Falun Gong. Qui ne sait plus, et dont la conscience peut-être commence à vaciller, à le « torturer » lui aussi mais psychiquement. Des enquêtes ont prouvé que des milliers de pratiquants ont subi le même sort que ce supplicié à vif. Notamment, l’organisation mondiale de médecins, appelée DAFOH (Doctors Against Forced Organ Harvesting).
Cette organisation a mené des enquêtes et trouvé des preuves établissant clairement et objectivement des prélèvements forcés d’organes illégaux et non éthiques organisés en Chine par le régime en place. Il y a également le rapport de David Kilgour et David Matas dans leur livre Bloody Harvest , ainsi que l’enquête menée durant sept ans par Ethan Gutmann The Slaughter : Mass Killings, Organ Harvesting, and China’s Secret Solution to Its Dissident Problem arrivent aux conclusions identiques.
La fille cadette est interloquée : « On lui arrache le cœur ! Ça doit faire très mal ! » Oui, ce supplicié est encore en vie au moment du prélèvement, nous pouvons constater les crispations de ses poings et son visage déformé par la douleur atroce avant de mourir…Quel être pervers peut infliger de si cruelles souffrances à un être humain ?
Les deux sœurs ont le pas assuré et déterminé afin de connaître la vérité. L’aïnée reste calme et pensive devant le tableau intitulé Torture collective de Zhiping Wang. Une jeune femme est écrasée sous une planche de bois sur laquelle se tiennent debout des hommes : des gardiens de prison et des détenus chinois associés à cette torture, pesant de tout leur poids sur le corps meurtrie et frêle de cette jeune femme. Elle ne peut alors plus respirer, cela mène très souvent à des paralysies. Toutes les tortures doivent aboutir au même résultat : forcer les pratiquants à écrire les prétendues « Trois lettres de déclarations » est-il mentionné au sujet du tableau, à savoir : « la déclaration de garantie de ne plus pratiquer le Falun Gong, la déclaration de renoncement au Falun Gong, et la déclaration d’attaquer et de dénoncer le Falun Gong ».
À la droite du précédent tableau se trouve la torture de la cage, un supplice infligé aux pratiquants qui ne veulent pas renoncer. Le pratiquant est forcé de s’accroupir dans une cage nuit et jour sur les talons sans pouvoir bouger, ni parler. Gardiens et codétenus le surveillent constamment.
Céline Mazurek, demande alors à sa fille aînée : « Que dirais-tu si un jour on t’interdisait comme cela d’un seul coup, de ne plus pratiquer l’athlétisme ? Si on nous arrêtait ton père et moi comme ça ? ». Sa fille est interloquée et répond : « Ce ne serait pas juste ! On ne fait rien de mal ! » Voilà, les pratiquants de Falun Gong non plus ne font rien de mal, ils font juste des exercices pour le corps et s’efforcent d’être de bonnes personnes, d’améliorer au quotidien leur moralité. Justine enchaîne sur la conversation … « Moi, je ne suis pas en prison, je suis libre. Ils sont nés pour vivre ! C’est injuste. C’est mal ! La liberté, c’est beau pour apprendre. On reviendra avec papa, pour lui montrer, lui expliquer. » Céline Mazurek, acquiesce : « C’est sûr, on reviendra avec papa et nous allons en parler autour de nous, aux maîtresses. »
Les deux fillettes seront à leur tour la voix de Fadu et des autres enfants de pratiquants persécutés. C’est sûr, la fille aînée porte quatre lettres cruciales sur son tee-shirt : « LOVE ».
C’est mercredi, les deux sœurs ne sont pas les seuls enfants à venir à l’exposition de l’Art de Zhen Shan Ren. J’observe ici cette petite fille qui donne la main tendrement à sa mère. Et en regardant à nouveau les visiteurs et puis, les tableaux, je me rends compte que la famille, c’est précieux. La vie est précieuse. Chaque être est si précieux. Les tableaux rendent aussi compte de l’importance intergénérationnelle, fraternelle, maternelle. Et je me souviens alors de la première phrase lue dans le Zhuan Falun, écrit par Li Hongzhi qui m’a émue aux larmes : « L’homme est ce qu’il y a de plus précieux, l’homme est l’âme de toute chose. » Et partout dans les tableaux, je vois des enfants, je vois le futur. Plus que jamais cette citation de Li Hongzhi illustre parfaitement cette exposition intense en émotions : « L’homme est ce qu’il y a de plus précieux… ».
Bien d’autres tableaux encore composent cette belle exposition, il y en a environ 70, répartis en trois grandes salles avec des thématiques différentes :
La Salle 1 : L’arrivée de Bouddha et la joie de la cultivation,
La Salle 2 : La persécution en Chine et la résistance pacifique,
La Salle 3 : La rétribution karmique et la grâce infinie du Roi Bouddha.
Après avoir achevé ce voyage au cœur de l’exposition International l’Art de Zhen Shan Ren, je remercie une des bénévoles de l’association le Lotus du cœur, organisatrice de l’événement, et je lis quelques lignes laissées sur le livre d’or. Je vous les partage :
« La violence attise la violence et le désordre.
Le respect crée la Paix et la stabilité.
Cette exposition est une prise de conscience.
Merci » Thierry P
« Découvrir l’horreur, un massacre inconnu du grand public.
Merci de faire connaître.
Je n’ai pas de mots pour dire. » G. Mayoj
« Chacun récolte ce qu’il sème.
Semez la souffrance, elle donnera de la souffrance que vous récolterez et expérimenterez.
Semez de la bienveillance et vous récolterez de la bienveillance.
Merci pour ces informations. » M. Pierre
« Très belle exposition. Gratitude. »
« Au départ, j’ai été très touchée par la beauté des œuvres exposées et j’ai été guidée par une charmante dame qui m’a raconté l’histoire du Falun Gong et les terribles horreurs qui ont été faites aux pratiquants, j’ai eu le cœur très pris de peine, mais sans haine contre ses persécutions et j’ai prié pour les âmes des victimes, là où elles sont, elles sont restées fidèles à une bonne conscience et c’est le perdant qui gagne là, oui !
Que leurs âmes soient en paix. » N. Pelletier. 20/09/2022
Il est l’heure de partir, et c’est le cœur remué qu’à la sortie de cette magnifique et profonde exposition l’Art Zhen Shan Ren, que nous ne pouvons que souhaiter que les fleurs de lotus fleurissent partout dans le monde, dans les cœurs et répandent le doux parfum de l’espoir de jours meilleurs.
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