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Culture. Quand le tissu se dévoile, il raconte toute une histoire (2/3)

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Le coton : devenu incontournable, il éclaire certains aspects de l’humanité

Le petit nuage floconneux de la fleur de cotonnier est à l’origine d’un textile, doux au toucher et d’une blancheur virginale, qui a très tôt intéressé les populations de l’antiquité. (Image : Jim Black / Pixabay)

Ce petit nuage floconneux, à l’origine d’un textile doux au toucher et d’une blancheur virginale, a très tôt intéressé les populations de l’antiquité. Ainsi, selon les écrits d’Hérodote, les Indiens avaient une plante qui, au lieu de produire des fruits, produisait une laine plus douce et plus belle que celle des moutons. Ils en ont fait leurs vêtements.

L’étude de la Bible et les découvertes archéologiques font remonter l’origine du coton à plus de 12 000 av. J.-C., en Egypte. Des textes sacrés indiens, dont le Rig Veda, mentionnent son existence vers 1500 ans av. J.-C. Des fragments, remontant à 7 000 ans, ont été retrouvés au Mexique, dans des grottes de la vallée du Tehuacánau. Ce petit nuage floconneux a aussi permis d’éclairer certains aspects de l’histoire de l’humanité.

Le cotonnier, une plante généreuse, mais gourmande en eau et fragilisée par certains insectes

Le cotonnier, avec ces petites boules blanches s’accrochant sur une tige de 80cm à 2m de haut, est un arbuste des climats chauds et humides. Il supporte les climats tempérés, mais apprécie très peu le gel. De la famille des malvacées, il serait le cousin des mauves et des roses trémières. On le retrouve sur une grande partie de la planète. C’est l’herbacée la plus utilisée au monde : bien que sa culture, gourmande en eau, nécessite une irrigation intensive, souvent à l’origine de la disparition de certains écosystèmes.

La fleur de coton, de couleur ivoire, est composée de cinq pétales. Ses fruits sont des capsules ovoïdes à quatre ou cinq loges, contenant chacune six à douze graines. (Image : bobbycrim / Pixabay)
La fleur de coton, de couleur ivoire, est composée de cinq pétales. Ses fruits sont des capsules ovoïdes à quatre ou cinq loges, contenant chacune six à douze graines. (Image : bobbycrim / Pixabay)

La fleur de coton, de couleur ivoire, est composée de cinq pétales. Ses fruits sont des capsules ovoïdes à quatre ou cinq loges, contenant chacune six à douze graines. Elles sont riches en protéines et peuvent produire de l’huile pour l’alimentation humaine et des tourteaux pour les animaux.

Ces graines, qui commencent à pousser dès la fécondation seront recouvertes de longs poils blancs d’aspect soyeux. Cette fibre de coton qui se forme, donnera une cellulose presque pure. Les plus longues fibres servent à fabriquer de la ouate, du coton hydrophile, des fils et du textile. Les fibres courtes sont transformées en papier ou régénérées en viscose.

En Inde, une trentaine d’espèces sauvages ont été recensées. Mais seulement quelques-unes seront cultivées, dont le coton indien à fibres épaisses et courtes. La production mondiale d’aujourd’hui repose sur deux espèces : le coton Gooypium hirsutum, pour 90% de la production, et le coton gossypium barbadense, pour 50% de la production. Cette dernière est cultivée en Egypte. Elle est très prisée pour ses longues fibres de bonne qualité.

Pour lutter contre l’invasion de plusieurs insectes, des cotonniers génétiquement modifiés sont cultivés depuis le milieu des années 1990. On les trouve aux États-Unis, en Chine, en Inde mais aussi en Afrique du Sud, en Argentine, au Brésil, au Mexique, au Pakistan, au Paraguay, en Uruguay.

Au XVIIe siècle, la Virginie suivie par d’autres États américains et  grâce à l’exploitation humaine à l’origine du commerce triangulaire, feront de l’Amérique du nord le centre de la production du coton. (Image : wikimedia / Detroit Publishing Company / Domaine public)
Au XVIIe siècle, la Virginie suivie par d’autres États américains et  grâce à l’exploitation humaine à l’origine du commerce triangulaire, feront de l’Amérique du nord le centre de la production du coton. (Image : wikimedia / Detroit Publishing Company / Domaine public)

Histoire autour du coton

L’origine du nom coton aurait plusieurs sources. Deux explications complémentaires proviennent de la Bible en hébreu. Tout d’abord, dans le Livre d’Esther, son origine remonterait au vieux sanskrit Karpasi, qui a donné Kapas ou Karpas, mot utilisé pour désigner le coton, la graine en Inde et en Indonésie. Une autre lecture et interprétation des traductions de l’hébreu met en avant le terme kotonet ( כְּתֹנֶת ) qui signifie tunique et qui aurait donné le mot kotono en arabe, car l’arabe est une langue sémite, proche de l’araméen et de l’hébreu.

