Culture. La méditation de Yehudi Menuhin transcendait son art du violon

Dès la première rencontre entre Yehudi Menuhin et le maître yogi Iyengar, il y eut une affinité et une compréhension mutuelle entre les deux hommes. Menuhin, en prenant des leçons régulières de yoga avec Iyengar, transforma l’accomplissement de son art du violon au plus haut niveau.

Yehudi Menuhin (1916–1999) fut l’un des plus grands violonistes du XXe siècle. Il développa des capacités musicales étonnantes avant même de savoir marcher.

Dès l’âge de trois ans, Yehudi Menuhin accompagnait ses parents lorsqu’ils assistaient aux concerts de l’Orchestre Symphonique de San Francisco. Le son du violon d’un brillant musicien, Louis Persinger, l’enchanta tellement que Yehudi insista pour avoir lui aussi un violon le jour de son anniversaire, et que Persinger soit son professeur. Il obtint ses deux magnifiques cadeaux.

A sept ans, il était déjà renommé pour son interprétation d’œuvres classiques. Il n’avait pas encore vingt ans qu’il fit le tour du monde et se forgea une notoriété internationale de soliste talentueux. Albert Einstein l’entendit jouer un jour et il confia : « Je sais maintenant qu’il y a un Dieu au ciel ».

Yehudi Menuhin devint un pratiquant assidu de yoga

Vers 1950, le célèbre violoniste endurait de nombreux maux liés à la pratique intense du violon, tels que douleurs articulaires et musculaires, insomnies, fatigue nerveuse. Il se disait lui-même « à bout de souffle ». Dans la salle d’attente d’un cabinet d’ostéopathie, il prit un petit livre sur le yoga et le feuilleta. Il fut tout de suite fasciné par ce que révélait ce livre.

Durant cette même période, Yehudi Menuhin était un violoniste exceptionnel connu aussi comme généreux philanthrope. Il se produisait souvent pour le bénéfice d’œuvres caritatives. Lors d’une tournée en Inde, Yehudi Menuhin donna une série de concerts en soutien au premier ministre de l’Inde, Nehru. À cette occasion, de nombreux professeurs de yoga de toute l’Inde, connaissant son intérêt pour cette pratique, vinrent lui proposer leurs services. Un seul lui laissa une impression tenace : le maître yogi Iyengar.

La première séance avec Iyengar, qui devait durer cinq minutes, dura une heure et le violoniste fut totalement revigoré. À partir de ce jour, Menuhin et Iyengar établirent une relation amicale et fructueuse. Le musicien et le yogi avaient conscience tous les deux de l’importance de l’harmonie intérieure. Menuhin prit des leçons régulières avec Iyengar et commença une pratique assidue du yoga.

Peu à peu, il prit conscience de l’effet de sa pratique du yoga sur ses performances au violon. Dans un de ses livres, Yehudi Menuhin consacra un chapitre aux postures de yoga spécifiques qu’Iyengar lui avait apprises. Il soulignait que ces exercices « devraient constituer une part importante de la routine d’entraînement de tout violoniste en herbe ou en activité ».

Les enseignements d’Iyengar influencèrent la musique de Yehudi Menuhin

Les deux maîtres eurent des échanges approfondis sur la musique et le yoga. Ils purent affiner leur compréhension de certaines correspondances entre la discipline rigoureuse du violon et l’exigence des postures de yoga. Menuhin, dans un de ses livres, expliqua comment les enseignements de Iyengar influencèrent sa manière de jouer. La pratique des exercices de yoga renforça sa posture et son énergie, libéra ses tensions et améliora sa concentration sur scène.

Iyengar, lui, fut inspiré par la discipline mentale et la concentration qu’exigeait la pratique musicale. Il disait : « Le yoga est comme la musique : le rythme du corps, la mélodie de l’esprit et l’harmonie de l’âme créent la symphonie de la vie ». Grâce à l’invitation et aux encouragements de Menuhin en 1954, Iyengar fit découvrir l’art du yoga à l’Occident. Les deux hommes travaillèrent ensemble sur des projets visant à intégrer le yoga dans la vie quotidienne.

Yehudi Menuhin étudia toute sa vie la science du mouvement et du son qui étaient liés au perfectionnement de son jeu au violon. Cette étude fut enrichie par sa pratique du yoga. Dans la continuité de sa pratique des postures yogiques et du contrôle de la respiration, Yehudi pratiqua la méditation. Il pensait que la capacité humaine de méditer était la contribution la plus importante apportée à la civilisation.

La méditation l’amena à jouer avec moins de tension et un emploi plus équilibré et fluide de son énergie. Il apprit à coordonner plusieurs mouvements en un seul. La virtuosité, la richesse et l’amplitude de ses interprétations étaient exceptionnelles. Les autres violonistes étaient admiratifs de sa perspicacité et de ses accomplissements, mais lui y voyait tout simplement une conséquence de sa pratique du yoga et de la méditation. Il attribuait toute cette évolution dans son jeu de violon et sa façon d’aborder la musique à son maître de yoga Iyengar, qu’il disait être son « meilleur professeur de violon ».

Altruisme et autres qualités fondamentales

Yehudi Menuhin confia quelques-unes de ses pensées philosophiques dans une interview de 1998 : « Si je peux généraliser à partir de ma propre expérience, je dirais que quand on est jeune, on pense à son propre avenir immédiat. Maintenant, je pense au monde dans son ensemble. Je vieillis et mon avenir compte de moins en moins. Ce qui compte, c’est l’avenir des jeunes (…) et de l’humanité dans son ensemble qui est confrontée à une grande période d’épreuves et de tribulations. »

« L’accomplissement de nos capacités morales intérieures et de nos facultés créatives est essentiel. (…) Chaque enfant est talentueux. Enfant prodige, je me sentais pourtant parfaitement normal, et je me sens toujours normal, d’autant que j’ai pu le vérifier au fil du temps. Les jeunes enfants sont talentueux pour une chose ou une autre, mais ce talent est trop souvent écrasé ou utilisé pour servir un objectif particulier. »

« La musique est tellement merveilleuse, elle est un élément universel de vénération et de communion. (…) La musique sacrée décrivait toutes les souffrances et les joies. (…) Ce caractère sacré des émotions, aujourd’hui, a disparu. Vous avez beaucoup de mal, aujourd’hui, à inspirer des qualités basiques de respect, de paix et de méditation. Mais elles sont fondamentales pour l’être humain et fondamentales pour l’enfant. Enfant, je n’étais pas étranger à ces qualités… »

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