Pourquoi dit-on que « les caractères simplifiés chinois sont un complot soviétique pour diviser la Chine » ? Tout d’abord, comment les caractères chinois simplifiés ont-ils été créés et promus. Pour parler de la création des caractères simplifiés, il faut d’abord parler de la pinyinisation des caractères chinois : c’est-à-dire la latinisation des caractères chinois.
La nouvelle écriture latinisée du Parti communiste chinois (PCC) a été créée en Union soviétique à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Leur but semblait être de remplacer les caractères chinois traditionnels par la nouvelle écriture latinisée, lorsque les conditions seraient réunies.
Le projet de latinisation des caractères chinois
Qu Qiubai (1899-1935) et Wu Yuzhang (1878-1966), membres du parti communiste, ont travaillé avec des « sinologues » soviétiques, pour rechercher et créer la nouvelle écriture latinisée. En 1929, Qu Qiubai a rédigé un projet d’alphabet latin chinois, Brouillon de lettres latines chinoises. Il a été publié par la presse de l’Université communiste des travailleurs chinois à Moscou. En 1930, il a publié un autre livre, Lettres latines chinoises.
En mai 1931, le Présidium de la Conférence scientifique du Comité central de la Nouvelle Écriture pour les peuples de l’URSS a examiné et approuvé le programme de latinisation des caractères chinois. Lors du premier congrès sur la latinisation de l’écriture chinoise, qui s’est tenu en ex URSS le 26 septembre 1931, un autre programme écrit, Principes et règles pour la latinisation des caractères chinois, a été adopté. Après son adoption, le nouveau programme d’écriture latinisée a d’abord été mis en œuvre auprès des travailleurs chinois : avec la publication de 47 livres et de plus de 100 000 exemplaires imprimés.
En 1933, la nouvelle écriture latinisée a été introduite en Chine. En août 1934, l’Association chinoise de recherche sur la latinisation a été créée à Shanghai. Son objectif : publier des livres présentant la nouvelle écriture latinisée. Certaines grandes villes du Nord et du Sud ont établi de nouveaux groupes d’écriture latinisée, même parmi les Chinois d’outre-mer. Selon les statistiques, de 1934 à 1955, plus de 300 nouveaux groupes d’écriture latinisée ont été formés.
À l’époque, Mao Zedong (1893-1976) appréciait énormément le mouvement de la nouvelle écriture et soutenait activement ce mouvement. Dans le concept maoïste, la nouvelle démocratie, il a précisé : « L’écriture doit être réformée, sous certaines conditions, et la langue doit être proche du peuple ».
En janvier 1941, le gouvernement de la région frontalière : entre les provinces du Shaanxi, du Gansu et du Ningxia, a créé le Comité de travail sur la nouvelle écriture. Il a officiellement déclaré que la nouvelle écriture avait le même statut juridique que les caractères chinois traditionnels. La même année, dans le premier numéro du Sin WenziBao (journal de la nouvelle écriture), publié à Yan’an, on pouvait lire l’inscription de Mao : « Plus il sera mis en pratique, mieux ce sera ».
En 1951, Mao Zedong avait déclaré : « L'écriture doit être réformée et doit suivre la voie du pinyin qui est commune aux écritures du monde ».
Lors d’une visite en Union soviétique, Mao a un jour demandé à Staline (1878 – 1953) ce qu’il fallait faire pour la réforme de l’écriture en Chine. Staline lui aurait répondu que la Chine était un grand pays et qu’elle pouvait avoir son propre alphabet. Après son retour à Pékin, Mao a chargé le Comité d’étude de la réforme de l’écriture chinoise de développer une forme nationale de pinyin.
Le 15 octobre 1955, la « Conférence nationale sur la réforme des écritures » s’est tenue à Pékin. Après la conférence, Wu Yuzhang (1878 – 1966), alors directeur du Comité de réforme des caractères chinois, a rapporté à Mao qu’après trois ans de travail sur la forme nationale : il était difficile d’obtenir une conception qui satisferait tout le monde, et qu’il serait préférable d’adopter l’alphabet latin. Mao Zedong a accepté d’utiliser l’écriture latine. Celle-ci a été adoptée lors d’une réunion du Comité central.
