Le film M. Jones, réalisé par Agnieszka Holland en 2019, est basé sur la vie du journaliste gallois Gareth Jones, qui a dénoncé la famine en Ukraine orchestrée par Staline en 1932 et 1933, faisant des millions de morts. Ce film mettant en vedette James Norton dans le rôle principal, est un rappel brutal des dangers du communisme et de son régime autoritaire.
La famine
Au début des années 1930, Gareth Jones se rend en Union soviétique dans l’espoir d’interviewer Staline sur le fameux « miracle soviétique ». Sur place il va a être confronté à un événement tenu secret par le régime de Staline - la famine en Ukraine. En mars 1933, Gareth Jones prend un train pour Kharkiv, la capitale de l’Ukraine soviétique. Arrivé à la frontière entre la Russie et l’Ukraine, il pose pied à terre avec l’intention d’explorer la région. Immédiatement, il découvre que l’Ukraine fait face à une horrible famine.
Dans une lettre adressée au rédacteur en chef du Manchester Guardian, Gareth Jones mentionne que dans presque tous les villages où il s’est rendu, les réserves de pain étaient épuisées depuis au moins deux mois. Toutes les réserves de pommes de terre étaient aussi épuisées. Les gens en étaient réduits à manger le peu de betterave fourragère qui restait, un aliment destiné au bétail, mais qui était alors devenu leur aliment de base. Les 4/5ème des chevaux et du bétail avaient péri par manque de fourrage et les gens mouraient en grand nombre à cause de la famine. G. Jones a noté dans sa lettre qu’il ne pourra jamais oublier le ventre gonflé des enfants dans les fermes où il a dormi.
Après avoir quitté l’Union soviétique, Gareth Jones publie un communiqué de presse dans lequel il détaille ses expériences et où il expose la famine qui sévit en Ukraine. Cependant, la plupart des journalistes et des intellectuels occidentaux ont rejeté ses rapports car beaucoup d’entre eux étaient obsédés par l’idée d’un « paradis socialiste ». Même le dramaturge George Bernard Shaw a nié le rapport et signé une lettre commune accusant les médias britanniques de donner une mauvaise image du régime soviétique qui soi-disant affamait ses travailleurs et les traitait comme des esclaves. Le plus véhément d’entre eux était Walter Duranty, correspondant lauréat du prix Pulitzer pour le New York Times, dont le rôle dans le film est interprété avec brio par l’acteur américain Peter Sarsgaard.
Holodomor
Dans ses articles de propagande soviétique, Walter Duranty a constamment attaqué le rapport de Gareth Jones, l’accusant de tirer des conclusions sans aucun fait avéré. W. Duranty a d’abord nié la famine en Ukraine, déclarant que la région n’était confrontée qu’à des « pénuries alimentaires ». La famine ukrainienne de 1932-1933, connue localement sous le nom d’« Holodomor » (extermination par la faim), est l’une des pires atrocités du XXe siècle. Cependant, la plupart des gens ne sont pas au courant, car les journalistes occidentaux de l’époque n’ont pas couvert cet événement.
À travers le film, la réalisatrice Agnieszka Holland est parvenue à informer le monde de la véritable histoire de l’Holodomor. « L’histoire de Gareth Jones est une réalité, elle fait partie de ma famille et de mon histoire. Le mettre en lumière, même de façon dramatique, est excellent car cela fait avancer l’histoire, cela nous permet de mieux le connaître et d’être informés des événements qui se sont réellement passés », a déclaré Graham Colley, l’arrière-neveu de Gareth Jones, à la BBC.
La cause de la famine ukrainienne serait due à l’ambition de Staline, pressé de contrôler le secteur agricole de l’Union soviétique afin de financer rapidement son projet de militarisation et d’industrialisation du pays. La politique radicale de Staline a contraint des millions de paysans à l’intégration forcée dans des fermes collectives. Cela a déclenché une résistance publique massive et des soulèvements paysans menant à la « dékoulakisation » une campagne de répression dirigée contre les koulaks (paysans aisés) de 1920 à 1930. Cette politique se caractérisait par des emprisonnements, des confiscations et des déportations à grande échelle.
Staline a ordonné la destruction « culturelle » des Ukrainiens. (Image : wikimedia / Domaine public)
En 1932, Le gouvernement de Staline réquisitionne une si grande partie des stocks de céréales de l’Ukraine que la région est bientôt condamnée à la famine. En à peine un an, tout le pays fait face à une terrible famine. Staline va mettre à profit cette période vulnérable pour briser le nationalisme ukrainien. Il impose des restrictions aux écoles et institutions culturelles ukrainiennes, telles que l’interdiction du kouban, la langue ukrainienne, dans le but de détruire leur culture. En juin 1933, près d’un million de personnes seraient mortes dans la région de Kharkiv. Au total, 4 millions d’Ukrainiens seraient morts des suites de la famine.
Rédacteur Nello Tinazzo
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