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Culture.  L’auteur grec Hérodote : d’où vient sa réputation de père de l’histoire ?

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L’auteur grec Hérodote a marqué le monde antique de son empreinte et a laissé un héritage conséquent à la postérité. Dans quel domaine a-t-il brillé et d’où lui vient sa réputation de père de l’histoire ? Si vous voulez en savoir plus sur ce personnage hors du commun, cet article est pour vous.

L’auteur grec Hérodote : une vie consacrée au voyage

Né à Halicarnasse situé dans l’actuelle Turquie, aux environs de 480 av. J.-C., Hérodote appartient à une famille fortunée, qui, opposée au tyran Lygdamis, doit s’exiler sur l’île de Samos dans la mer Égée. Cet épisode préfigure les nombreux périples que le jeune Hérodote va entreprendre dès l’âge de 20 ans. « Il circule d’abord par contrainte, mais comme d’autres penseurs grecs du cinquième siècle avant Jésus-Christ, il veut construire son savoir au contact d’autres cultures », confie Pascal Payen, professeur d’histoire grecque à l’Université de Toulouse.

 L’auteur grec Hérodote : d’où vient sa réputation de père de l’histoire
Pendant une quinzaine d’années, le jeune Hérodote découvre les confins du monde de son époque. (Image : wikimedia / Bibi Saint-Pol / Domaine public)

Pendant une quinzaine d’années, le jeune homme découvre les confins du monde de son époque. Il parcourt l’Égypte, la Macédoine, l’empire perse, le Caucase, en passant par la Grèce. Vers 454 av. J.-C, il retourne à Halicarnasse pour ensuite s’établir à Athènes, où il se rapproche de Sophocle, le dramaturge et de Périclès, homme d’État éminent. Il entreprend l’écriture de son œuvre unique et fondatrice connue sous le nom de Enquête ou Histoires. Pour rappel, le mot histoire est un nom issu du grec historia, qui signifie « recherche ». Hérodote va jusqu’en Italie, en particulier dans la ville de Thourioi. Il y meurt vers - 460. Notons que la vie de celui qui s’est consacrée aux explorations et aux enquêtes reste plutôt méconnue.

 L’auteur grec Hérodote : d’où vient sa réputation de père de l’histoire
Le Livre II, sorte de longue digression, est consacré à l’Égypte, pays auquel Hérodote vouait une admiration particulière. (Image : wikimedia / Blueshade / Domaine public)

Le père de l’histoire

L’œuvre que Hérodote a peaufinée durant les 20 dernières années de sa vie lui valut le titre de « père de l’histoire » attribué notamment par l’orateur romain Cicéron. Hérodote instaure une approche fort moderne de l’histoire. Il introduit son livre Histoires ainsi : « Hérodote d’Halicarnasse présente ici les résultats de son Enquête afin que le temps n’abolisse pas le souvenir des actions des hommes et que les grands exploits accomplis par les Grecs ou par les Barbares ne tombent pas dans l’oubli. Il donne aussi la raison du conflit qui mit aux prises ces deux peuples. » Précisons qu’Hérodote en tant que Grec employait le mot « Barbares » sans aucune nuance péjorative. Le Barbare désignait simplement l’étranger, celui qui ne parlait pas grec. En l’occurrence, les Barbares en question concernent surtout les Perses. Hérodote, dans son ouvrage composé de 9 livres dédiés chacun à une muse, dépeint en particulier les guerres médiques opposant les Grecs aux Perses. Le Livre II, sorte de longue digression, est consacré à l’Égypte, pays auquel Hérodote vouait une admiration particulière. Ses réflexions s’avéreront très utiles pour comprendre la civilisation égyptienne.

Hérodote a pour objectif de rechercher les causes des conflits en toute objectivité. Faisant preuve d’un certain esprit critique propre aux historiens, il se livre à une véritable investigation et utilise tour à tour la vue en tant que témoin oculaire, l’ouïe pour les témoignages recueillis ici et là et la bouche pour les propos exprimés lors des enquêtes. Pour certains experts, Hérodote serait également le précurseur des explorateurs et des reporters.

