Du IIIe siècle av. J.-C. au XVIIe siècle, plusieurs murailles ont été édifiées pour défendre le territoire chinois. Ces différentes fortifications militaires forment ce que nous connaissons tous comme la Grande Muraille de Chine. Ce fabuleux monument, remarquable à bien des égards, garde en lui les souvenirs de la magnifique civilisation chinoise.
Un chantier tout à fait extraordinaire
La Grande Muraille de Chine est la fortification la plus longue et la plus coûteuse que l’être humain n’ait jamais construite. Elle a été édifiée pour défendre les frontières de l’empire du milieu, sur près de 21 000 kilomètres. Depuis les plaines enneigées du désert de Gobi jusqu’à la mer jaune, elle a fait face aux ennemis de la Chine pendant plus de 2 000 ans.
À l’époque, avant la construction de la muraille, des guerres incessantes opposent les royaumes chinois qui se partagent la région. Après d’âpres combats, un homme va finalement s’imposer : deux siècles avant notre ère, l’empereur Qin Shi Huang devient le premier empereur de Chine. Néanmoins, le souverain a bien conscience qu’il doit maintenant défendre ce territoire qu’il vient de conquérir, car le danger n’est pas loin : de redoutables cavaliers du nord, les Xiongnu, menacent sans cesse le territoire chinois.
Pour mettre un terme aux incursions de ces redoutables guerriers, Qin Shi Huang fait construire de nouvelles défenses. La décision du monarque aura d’énormes répercussions. En effet, il ne le sait peut-être pas encore, mais il vient de lancer la construction de l’un des ouvrages les plus colossaux que l’humanité n’ait jamais entrepris, un ouvrage qu’il faudra des siècles pour terminer.
Les Xiongnu, premiers adversaires de la Grande Muraille de Chine
Les Xiongnu furent les premiers adversaires de la Grande Muraille de Chine. Ces archers à cheval pratiquaient une guerre de harcèlement et terrorisaient les populations, au point que l’empire chinois s’est véritablement senti menacé. C’est d’abord pour répondre à cette inquiétante menace militaire que la construction du gigantesque monument fut décidée.
Dans les premières constructions de la Grande Muraille de Chine, des couches de roseaux étaient incorporées entre chaque couche de terre, servant de liant. Ces murs pouvaient atteindre 6 mètres de haut, et avaient pour mission de protéger les cols ou les vallées particulièrement vulnérables. Améliorés continuellement durant 400 ans, ils s’étendaient sur près de 10 000 kilomètres. Il pouvait arriver que les soldats chinois disposent des pieux à l’avant de la muraille pour décourager les envahisseurs : lorsque les guerriers ennemis étaient occupés à éviter les pieux, les défenseurs chinois leur tiraient dessus du haut de l’édifice défensif.
Des tours de signalisation, sur une ligne perpendiculaire à la muraille, permettaient de transmettre des messages, par exemple avertir d’une attaque imminente. Le message était ainsi envoyé de tour en tour sur la ligne perpendiculaire, qui pouvait s’étendre jusqu’à 400 kilomètres. Les messages des vigies visaient à informer les soldats de la garnison du nombre précis de Xiongnu en route vers la muraille. Aussi, la découverte d’anciennes tablettes de bois recouvertes d’inscriptions a permis de révéler ce que les sentinelles utilisaient pour se faire comprendre : une lanterne pouvait signifier 50 Xiongnu, tandis que trois drapeaux hissés en haut d’un mât pouvaient signifier 200 Xiongnu. Si un feu était allumé, il fallait alors comprendre qu’au moins 1 000 Xiongnu allaient attaquer la muraille. Grâce à cet astucieux système d’information, les renforts étaient rapidement dépêchés sur place pour soutenir l’effort de guerre.
Une Grande Muraille de Chine renforcée pour faire face aux Mongols
Mille ans plus tard, au XIIIe siècle de notre ère, la Grande Muraille de Chine doit faire face à de nouveaux ennemis, beaucoup plus nombreux et plus habiles que les Xiongnu : c’est l’arrivée des combattants mongols de l’incontournable Gengis Khan, l’un des plus grands conquérants du Moyen-Âge. En 1209, face aux troupes du chef mongol, les soldats chinois de la Grande Muraille de Chine sont complètement dépassés, si bien que les troupes ennemies finissent par passer à travers l’édifice monumental. Rapidement, la Chine est vaincue, et le pouvoir passe aux mains des Mongols pendant plus d’un siècle.
En 1368, le clan chinois des Ming évince les Mongols du pouvoir et récupère le trône. L’arrivée du clan marque le début de l’une des plus brillantes dynasties de l’histoire chinoise.
Les empereurs de la nouvelle dynastie veulent absolument éviter de revivre l’affront subi un siècle et demi plus tôt. Ces derniers poursuivront un objectif ambitieux : transformer la Grande Muraille de Chine en forteresse inexpugnable. Ainsi, les prochains remparts ne seront plus faits de terre, mais de briques.
