La harpe est un instrument très ancien. Beaucoup de cultures lui prêtent une origine divine. Elle est élégante, raffinée, sa grande palette de sons est un peu magique. Elle s’exprime aussi bien dans le folklore que dans la musique classique occidentale ou chinoise.
Les traces les plus anciennes proviennent de Mésopotamie. La harpe y est représentée sur des reliefs et des peintures. À cette époque, elle est arquée ou angulaire. Plus tard, vers le IIe siècle av. J.-C, elle apparaît en Grèce puis dans l’Empire romain, en Inde et en Chine.
L’origine de la harpe
Lors de fouilles en Irak, ancienne Mésopotamie, des harpes ont été extraites de tombes royales d’Ur datant de près de 3 500 ans. Elles avaient entre 5 et 7 cordes. Les traces archéologiques semblent dire que les prêtres en jouaient pour les dieux.
Les Assyriens utilisaient des harpes angulaires formées de deux parties : caisse de résonance et joug de fixation. Elles se répandent dans le Proche-Orient et chez les hébreux.
Le roi David jouait de la harpe pour chasser les mauvais esprits. Dans la Bible, le chapitre du livre de Samuel 16 : 23 dit « et il arriva que, quand le mauvais esprit envoyé de Dieu était sur Saül, David prît la harpe et joua de sa main, Saül respirait alors plus à l’aise, et il était bien, et le mauvais esprit se retirait de lui. »
Dans le livre Abrégé de l’histoire de la musique en Égypte on peut lire que H. Hickmann, éminent musicologue allemand écrit : « Il faut plusieurs siècles pour développer des instruments de musique sophistiqués, or dès les premières dynasties pharaoniques, ces instruments possédaient des techniques qui proviennent nécessairement d’une époque préhistorique. »
Dans l’ancien empire d’Égypte (vers 2700 av. J.-C.), la harpe arquée grandit pour atteindre 1,50 à 2 mètres de hauteur et le nombre de cordes augmentent. Les Égyptiens commerçaient l’étain avec l’Irlande et c’est par ce courant d’échanges que la harpe est arrivée en Irlande, il y a environ 3 000 ans. Elle gagnera ensuite l’Europe. On parlera de la harpe dans la poésie irlandaise, scandinave antique et même dans la poésie russe.
La harpe d’Afrique centrale
En Afrique, chaque instrument de musique a une forte symbolique, particulièrement pour les initiés qui en jouent durant des cérémonies et des rituels religieux. L’introduction du livre La harpe sacrée dans les cultes syncrétiques au Gabon de Stanislaw Świderski décrit « La harpe sacrée du Gabon est utilisée par des initiés Fang dans des cérémonies nocturnes, notamment dans le récit de la mort d’une femme sacrifiée. Cette harpe symbolise la Sainte Vierge, salvatrice de la race noire ». Cette harpe est aussi jouée par d’autres groupes ethniques du Centre Afrique.
La harpe celtique
Dans la mythologie celtique, non seulement les bardes mais aussi les magiciens et les rois avaient leurs propres harpes. Elles sont devenues un symbole du pouvoir magique. D’ailleurs, le dieu celtique Dagda, ce qui signifie Dieu bon, possède une harpe magique qui joue toute seule toutes les musiques et elle peut rendre les gens qui l’écoutent tristes, gaies ou les endormir.
La harpe celtique était utilisée principalement dans les régions celtes qui sont actuellement le Royaume-Uni et la Bretagne. Au Moyen Âge, à partir du VIIIe siècle, son utilisation se popularise. Avec le luth, la harpe accompagne les chants d’amour des troubadours. Puis, la musique évolue et la harpe celtique, manquant de tonalité, est délaissée par les troubadours. Elle a failli disparaître. Grâce à l’intérêt des intellectuels du XIXe siècle pour les cultures traditionnelles populaires, elle retrouve ses marques. De nos jours, c’est particulièrement le cas au Canada où des auteurs comme la célèbre auteure-compositrice Loreena McKennitt, Canadienne d’origine irlandaise, a créé et joué de nombreux morceaux, y compris pour des films comme Highlander 3.
L’émission Météo à la carte a présenté la famille Herrou. Ces artisans luthiers traditionnels peuvent mettre jusqu’à deux ans pour fabriquer une harpe celtique. Ils vont chercher le bois dans les forêts. Ils choisissent du bois dont les fibres sont entrelacées, comme le saule rouge, ce qui permet à la caisse de résonance de résister. Petite anecdote : « par respect pour l’arbre, le père lui demande la permission de l’abattre à l’aide d’un pendule ». Lorsque le bois est sec, il sera travaillé manuellement, puis des décorations seront gravées pour l’embellir. Toutes les pièces s’emboîtent sans vis ni colle. Lorsque la structure est prête, les cordes de bronze sont fixées puis accordées. L’accordage se fait très souvent car l’instrument est sensible à la météo.