La simplification des caractères chinois en lien avec le pinyin
Le 20 janvier 1956, Mao Zedong a prononcé un discours en faveur de l’alphabet latin lors de la « Conférence sur les questions intellectuelles ». Il a déclaré : « Je suis favorable à l’idée d’une réforme de la langue. Êtes-vous favorable à l’adoption de l’écriture latine à l’avenir ? Je pense que parmi le grand public, il n’y a pas beaucoup de problèmes. Mais parmi les intellectuels, il y aura quelques problèmes. Comment la Chine peut-elle utiliser un alphabet étranger ? »
« Cependant, il semble préférable d’adopter cet alphabet étranger. Il n’y a que deux douzaines de ces lettres, et elles sont écrites dans une seule direction, donc elles sont simples et claires. Nos caractères chinois ne sont vraiment pas à la hauteur à cet égard. Ne pensez pas que les caractères chinois sont si bons. Certains professeurs m’ont dit que les caractères chinois sont le meilleur type de caractères dans le "monde de toutes les nations" et qu’ils ne peuvent pas être réformés. Si l’alphabet latin avait été inventé par les Chinois, il n’y aurait probablement aucun problème. Le problème réside dans le fait que les étrangers l’ont inventé et que les Chinois l’ont appris ».
Au moment où la Chine a développé son système de pinyin, la Russie soviétique avait cessé de latiniser. Elle était passée à la slavisation, en remplaçant toutes les écritures nationales latinistes par l’alphabet slave. La République populaire de Mongolie avait également modifié son alphabet mongol pour adopter l’alphabet cyrillique. Dans les années 1950, la Chine s’est rapprochée de l’Union soviétique : certains avaient préconisé l’utilisation de l’alphabet cyrillique et une alliance littéraire avec l’Union soviétique. Le linguiste soviétique Serdyuchenko, envoyé en Chine, a également proposé l’utilisation de l’alphabet slave.
On raconte que lorsqu’un vice-Premier ministre soviétique s’est rendu en Chine, il a déclaré au vice-Premier ministre Chen Yi (1901-1972) qu’il espérait que la Chine et l’Union soviétique adopteraient le même alphabet. Le vice-Premier ministre Chen Yi a répondu que la culture chinoise devait être liée à l’Asie de l’Est et du Sud-Est, habituée à utiliser l’alphabet latin. Ainsi, la Chine n’a pas adopté l’alphabet cyrillique.
En 1951, Mao Zedong avait proclamé : « Les caractères chinois doivent être réformés sous certaines conditions, et la direction de phonétisation commune des caractères du monde doit être prise ». À partir de janvier 1956, en l’espace de 60 jours, le « programme de simplification des caractères chinois », le projet de « programme de pinyin hanyu », « l’instruction sur la promotion du putonghua » et la « décision sur l’éradication de l’analphabétisme » ont été publiés les uns après les autres. La réforme de l’écriture chinoise a alors atteint son paroxysme.
La politique définie par Mao Zedong à l’époque était la suivante : « Nous devons aller dans la direction du pinyin, qui est commun aux écritures du monde. Avant de mettre en œuvre la pinyinisation, les caractères chinois doivent être simplifiés ».
Les caractères chinois simplifiés étaient considérés à l’époque comme « une demi-mesure mise en place pour la période de transition » menant à l’écriture pinyin. Certains des caractères simplifiés l’ont été en réduisant le nombre de traits, tandis que d’autres ont été choisis parmi les « caractères communs » utilisés depuis des générations et faciles à utiliser, mais non reconnus par la « classe dirigeante ».
Au moment de la Révolte Taiping (1851 – 1864), les caractères chinois simplifiés avaient, pour la première fois de l'histoire, acquis une « légitimité » dans leur sphère d’influence. Ainsi, plus de 80 % de la centaine de caractères simplifiés utilisés dans leurs proclamations ont ensuite été adoptés par le programme de caractères chinois simplifiés.
Le 1er février 1956, le premier lot de caractères chinois simplifiés a été introduit. « On peut dire que lorsque le Parti donne un ordre, tout le pays obéit ». Tu An, ancien rédacteur en chef de la Maison d’édition de la littérature populaire, se souvient qu’il a admis que de nombreuses personnes de la communauté culturelle étaient également sceptiques à l’époque.
