Noli me tangere de Fra Angelico est un élément d’un ensemble de fresques peintes par Guido di Pietro (1387 (ou 95)-1455), au couvent de San Marco à Florence. La scène présentée illustre une parole qui aurait été prononcée par le Christ, le dimanche de Pâques, après sa résurrection : « noli me tangere » (« ne me touche pas »). Adressée à Marie Madeleine, cette phrase a été l’objet de nombreuses représentations. Celle proposée par ce peintre prêcheur dominicain illustre, avec une sensibilité particulière, la fin de la vie terrestre de Jésus-Christ.
Qui était Guido di Pietro plus connu sous le nom de Fra Angelico

Guido di Pietro, plus souvent connu sous le nom de Fra Angelico, ou Beato Angelico, était un frère prêcheur de l’Ordo Fratrum Prædicatorum, les Dominicains. C’était aussi un peintre connu de la période la Première Renaissance, le Quattrocento : le mille quattrocento soit le XVe siècle italien.
Dans Le Vite de’ più eccellenti architetti, pittori et scultori italiani, da Cimabue infino a’ tempi nostri ou Le Vite (Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes ou Les Vies) une œuvre écrite au milieu XVIe siècle par le peintre, architecte et écrivain toscan Giorgio Vasari (1511 – 1574), il est décrit comme : « Fra Giovanni da Fiesole », « Frère Giovanni de Fiesole » ou encore « Giovanni Fra Angelico » « Frère Giovanni l’angélique ». Giorgio Vasari disait que ce peintre avait un « talent rare et parfait ».
Dans son ouvrage, Giorgio Vasari développe certains éléments sur ce peintre prêcheur : « Fra Giovanni fut un homme simple et de mœurs très saintes. Il ne cessa de pratiquer la peinture et ne voulut jamais faire que des sujets religieux. Il aurait pu être riche mais il ne s’en soucia point. Il fut d’une profonde humanité, sobre, menant une vie chaste, et échappa ainsi aux pièges du monde ».
Quant à son caractère, il le décrivait de manière simple : « Jamais les frères ne l’ont vu en colère. Il avait coutume d’admonester ses amis avec un simple sourire. » De plus : « Il n’aurait jamais touché ses pinceaux sans avoir auparavant récité une prière. Il ne retoucha et ne transforma jamais aucune de ses peintures ».
Dans Fra Angelico : perspectives de recherche, passées et futures, un article publié dans la revue en ligne Perspective, Gerardo de Simone résume ces faits en ces termes : « Dans la seconde édition des Vies de Vasari (1568), sa biographie le consacra à la fois comme le champion du mysticisme dévot de la Contre-réforme, l’épigone du Moyen Âge chrétien et l’interprète de la Renaissance du Quattrocento, établissant un lien inextricable entre l’excellence de son art et la sainteté de sa vie, unanimement attesté par les sources anciennes sur l’artiste ».
Les fresques du couvent de San Marco

Au XVe siècle, le couvent de San Marco qui date du XIIe siècle, est attribué à l’ordre des Dominicains. D’importants travaux vont être entrepris : trois hommes seront aux commandes : Cosme de Médicis (1389 – 1464), l’architecte sculpteur Michelozzo di Bartolomeo Michelozzi (1396 – 1472) et Antonin de Florence (1389 – 1459) qui deviendra archevêque de Florence en 1446. Les fresques dédiées aux cellules des frères et aux lieux de passage seront confiées au frère Giovanni da Fiesole, Fra Angelico.
Il fera le choix de relayer des épisodes du Nouveau Testament sur les murs des cellules des frères dominicains. C’est ainsi que la cellule n°1 est décorée de la fresque Noli me tangere.
La technique de la fresque est assez particulière. Dans son article Fra Angelico, Noli me tangere (1440-41), publié sur le site Rivage Bohême, Patrick Aulnas décrit cette procédure : « La technique de la fresque consiste à peindre sur un enduit frais (mélange de sable et de chaux) de telle sorte que la peinture s’incorpore à l’enduit et devient aussi dure en séchant que l’enduit lui-même. Il en résulte une stabilité remarquable. Mais pour l’artiste, un inconvénient majeur apparaît : il doit travailler très vite (une journée maximum) car après séchage, aucune retouche n’est possible. Une grande maîtrise est nécessaire pour travailler aussi rapidement sans laisser apparaître de défauts majeurs ».
Cette technique dite affresco, permet aujourd’hui encore d’apprécier les fresques du couvent San Marco peintes par Fra Angelico.
Noli me tangere de Fra Angelico