L’usage du coton par l’homme serait venu de l’Inde, en passant par le Moyen-Orient pour s’implanter en Égypte, puis dans le reste du monde. C’est surtout en Europe que l’industrie cotonnière prend son essor, jusqu’au XIVe siècle. Les villes de Bruges, Gand et Barcelone se développent autour de son commerce. À partir de XVIe siècle une rivalité commerciale s’installe entre l’Angleterre et la France. La Compagnie française des Indes, fondée en 1664, deviendra le pilier du commerce autour du coton : important pour le commerce des « indiennes » ces cotonnades légères et colorées, mais aussi pour la décoration intérieure.

En Europe l’industrie cotonnière prend son essor et les élégantes apprécient la mousseline de coton. (Image : wikimedia / Неизвестный художник / Domaine public)
En Europe l’industrie cotonnière prend son essor et les élégantes
apprécient la mousseline de coton. (Image : wikimedia /
Неизвестный художник / Domaine public)

Au XVIIe siècle, la Virginie suivie par d’autres États américains, s’appuyant sur l’exploitation humaine à l’origine du commerce triangulaire, feront de l’Amérique du nord le centre de la production du coton. Cette exploitation humaine permettra de répondre aux besoins de l’ Europe, où le coton était devenu un produit de luxe. Ainsi, au XVIIIe siècle les « indiennes de coton », ces tissus légers et colorés viennent à concurrencer la soie, le lin, la laine et le chanvre.

La guerre de Sécession voit la bascule de la production de l’Amérique de Nord vers l’Inde et l’Égypte. Pour autant, bien que producteurs de coton, ces pays, l’Inde entre autres, se verront obligés d’acheter le textile fabriqué, notamment en Angleterre.

C’est ainsi que l’on peut prétendre que l’histoire du coton a été la première pierre à l’édifice de la mondialisation industrielle moderne. De l’importation d’esclaves, une main d’œuvre bon marché, au développement de l’industrialisation de sa production, en passant par le développement des monopoles commerciaux et de l’exigence de rendement demandée aux producteurs, l’histoire du coton a aussi fortement marquée la vie des hommes, rabaissant certains à l’état de marchandises. En même temps, elle est liée à la dégradation des conditions environnementales des régions d’exploitation, entraînant la disparition de certains écosystèmes.

La Compagnie française des Indes, fondée en 1664, deviendra le pilier du commerce autour du coton : important des « indiennes » pour les vêtements, mais aussi pour la décoration intérieure. (Indienne, musée du textile de Wesserling, Alsace). (Image : wikimedia / Rémi Stosskopf / Domaine public)
La Compagnie française des Indes, fondée en 1664, deviendra le pilier du commerce autour du coton : important des « indiennes » pour les vêtements, mais aussi pour la décoration intérieure. (Indienne, musée du textile de Wesserling, Alsace). (Image : wikimedia / Rémi Stosskopf / Domaine public)

Quelques textiles célèbres

Parmi les textiles, certains sont devenus des marques à part entière : la Toile de Jouy, la toile de Vichy, le Denim et la gabardine.

La toile de Jouy

La toile de Jouy a été produite en France, après la démarche de protectionnisme à la française, mise en place par Louis XIV, sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert.

Suite à la création de la Compagnie des Indes, les « indiennes » importées risquent de causer la faillite de la fabrication française. En 1686, c’est un Édit de prohibition qui a permis de relancer la qualité de la fabrication en France. Ainsi, en 1759, une fois levée cette prohibition, Christophe Philippe Oberkampf, un Bavarois installé dans le quartier qui allait devenir le célèbre quartier Mouffetard à Paris, allait être à l’origine de cette toile qui, à elle seule, a représenté la classicisme à la française.

En perfectionnant les procédés de fabrication du textile, cet ouvrier-teinturier va créer sa propre manufacture de toiles imprimées, dans la ville de Jouy-en-Josas : lieu proche de Versailles qui participera au succès de la manufacture et de ses toiles imprimées de motifs créés par des peintres célèbres de l’époque, dont Jean-Baptiste Huet, connu pour ses scènes pastorales.

Le salon des Huets. Jean-Baptiste Huet, connu pour ses scènes pastorales a dessiné des motifs à succès pour les toiles de Jouy. (Image : wikimedia / Daderot / Domaine public)
Le salon des Huets. Jean-Baptiste Huet, connu pour ses scènes pastorales a dessiné des motifs à succès pour les toiles de Jouy. (Image : wikimedia / Daderot / Domaine public)

La toile de Vichy

La toile de Vichy a pris son essor sous Napoléon III, dont la ville du même nom était un de ses lieux de villégiature privilégié. Au XIXe siècle, l’industrie du textile est bien implantée en Europe et en France, en particulier. La mode nécessitant une importante quantité de textile est le moteur de cette industrie. Ainsi, à la Cour de l’empereur de France, les élégantes lancent des modes, tandis que l’empereur soutient ces entreprises par ces visites.