Chen Mengjia (1911 – 1966), un célèbre archéologue chinois, a déclaré : « Ne soyez pas trop rapide à déclarer la peine de mort pour les caractères chinois avant de les avoir étudiés correctement ». « L’écriture est quelque chose qui concerne des milliers et des milliers de notre peuple et une centaine de générations de nos descendants, donc il faut le faire avec prudence ». À la suite de son positionnement, Chen Mengjia a été persécuté sous l’accusation de « s’opposer à la réforme de l’écriture », et s’est « suicidé ». Personne par la suite n’a osé s’opposer résolument. C’est ainsi que les caractères chinois simplifiés ont été introduits
Unifier la Chine ou la rendre moins forte
L’utilisation des caractères chinois relevait à l’origine de la Chine elle-même. Mais pourquoi l’Union soviétique a-t-elle tant insisté sur la pinyinisation des caractères chinois ?
Il est possible d’avancer que l’Union soviétique ne voulait pas d’une Chine forte et a donc affaibli la Chine de toutes les manières possibles. Elle a continué à créer diverses contradictions sociales en Chine : l’une d’entre elles étant de s’engager dans la pinyinisation des caractères chinois.
La nouvelle écriture chinoise latinisée a été créée en Union soviétique à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Il est à noter que la fin des années 1920 et le début des années 1930 correspondent à l’époque où le gouvernement de la République de Chine venait d’unifier la Chine.
Est-ce une coïncidence si l’Union soviétique a commencé à promouvoir la pinyinisation des caractères chinois à cette époque ? Était-ce pour rendre la Chine forte ? L’Union soviétique s’est emparée de plusieurs millions de kilomètres carrés de terres de la Chine : il est possible d’avancer que ce n’était certainement pas pour rendre la Chine forte.
Il existe de nombreux dialectes chinois, les principaux étant : les dialectes du Jiangsu, les dialectes du Zhejiang, les dialectes du Minnan, le dialecte hakka, les dialectes de Chaoshan, le cantonais, le dialecte du nord, etc. Parmi ces dialectes, certains ne peuvent pas communiquer entre eux. Souvent, la prononciation d’un même caractère chinois varie fortement d’une région à l’autre de la Chine, et beaucoup sont complètement différents.
Quand l’écriture pinyin sera finalement adoptée, elle sera différente d’un endroit à l’autre. Car, le même caractère chinois se prononce et s’écrit différemment selon les dialectes dans les différentes régions du pays. Au fil du temps, de nombreuses régions aux écritures et aux langues mutuellement incompatibles se formeront, entraînant la division de la nation et la division du pays.
À la fin des années 1920 et au début des années 1930, alors que la Chine venait d’être unifiée, l’Union soviétique a activement promu la pinyinisation des caractères chinois, manifestement avec de sombres intentions.
Il ne fait aucun doute que la réforme des caractères chinois promue par les Soviétiques a réussi dans une certaine mesure : l’utilisation de caractères simplifiés avait déjà provoqué de graves divisions et conflits entre les ressortissants des deux côtés du détroit de Taïwan. Ce fait ne peut être nié par personne. Si le troisième lot de caractères simplifiés sous le régime de Hua Guofeng (1921 – 2008) était devenu légal, les écritures des deux côtés du détroit auraient été pratiquement incompatibles.
La politique fixée par Mao Zedong à l’époque était « d’aller dans la direction du pinyin, qui est commun aux écritures du monde, et avant de mettre en œuvre la pinyinisation, les caractères chinois doivent être simplifiés ». La simplification des caractères était donc une étape importante vers la pinyinisation des caractères chinois et la tentative de la Russie soviétique pour diviser la Chine !
L’Union soviétique a également poussé à la réforme de l’écriture dans un certain nombre d’autres États vassaux communistes. Parmi celles-ci, la conversion forcée de l’écriture mongole pour qu’elle soit orthographiée selon l’alphabet russe. Mais après la chute de l’Union soviétique, bien que l’écriture traditionnelle mongole soit compliquée, la Mongolie a immédiatement restauré la langue traditionnelle mongole, afin de perpétuer sa culture traditionnelle.
La Chine, en revanche, a persisté dans les erreurs qu’elle avait déjà commises. Pourquoi ne pas avoir, à cette époque, abandonné la réforme de l’écriture dictée par les Soviétiques, pour rétablir les caractères chinois traditionnels et hériter de la culture traditionnelle, comme la Mongolie? Cela n’aurait-il pas été le premier pas vers l’élimination de la barrière entre les deux rives du détroit de Taiwan et la réunification nationale et l’unification du pays ?
Rédacteur Charlotte Clémence
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