Le père de la géographie et de l’ethnologie

Outre la recherche des causes premières déclenchant les événements notamment les guerres, Hérodote s’intéresse aux us et coutumes du monde antique, ce qui le différencie des Grecs contemporains, surtout attirés par les mœurs de leurs semblables. L’auteur né à Halicarnasse s’ingénie à décrire avec précision la faune, la flore et les paysages des contrées présentées dans son œuvre Aussi est-il considéré comme le premier des géographes et des ethnologues. Christian Jacob, directeur de recherche émérite au CNRS, écrit à ce sujet : « Dans l’état de notre documentation, Hérodote est donc le premier historien et géographe grec dont nous ayons conservé l’œuvre. Successeur du logographe Hécatée de Milet, héritier de la science ionienne, Hérodote est un témoin exceptionnel pour évaluer l’étendue et la nature des connaissances géographiques dans la première moitié du cinquième siècle, et surtout pour repérer l’impact de la première cartographie grecque sur les méthodes de description de l’espace ». 

L’apport de l’auteur grec Hérodote dans le domaine des sciences politiques est tout aussi remarquable. Dans le Livre III, le lecteur découvre un débat entre trois aristocrates perses Otanès, Mégabyse et Darius. Ces derniers présentent l’un des premiers exposés définissant trois systèmes de gouvernement, à savoir la monarchie, la démocratie et l’oligarchie.

Controverses et réhabilitation

L’œuvre de Hérodote a suscité cependant un certain nombre de détracteurs. Le père de l’histoire fut aussi appelé « le père des menteurs ». Thucydide, son contemporain, auteur de La Guerre du Péloponnèse, l’apparentait à « ceux qui cherchent plutôt le plaisir du lecteur que la recherche de la vérité » et si Aristote traitait Hérodote de « mythologue », Plutarque le considérait comme un « affabulateur ».

Il est vrai qu’avec une prose haute en couleurs et des récits ponctués d’anecdotes et de commentaires de son cru, face au rigoureux Thucydide, Hérodote tenait plus du conteur que de l’historien. Découvrons l’un de ses récits qui souleva bien des moqueries : « Il y a dans le sable de ce désert des fourmis plus grosses que des renards, bien qu’elles n’atteignent jamais la taille d’un chien, il y a aussi dans le palais du roi de Perse quelques-unes de ces fourmis, attrapées dans le désert et amenées là. Quoi qu’il en soit, ces fourmis font leur nid sous terre et elles remontent ainsi du sable à la surface, exactement comme le font les fourmis en Grèce (elles sont aussi très semblables aux fourmis grecques par leur forme), et le sable remonté à la surface contient de l’or. (III, 102) »

L’épisode des fourmis produisant de l’or a été taxé d’histoire farfelue. Cependant, sur le site de l’encyclopédie World history encyclopdia, on peut lire « qu’en 1984 l’ethnologue et explorateur français Michel Peissel confirme que, dans l’Himalaya, une marmotte de la taille d’un renard répandait effectivement de la poussière d’or lorsqu’elle creusait. Les récits montraient que l’animal le faisait depuis l’Antiquité, car les villageois avaient une longue histoire de collecte de cette poussière. L’ethnologue ajoute que les mots persans désignant la marmotte et la fourmi des montagnes se ressemblaient. Donc Hérodote, ne parlant pas le persan « avait été en fait victime d’une erreur de traduction. »

En définitive, selon les sources, depuis le XVIIIe siècle environ, l’auteur grec Hérodote, après une période de dénigrement, a bénéficié d’une réhabilitation complète. Si certaines de ses affirmations se sont révélées inexactes ou approximatives, la majorité des historiens tiennent ses récits comme fiables et très précieux. Hérodote a posé les fondements de l’histoire et des sciences humaines, et son influence est demeurée considérable.

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