Noli me tangere, est la traduction latine d’une phrase de l’Évangile selon Saint Jean : Μή μου ἅπτου (Mê mou haptou) que Jésus-Christ aurait adressée à Marie Madeleine, le dimanche de Pâques, juste après sa résurrection.
De nombreux peintres ont donné leur interprétation de cette phrase qui est souvent traduite par : « ne me touche pas » ou « ne me tente pas ». Le Noli me tangere de Fra Angelico traduit avec la simplicité et la sensibilité du peintre ce passage vers l’autre vie du Christ : celle où n’ayant plus son enveloppe terrestre il part rejoindre le monde céleste.
Cet épisode intervient au moment où Marie-Madeleine se rend au tombeau, trois jours après la mort de Jésus, et constate que le corps a disparu. Elle s’affole et se répand en pleurs. Dans certaines versions de ce passage, deux anges présents la questionnent sur la raison de ces pleurs. Toute en pleurs, Marie-Madeleine aperçoit un homme qu’elle prend dans un premier temps pour un jardinier avant de reconnaître Jésus et de tendre la main vers lui, comme pour le toucher.
Dans l’article de Patrick Aulnas on retrouve ce passage : L’homme dit : « Marie ! » et elle répond : « Maître ! ». Alors Jésus lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu « » (Évangile selon saint Jean, chapitre 20, versets 11 à 18).

Dans ce tableau d’abord simple, d’infimes détails tracent de manière subtile ce passage de Jésus vers sa future vie céleste tout en mettant en lien les derniers vestiges de la Passion du Christ qui ont conduit à sa mort terrestre.
C’est tout d’abord la phrase prononcée par le Christ qui précise l’état de cet être qui ne peut plus être vu ou touché par un corps matériel, mais par le cœur. Cet appel est présenté comme : « Une mise à distance et un appel aux disciples à témoigner de la Résurrection », précise le site de la paroisse de Puteaux. Car jusqu’à l’Ascension : « Pendant 40 jours il leur était apparu et les avait entretenus du Royaume de Dieu » (Ac 1,3).
Ensuite la position des pieds du Christ qui ont été inversés dans la fresque. « Proche de la lévitation, il foule les fleurs comme il marchait sur l’eau, sans peser. Il s’éloigne », précise le site de la paroisse de Puteaux. Un autre élément qui témoigne à nouveau du changement d’état de cet être que plus rien ne retient : aucune force terrestre ne peut le retenir. Il est déjà parvenu au-delà de ce monde.
D’autres éléments ont été relevés : ils sont souvent en relation avec l’épisode de la Passion du Christ. Ainsi : « sur l’herbe, des fleurs rouges font écho aux stigmates de sa crucifixion sur ses pieds ».

Dans son article, Patrick Aulnas décrit les éléments aux pieds des protagonistes : « Trois petites croix rouges ont été dessinées aux pieds de Marie-Madeleine. Elles symbolisent la Passion du Christ – c’est-à-dire les souffrances qui ont précédé sa mort sur la croix – et la Trinité, dogme chrétien selon lequel il existe un Dieu unique en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ».
« L’élégance des personnages, leur calme majesté, la maîtrise chromatique associant couleurs froides de la végétation et couleurs chaudes des fleurs, de la robe de Marie-Madeleine et de la palissade, impriment à la composition une dimension émotionnelle puissante. Les moines du couvent de San Marco, qui connaissaient parfaitement l’épisode biblique, ne pouvaient qu’être confortés dans leur foi par la grâce d’une telle évocation », précise-t-il un peu plus loin dans son article.
C’est de cette manière que dans son Noli me tangere, Fra Angelico a traduit avec sa simplicité et sa sensibilité ce passage vers l’autre vie du Christ : sa vie céleste dans un autre monde.

La foi naturelle de Fra Angelico et sa simplicité manifestées dans ses œuvres, mais aussi dans sa vie, ont conduit à sa béatification. La déclaration par décret pontifical a été prononcée par Jean-Paul II le 3 octobre 1982. Frère Giovanni l’angélique est devenu le Bienheureux Jean de Fiesole : le patron universel des artistes. « En lui, la foi est devenue culture, et la culture est devenue foi vécue […]. En lui, l’art devient prière », dira aussi le Pontife.
C’est en toute simplicité que Fra Angelico a transmis sa vision du passage vers la vie céleste du Christ. C’est aussi en toute simplicité que ce Frère Giovanni l’angélique a conduit sa vie. Il a su décrire ce détachement qui résulte de l’état céleste de cet être qui va vers un autre monde : celui des divinités, après avoir accompli sa mission dans ce monde terrestre et sauvé les êtres de son monde.
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