L’évolution de la harpe
Mais la harpe ne se meurt pas, elle évolue en même temps que l’écriture musicale et varie suivant les régions. La renaissance voit naître la Arpa Doppia (harpe double). Cela signifie que les cordes sont doublées pour obtenir des demi-tons. Elle est jouée pour la première fois dans la musique classique, Orfeo, de Monteverdi, à Mantova en Italie. Elle évolue encore, en 1660, au Tyrol, des luthiers ajoutent des crochets pouvant modifier une seule note.
Au XVIIIe siècle, la reine Marie-Antoinette apporte sa harpe en France et très vite, elle devient l’instrument de salon à la mode, joué par les femmes. C’est probablement ce qui a créé ce cliché romantique de la femme jouant de la harpe. Mais ce serait une erreur de penser que la harpe est un instrument féminin, tout au long des siècles, il y a eu de grands harpistes comme Xavier Maistre.
En France, durant le XVIIe siècle, elle reçoit des crochets qui se manient avec la main. Ceux-ci occasionnent beaucoup de casse. Pour modifier les sons, les crochets sont remplacés par des béquilles puis par des disques avec une fourchette. Dans le même temps, sept pédales sont ajoutées. Chacune d’elle modifie les sons d’une note, soit tous les do ou tous les ré, etc… Les pédales sont améliorées pour jouer les bémols, les notes normales et les dièses. C’est la harpe à double mouvement. Elle a 47 cordes.
C’est à cette période que beaucoup de grands compositeurs créent des œuvres pour la harpe, comme ce fut le cas pour Mozart, avec entre autres, son Concerto pour flûte et harpe en ut majeur.
Son évolution actuelle la transforme en harpe électroacoustique (chaque corde a un capteur). L’artiste peut en jouer dans la version acoustique ou électrique. La harpe celtique bénéficie également de cette évolution. Celle-ci est très populaire au Canada.
La harpe en Amérique du Sud
La harpe a été exportée par les Espagnols en Amérique latine. Elle a d’abord accompagné les cérémonies religieuses avant d’entrer dans le folklore local du Mexique, du Venezuela, du Paraguay, etc. La musique folklorique qui se joue avec la harpe Llanera est un riche mélange de musique baroque espagnole et de rythmique africaine et Autochtone. Elle doit son nom à une région située entre le Venezuela et la Colombie, nommée Llanos. Ses habitants, éleveurs de bétail, ont développé cette musique particulière.
La harpe andine est une autre variante. Elle est souvent plus petite pour permettre au joueur de suivre une procession ou un carnaval. Elle se joue sur un système pentatonique comme la musique chinoise.
Au Mexique, la harpe s’appelle la harpe de Durango. Elle se joue sur trois pieds et interprète le folklore typiquement mexicain.
La harpe chinoise
La harpe chinoise s’appelle konghou. Il existe différents types de harpes chinoises, horizontales ou verticales. Les konghous verticales sont en forme d’arc et comportent de sept à vingt-trois cordes. Ils se jouent seulement avec les index et les pouces. Ils étaient utilisés dans les anciennes cours royales chinoises.
Le konghou horizontal était joué dans le sud de la Chine dès 770 av. J.-C. Le konghou vertical est apparu entre 22 et 220 ap. J.-C. durant la dynastie des Han de l’Est. Sous la dynastie Tang, apparaît le fong shou konghou, son manche est sculpté du motif de tête d’oiseau de phénix. Il était utilisé pour des cérémonies et des rites. Vers le XVIIe siècle, sous la dynastie Ming, le konghou a perdu sa place au profit d’instruments plus complexes dans la population chinoise. En 1964, le konghou a été relancé parmi les habitants de Shenyang, en Chine.
Les cordes du konghou sont repliées sur l’instrument à travers les ponts, ce qui permet de jouer plus de notes sur chaque corde. Lorsqu’une main appuie à l’opposé de la corde pincée, le son est modifié. De même, pincer plusieurs cordes ensemble provoque des sons complexes qui conviennent à la musique classique chinoise.
La harpe birmane ou saung-gauk
La saung-gauk est une harpe horizontale jouée en Birmanie depuis le VIIIe siècle dans les cours royales. Elle est considérée comme l’instrument national. Traditionnellement, elle est accompagnée par de petites percussions et des chants. Le joueur ou la joueuse est assis au sol avec le corps de la saung-gauk sur les genoux. Les cordes sont pincées depuis l’extérieur et l’autre main amortit les cordes afin de favoriser la production de notes saccadées au son clair.
D’après des sculptures trouvées au temple de Bawbawgyi, la saung-gauk serait arrivée en Birmanie en passant par l’Inde au Ve siècle. Les chroniques chinoises contemporaines de la même période citent des musiciens Pyu jouant de la harpe arquée. La musique birmane est principalement fonctionnelle et accompagne les cérémonies religieuses, les danses, certaines fêtes et des représentations théâtrales.
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