C’est un peu de cette manière que la toile produite par la filature des Grivats, à Cusset, commune proche de Vichy, verra le succès de sa toile, qui, à l’époque, est surtout une toile de coton présentant des rayures. Portée à Vichy par l’Impératrice et les élégantes de la Cour, la toile de Vichy déferle sur les Cours d’Europe rencontrant ainsi un franc succès. Les fameux carreaux de Vichy n’apparaîtront qu’au début du XXe siècle.

Le succès de cette toile, avec ses carreaux de toutes les couleurs, a perduré grâce à l’industrie alimentaire qui « surfant » sur le capital confiance qu’elle inspirait, en fera des emballages des produits dits « made in France », comme le camembert, les confitures… La mode des années 1950 s’est également inspirée des notes de fraîcheur diffusées par cette toile, pour en faire un must largement porté par les stars de l’époque.

Le Denim

Plus connu sous le terme de Jeans, il a été utilisé dès le XVIe siècle par la marine génoise, tant pour équiper ses navires que pour vêtir les marins. Cette toile, faite de coton et de lin, faisait la réputation de la ville de Gênes qui l’exportait dans toute l’Europe.

En France, des tisserands de la région de Nîmes vont, suite à diverses expérimentations, développer une toile qui deviendra le Denim (de Nîmes). C’est le bleu de la teinture, dit Blu di Genova, qui va lui donner son nom final : Blue Jeans.

L’Allemand, Lévi Strauss, l’importe aux USA au moment de la ruée vers l’or. Sa solidité en fait un succès. Parti des chercheurs d’or du XIXe siècle, il est devenu aujourd’hui un incontournable dans les garde-robes des jeunes et des moins jeunes du monde entier.

La gabardine

Dans les années 1879, un Britannique inspiré par les houppelandes que portent les bergers, créé  « la gabardine ». C’est un coton très serré, imperméable à l’air et à l’eau. Ce tissu en forme de trench-coat servira à protéger les uniformes des officiers de la boue des tranchées de la Première Guerre mondiale.

Le cinéma va participer à son succès. Ainsi, dès 1920, il devient l’imperméable des détectives privés. Dans les années 1960, il incarne le chic à la française, et en 1962 Yves St Laurent en fait une pièce phare du défilé qui inaugure sa carrière.

La percale est une cotonnade très douce au toucher. Elle a servi de reliure pour ce livre de Jules Verne. (Image : wikimedia / Jules Verne / Domaine public)
La percale est une cotonnade très douce au toucher. Elle a servi de
reliure pour ce livre de Jules Verne. (Image : wikimedia / Jules Verne / Domaine public)

Les textiles dérivés du coton

Parmi les textiles dérivés du coton, on trouve aussi : La Popeline, la Cotonnade, l’Étamine, la Mousseline, le Voile de coton, le Chambray, la Cretonne, le Sergé de coton, le Coutil, la Flanelle, le Velours, la Percale…

Coton équitable ou coton bio ?

L’histoire du coton éclaire la réalité de l’histoire de l’humanité : avec ses côtés sombres, la mise en place de la mondialisation et le non-respect des écosystèmes. Ici la Mer d’Aral, victime du détournement des eaux. (Image : wikimedia / CC0)
L’histoire du coton éclaire la réalité de l’histoire de l’humanité : avec ses côtés sombres, la mise en place de la mondialisation et le non-respect des écosystèmes. Ici la Mer d’Aral, victime du détournement des eaux. (Image : wikimedia / CC0)

Issu du commerce équitable, le coton du même nom garantit des revenus aux producteurs, il peut être biologique. Le coton labellisé bio, garantit que 95 % des fibres utilisées sont issues de l’agriculture biologique. Ainsi, le coton présentant le double label : équitable et bio, pourrait être la solution pour les consommateurs soucieux de la préservation de l’environnement et du respect des producteurs.

Il existe par ailleurs plusieurs types de label, dont le label OEKO-TEX®, ou Certification OEKO-TEX® standard 100. Depuis 1992, cette certification, valable dans le monde entier, s’applique à tous les produits textiles, à toutes les étapes du traitement. Elle garantit l’absence de produit chimique toxique pour la santé.

L’histoire du coton éclaire la réalité de l’histoire de l’humanité : avec ses côtés sombres, la mise en place de la mondialisation, son respect ou son non-respect des hommes, ainsi que son respect ou non-respect des écosystèmes. L’histoire du coton, au-delà de la mode, éclaire sur les modes de vie humain et les choix sociétaux et individuels responsables qui guident et ont guidé l’humanité.

Collaboration Eve Saint-Michel

À suivre...

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