Le tableau Sainte Cécile de Guido Reni rend hommage à une chrétienne hors du commun, la première martyre à avoir reçu un corps incorruptible. Célébrée par l’Église catholique le 22 novembre, sainte Cécile est surtout connue pour être la patronne de la musique sacrée et des musiciens.
Sainte Cécile de Rome, patronne de la musique sacrée et des musiciens, luthiers et autres fabricants d’instruments de musique, est souvent représentée dans les œuvres artistiques avec différents instruments de musique, jouant, par exemple, de l’alto ou de l’orgue. Quand elle est peinte en compagnie d’autres musiciens, elle chante en exprimant toute sa dévotion pour Dieu. On raconte que son nom « Cécile » signifie « le lys du ciel ».
Une représentation de Guido Reni
Le tableau Sainte Cécile est l’œuvre de l’artiste baroque Guido Reni. Il a été peint en 1606 et est actuellement conservé au Norton Simon Museum en Californie.
Sainte Cécile est représentée comme une jeune fille vêtue à l’image d’une fille de la campagne et non comme une aristocrate, bien que la sainte soit issue d’une famille noble. La raison en est qu’il s’agit d’une représentation d’un personnage typique du style baroque caravagesque du XVIIe siècle. La jeune femme du tableau joue de l’alto, avec un orgue à tuyaux placé en arrière-plan, un instrument de musique populaire dans l’église chrétienne. Son aura est pure, son regard aspire sincèrement au ciel, donnant au public un sentiment de plénitude, de dignité et de sacralité.
Les couleurs du tableau contrastent fortement, le fond noir adoucit le rouge de la robe, mettant en valeur la jeune femme à la peau blanche, et créant une atmosphère empreinte de solennité. L’expression de Cécile, ses vêtements et la façon dont elle tient son alto sont tous représentés de manière très réaliste et naturelle.
Guido Reni décrit la beauté pieuse et le caractère sacré de Sainte Cécile. Mais outre la sophistication de ce tableau, l’histoire de sa naissance renforce son attrait pour quiconque le contemple.
Parler de la naissance du tableau Sainte Cécile, c’est raconter l’histoire de sa vie. Personne ne peut connaître avec certitude la date de naissance de Cécile, mais la date de son décès se situerait en 177 ap. J.-C. Il est traditionnellement admis que Cécile était la fille d’une famille noble de Rome. Dès son plus jeune âge, elle jure de consacrer sa vie à Dieu et fait vœu de virginité. Arrivée en âge de se marier, la famille de Cécile, païenne, la marie de force à un jeune noble nommé Valérien.
Une foi inébranlable
La légende affirme que le jour de son mariage, alors que les musiciens jouent de leur instrument, Cécile chante un hymne à la gloire de Dieu dans son cœur et adresse une prière à Dieu : « Que mon cœur, que mes sens demeurent toujours purs, ô mon Dieu ! Et que ma pudeur ne souffre point d’atteinte ! ».
Après plusieurs jours de prière et de jeûne, arrive la nuit de noces : elle révèle son secret à Valérien, et lui demande de respecter sa virginité, ainsi que de se convertir.
Dans son ouvrage, La Légende dorée, rédigé en latin entre 1261 et 1266, Jacques de Voragine, archevêque de Gênes, rapporte ainsi les paroles de Sainte Cécile : « J’ai pour amant un ange qui veille sur mon corps avec une extrême sollicitude. S’il s’aperçoit le moins du monde que tu me touches, étant poussé par un amour qui me souille, aussitôt il te frappera, et tu perdrais la fleur de ta charmante jeunesse. Mais s’il voit que tu m’aimes d’un amour sincère, il t’aimera comme il m’aime, et il te montrera sa gloire. »
Valérien lui répond : « Si tu veux que je te croie, fais-moi voir cet ange, et si je m’assure que c’est vraiment un ange de Dieu, je ferai ce à quoi tu m’exhortes. Mais si tu aimes un autre homme, je vous frapperai l’un et l’autre de mon glaive ».
