Connaissez-vous le lien entre l’Égypte antique, les Touaregs, et la tenue préférée des cow-boys, les jeans ? Le lien n’est autre qu’une couleur, l’indigo, cette couleur d’un bleu unique, intense, tirant sur le violet. Une couleur indéfinissable qui a toujours occupé une place de choix dans les diverses cultures. Fort présente dans l’imaginaire collectif à travers la langue. Ne parle-t-on pas de sang bleu, de peur bleue, de cordon bleu ?… Cet article va vous plonger dans le monde énigmatique du bleu indigo.
Une couleur mythique et millénaire
L’indigo, septième couleur de l’arc-en-ciel, considérée comme la couleur préférée des Occidentaux, a une histoire plus que millénaire. Le mot « indigo » tiré du latin indicum signifie « de l’Inde ». Le pigment vient d’un arbrisseau appelé indigotier, existant en Inde depuis 4 000 ans. L’indigotier se cultivait en Mésopotamie 2 500 ans av. J.-C. ainsi qu’en Égypte antique où il était quasiment vénéré. La plante aux multiples variétés, près de 300, fut introduite en Europe par les Grecs et les Romains.
Dans la France du Moyen Âge, l’indigo est interdit jusqu’au XVIIe siècle pour protéger le pastel des teinturiers, une plante originaire de Turquie, adaptée aux climats tempérés, produisant la couleur bleue, la couleur de la royauté. Le pastel connaîtra un âge d’or au sein de deux régions en particulier, la Picardie et le Languedoc. Mais l’indigotier, dont l’importation est autorisée à partir de 1637, jugé plus efficace sur le plan tinctorial, finira par supplanter le pastel. La France implante la culture de l’indigotier au sein de ses colonies antillaises du Nouveau Monde, où elle peut tirer parti d’une main- d’œuvre gratuite réduite en esclavage.
Selon les procédés traditionnels, une fois récoltés, les arbustes de l’indigotier, conservés dans des cuves, vont donner un pigment obtenu après diverses étapes de macération et de fermentation longues et complexes. Les nombreuses indigoteries, installées notamment en Martinique et en Guadeloupe, vont jouer un rôle économique important jusqu’au XIXe siècle. En 1878, un chimiste allemand, Adolf von Baeyer (1835-1917) fait une découverte conséquente : il crée un indigo de synthèse en mélangeant l’indigo naturel à de l’acétone, ce qui va sonner le glas des indigoteries traditionnelles. L’ère de l’indigo synthétique prend place avec ses 4 milliards de jeans teints chaque année. Des jeans au bleu incontournable !
Les vertus thérapeutiques de l’indigo
L’indigo de synthèse a marginalisé l’indigo naturel, mais les vertus thérapeutiques de la teinture, reconnues de longue date, résistent au temps. Déjà en l’an 77 ap. J.-C le médecin pharmacologue Dioscoride mentionnait les bienfaits de l’indigotier. L’indigo, doté de propriétés antibactériennes, facilite la cicatrisation, réduit les irritations cutanées car il assouplit la peau. Les hommes bleus, les Touaregs du désert doivent cette appellation au turban bleu indigo dont ils s’entourent le visage. Le pigment de l’indigotier les protège à la fois du soleil et des piqûres d’insectes. « Les couleurs végétales, c’est une histoire de couleurs vivantes, elles réagissent à l’air, ça continue à vivre sur nous en bien. Quand on dépose ces teintures sur nous, elles agissent en plantes médicinales », explique Anne-Murielle Brouard qui est tombée sous le charme de l’indigo. Elle gère une entreprise de couleurs végétales à Marie-Galante, petite île de la Guadeloupe, où l’indigotier pousse à l’état sauvage.
L’indigo est recommandé, par ailleurs, pour les colorations capillaires. Appliqué sur des cheveux châtains il accentue les nuances. Sur des cheveux noirs, il ajoute de délicats reflets bleu nuit. Cependant, l’application sur des cheveux clairs est à éviter.
L’indigo, école de créativité et de patience
Un récent reportage de Franceinfo a présenté Laëtitia, « la magicienne de l’indigo », aux mains bleuies au contact du pigment. Laëtitia exerce à Aix-en-Provence, le rare métier de teinturière végétale, plus exactement d’indigotière. Elle raconte sa passion pour « ce bleu puissant » qui lui « donne des frissons ». Il « donne une couleur qu’on ne peut pas trouver dans la chimie » dit-elle, soulignant que chaque pièce est unique. La couleur si appréciée s’obtient après macération, fermentation, puis exposition à l’air libre du tissu coloré. Cette dernière opération peut se renouveler trois, voire quatre fois, après quoi la magie de la teinture opère. Selon son témoignage, il faut une demi-journée pour teindre un torchon, une journée entière pour teindre une robe. L’indigo renforce bel et bien la créativité et la patience.
Un autre ambassadeur de l’indigotier, Pierre Mouda, anime des ateliers de teinture à Marie-Galante, son île natale et tient une boutique où sont exposées ses créations. Enseignant avec ferveur les gestes transmis de génération en génération, il rêve de développer l’indigo dans toute la Caraïbe. « La prochaine étape est de monter une indigoterie pour faire découvrir la culture à plus grande échelle » révèle -t-il, interrogé sur son activité.
Bien plus qu’une couleur, l’indigo est un art de vivre qui rétablit la connexion entre l’homme et la nature. C’est peut-être là le secret de sa longévité.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.