La construction de l’ouvrage, aux proportions titanesques, débute au XVIe siècle. Pour édifier ce considérable réseau de défense, les Ming font appel à l’armée, mais aussi aux paysans. Il faudra une centaine d'années pour terminer le chantier de la muraille des Ming, qui s’étale sur plus de 8 800 kilomètres. Environ 3,8 milliards de briques seront utilisées pour la réaliser. Ces briques sont quatre fois plus grosses que les briques modernes, ce qui a permis aux ouvriers de l’époque de construire plus rapidement l’emblématique édifice. Leur taille conséquente a permis de réaliser des remparts de 7,5 mètres de haut et de 9 mètres d’épaisseur. Ces briques étaient moulées à partir d’une terre siliceuse malléable, et d’eau. Elles étaient ensuite séchées au soleil. Après le séchage, les briques étaient mises au four, pour y être cuites pendant environ trois jours. Chacune de ces briques pesait près de 10 kilos et demi, et leur transport, assuré par les ouvriers, était une entreprise difficile. Plus d’un million de personnes travaillaient en permanence à la construction de la muraille, la main d’œuvre pour acheminer les briques était donc très importante. Cependant, beaucoup ont perdu la vie durant la construction de cet ouvrage hors du commun.
Il faut noter que les briques ne sont pas les seuls composants de cette muraille. En effet, ces dernières sont cimentées entre elles par un mortier très blanc d’une grande résistance. Ce mortier à la particularité d’être réalisé à base d’un ingrédient insolite, qui n’est autre que du riz gluant. Les propriétés du mortier au riz gluant sont étonnantes, et pour cause : il est beaucoup plus résistant que le mortier moderne. De plus, il est dur en surface, mais souple à l’intérieur, ce qui lui permet de résister aux boulets de canons mais également aux tremblements de terre. Ce liant d’exception explique en grande partie pourquoi la muraille est encore debout aujourd’hui.
Dans les pans de murailles de la dynastie Ming, tous les 3 ou 4 mètres, il y a des ouvertures. Ces dernières permettaient aux défenseurs chinois de lancer des « bombes » bourrées de poudre à canon, directement sur leurs ennemis. Si des assaillants parvenaient à se hisser sur la muraille, les soldats des Ming pouvaient encore se retrancher dans les tours de garde : il y en avait 1 200 au total. Ces tours de garde étaient d’un formidable secours pour les soldats, car elles leur permettaient de se défendre, de se protéger du froid en hiver et de la chaleur en été, mais également de stocker l’eau, la nourriture, et les armes. Avec une muraille aussi solide, aussi ingénieuse, il était devenu bien difficile pour les armées mongoles de la franchir.
L’assaut final des guerriers mandchous sur le légendaire monument chinois
La Grande Muraille de Chine était très bien défendue. Au début du XVIIe siècle, au moins 750 000 soldats étaient chargés de sa protection, soit environ 115 soldats par kilomètres. À cette époque, l’armée des Ming était confrontée à une double menace, car les Mongols avaient dorénavant des alliés : des seigneurs venant de Mandchourie, à l’est. En 1629, des milliers de guerriers mandchous attaquent férocement les remparts. En difficulté, les soldats Ming courent chercher des renforts en passant par la muraille. Une fois de plus, la Grande Muraille de Chine démontre son utilité, car elle est non seulement un prodigieux réseau de défense, mais aussi une route sécurisée pour les soldats chinois. Ainsi, pendant plusieurs années, l’emblématique monument va permettre d’empêcher les Mandchous d’entrer en Chine. Pourtant, un événement majeur va retourner la situation en faveur des adversaires de la muraille.
Au XVIIe siècle, l’empire du milieu traverse une période de turbulences, le coût de la muraille a ruiné le pays. Par ailleurs, le pays est frappé par la peste et la famine. En 1644, une révolte éclate, et les chinois s’emparent de Pékin. Désespéré, l’empereur se suicide et le pays sombre dans le chaos de la guerre civile. De l’autre côté de la Grande Muraille de Chine, l’armée mandchoue profite de la situation catastrophique du pays pour lancer un assaut. Déconcerté par la gravité de la situation, le général de l’armée Ming fait face à un terrible dilemme : s’allier aux rebelles chinois qu’il méprise ou faire alliance avec les guerriers mandchous contre son propre peuple. Il va alors prendre une décision historique : ordonner d’ouvrir complètement le passage aux Mandchous. Sans attendre et comme poussés par le destin, les guerriers traversent la Grande Muraille de Chine et s’emparent de tout le pays. Après un an de période transitoire Shun, c’est l’avènement de la grande dynastie Qing.
Au cours des décennies qui suivent, les Mandchous vont considérablement élargir le territoire de l’empire du milieu, au Nord et vers l’Ouest. La huitième merveille du monde, à présent laissée de côté, n’est déjà plus une frontière.
Elle sera oubliée pendant environ 300 ans, jusqu’à ce que les Chinois la remilitarisent lors de la guerre contre le Japon dans les années trente. Toutefois, lors de la seconde guerre mondiale, la Grande Muraille de Chine n’est plus vraiment utile.
Si la Grande Muraille de Chine ne protège plus aujourd’hui les frontières du pays, le monde entier reste admiratif de ce prodigieux chef d’œuvre, et par extension, du passé glorieux de la civilisation chinoise, avant l’arrivée du communisme. La destruction de l’héritage culturel chinois a été une immense calamité pour l’humanité toute entière, et la perte de ce patrimoine inestimable est irréparable. Il appartient au monde entier de veiller à la protection de la Grande Muraille de Chine, l’un des derniers vestiges de la splendide civilisation chinoise à ne pas avoir été anéanti. L’espoir pour chaque nation, chaque pays, réside aussi dans la protection par sa population de son patrimoine. Ce qui sublime nos esprits et nos terres devrait toujours être sauvegardé.
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