La jeune femme réussit ainsi à convaincre Valérien d’aller trouver l’évêque saint Urbain et de se convertir au christianisme. À son retour, il trouve un ange conversant avec sa femme. Celui-ci lui remet une couronne de lys et offre une couronne de roses, symbole de virginité, à sainte Cécile.
Le frère de Valérien, Tiburce, accepte à son tour d’embrasser la religion chrétienne. Tiburce exprime ses craintes de mourir à Cécile, qui répond : « Si cette vie était la seule, ce serait avec raison que nous craindrions de la perdre : mais il y en a une autre qui n’est jamais perdue, et que le Fils de Dieu nous a fait connaître. Toutes les choses qui ont été faites, c’est le Fils engendré du Père qui les a produites. Tout ce qui est créé, c’est l’Esprit qui procède du Père qui l’a animé. Or, c’est ce Fils de Dieu qui, en venant dans le monde, nous a démontré par ses paroles et par ses miracles qu’il y a une autre vie. »
Le martyre de Sainte Cécile
À cette époque, les chrétiens sont persécutés à Rome. Valérien et Tiburce sont dénoncés comme tels et décapités. Cécile est arrêtée peu de temps après et condamnée au supplice de l’eau bouillante, mais elle en sort indemne. Après l’échec de cette tentative, le préfet Alamaque ordonne alors au bourreau de lui trancher la tête. Sainte Cécile se met alors à chanter en attendant le coup de hache du bourreau, mais ce dernier après trois tentatives infructueuses, la laisse agoniser durant trois jours,( la loi romaine interdisait le quatrième coup). Selon les paroles du Conte de la Seconde Nonne, « à moitié morte et le cou tranché, elle y a péri ». Durant tout ce temps, Cécile reste allongée et immobile dans la même position, le corps penché sur le côté droit, les mains jointes en prière… jusqu’à sa mort.
Cécile est ensuite enterrée dans les Catacombes de Saint Calixte. Sept siècles plus tard, le pape Pascal Ier (817-824) construit l’église Sainte-Cécile sur la Piazza Trastevere à Rome et demande que le corps de Sainte Cécile y soit déplacé. Cependant, le corps est porté disparu et les recherches ne donnent aucun résultat.
Un matin, alors que le pape Pascal préside un office liturgique dans la basilique saint Pierre, il est témoin d’une apparition lumineuse. Une jeune vierge d’une grande beauté, qui n’est autre que Sainte Cécile, lui dit d’une voix ferme : « dans le cours de tes recherches, il y a cependant eu un instant où tu t’es rencontré si près de moi, que nous eussions pu discourir ensemble… Tu avais commencé des recherches continue les. Car il a plu au Dieu Tout-puissant, pour l’amour et pour l’honneur duquel j’ai souffert, de me révéler à toi ».
En 821, il trouve le lieu de la sépulture : la Sainte y repose dans son arche de cyprès, le corps absolument intact. Elle est encore vêtue de la robe tissée d’or avec laquelle le pape Urbain l’a ensevelie, et les linges qui ont servi à essuyer ses blessures sont roulés ensemble à ses pieds. Sa dépouille est transférée au quartier de Trastevere, où une basilique est construite pour l’accueillir.
Lors de la restauration de l’église en 1599, le corps est exhumé par le cardinal Sfondrati en présence de plusieurs autres témoins et l’on s’émerveille de le trouver intact et dans sa position d’origine.
Le sculpteur Stefano Maderno (1576-1636) était présent lors de l’identification de la dépouille. L’œuvre qu’il réalise aussitôt (1599-1600) rend compte de cette fascination devant le corps intact de Sainte Cécile.
Cette œuvre est toujours conservée dans l’église même du Trastevere. Le Cardinal Sfondrati charge également Guido Reni de dessiner une œuvre sur la Sainte, incluant des instruments de musique. C’est ainsi qu’est né le tableau Sainte Cécile.
Rédacteur Yasmine Dif
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