Quelle est la chose qui semble présenter le plus de difficultés : être maçon, mineur dans une mine de charbon ? Que penser du métier de neurochirurgien ou d’astronaute ? Tous ces métiers sont en effet très exigeants, car les performances requises nécessitent de l’abnégation et une solide expérience, avant de pouvoir y exceller. Mais le cheminement qui s’avère être le plus difficile pour l’homme pourrait être l’accomplissement de soi.
« Tout le monde pense à changer le monde, mais personne ne pense à se changer soi-même. », disait Léon Tolstoï (1828 – 1910). Mahatma Gandhi (1869 – 1948) préconisait : « Sois le changement que tu veux voir dans le Monde ». Avec ces deux citations la notion de changement reposerait sur son propre changement : l’amélioration de soi. Cette amélioration de soi pouvant permettre l’accomplissement de soi, voire le dépassement de soi, pour atteindre l’éveil et le nirvana, décrit dans la philosophie bouddhiste, ou encore permettre de voir la vraie nature de l’univers.
Le Bouddha prononçant le discours de Vârânasî sur les Quatre nobles vérités,
pour ses anciens condisciples, à la suite de son éveil. (Image : wikimedia / CC-BY-SA-3.0)
Un chemin à la fois simple et difficile est décrit dans la philosophie et la sagesse antiques
Ainsi, le chemin qui mène de l’amélioration de soi à l’accomplissement de soi est parfois comparé à la culture des plantes. En effet pour que la plante se développe, vous devez constamment éliminer les mauvaises herbes et les parasites, vous assurer que le sol est correctement hydraté et contient les nutriments essentiels pour une croissance saine. C’est un travail de tous les jours, sans relâche. Alors pour l’être humain comment peut-on comprendre ce chemin ? Et pourquoi l’homme devrait-il réfléchir à ce chemin ?
Certaines personnes décident d’adopter de bonnes habitudes tout au long de leur vie, comme faire du sport, manger de manière plus saine ou simplement faire l’effort d’abandonner certaines mauvaises habitudes. Quelques-uns y parviennent et d’autres abandonnent ce vœu pieux. À ce sujet, une étude a révélé que les bonnes résolutions prises au Nouvel An ne dureraient que jusqu’au 19 janvier. Ceci ne concerne que les résolutions personnelles, comme arrêter de fumer, et non des décisions importantes comme véritablement transformer son être profond.
La sagesse ancienne issue des philosophies bouddhistes, taoïstes, voire des philosophes de la Grèce antique, s’est penchée sur les concepts d’amélioration de soi et d’accomplissement de soi, en faisant souvent le point central de son approche.
La sagesse bouddhiste pour atteindre l’accomplissement de soi et l’état d’éveil
Les sages bouddhistes et les moines se réfèrent aux paroles de Bouddha. Par exemple, dans Le soutra du parfait Éveil, attribué à Bouddha, il est dit : « Il n’y a ni identité ni différence, ni asservissement ni libération. Maintenant vous savez que tous les êtres sensibles sont originellement de parfaits Éveillés, que samsara et nirvana sont comme le rêve de la nuit dernière. (…), vous devriez savoir que samsara et nirvana n’ont ni avènement ni cessation, ni allée ni venue. Dans cette réalisation, il n’y a ni gain ni perte, ni adoption ni rejet. Dans celui qui réalise il n’y a aucun "s’efforcer", "laisser-aller", "arrêter les pensées" ou "éliminer les passions". Dans cette réalisation, il n’y a ni sujet ni objet, et ultimement ni réalisation ni réalisé. La nature (ultime) de tous les phénomènes est égale et indestructible. »
On ne sait que très peu de choses sur Tchouang-tseu (Zhuangzi) qui
vécut à l’époque des Royaumes Combattants. Les Annales historiques
de Sima Qian rapportent qu’il était originaire du district de Meng (蒙).
(Image : wikimedia / 華祖立 / Domaine public)
La philosophie taoïste pour l’accomplissement de soi et s’assimiler à la nature de l’univers
La philosophie taoïste repose sur deux écrits majeurs.
Le Classique véritable de Nanhuan, ou Vrai Classique de Nanhua (南華眞經/南华真经), écrit par Tchouang-tseu (Zhuangzi 莊子)- (369 à 288 av. J.-C.) questionne sur la place de l’homme dans l’univers : comment l’homme peut-il envisager sa place dans l’univers ? La réponse : le non-agir ou le wuwei (無為) que l’on peut traduire par une action conforme à la nature des choses et des êtres. L’homme est invité à se débarrasser, se dépouiller, pour aller à l’essentiel : la vraie nature de l’univers et l’accomplissement de soi, le Tao.
Lao Tseu est considéré comme le fondateur du Taoïsme.
(Image : wikimedia / Domaine public)
Le Dao De Jing ou Tao Te King (道德經 ), écrit par Lao Tseu (老子)- (IVe ou Ve siècle av. J.-C)., se décrit comme une voie spirituelle : le terme Tao ou Dao pour voie, De ou Te pour vertu, ou vertu morale et King ou Jing pour classique, souvent traduit par l’Authentique Classique de la Voie et de la Vertu. Il situe l’origine de toutes choses dans le Tao. Pour y parvenir : savoir se mettre en retrait ou exercer une puissance naturelle et faire preuve de souplesse. L’exemple du nouveau-né est souvent cité pour illustrer la notion de souplesse : le nouveau-né est faible, mais incarne la souplesse et la vie, alors que le cadavre est solide, mais rigide, inerte et sans vie.
Les philosophes grecs pour définir le rôle de l’homme et son accomplissement dans la cité
Deux philosophes, l’un étant l’élève de l’autre, ont abordé la place de l’homme dans la cité et le chemin de l’ignorance vers la vérité qui font de l’homme un être accompli : Platon (428 / 427 av. J.-C. à 348 / 347 av. J.-C.) et Socrate (Ve siècle av. J.-C.)
Socrate levait son bâton et disait : « Arrête-toi, mon ami, et causons un peu. Non d’une vérité que je détiendrais, non de l’essence cachée du monde, mais de ce que tu allais faire quand je t’ai rencontré. Tu croyais cela juste ou beau ou bon puisque tu allais le faire, explique-moi donc ce que sont la justice, la beauté, la bonté », lorsqu’il croisait un autre citoyen. Car pour lui, du dialogue naissait la vérité. Pour Socrate, le dialogue était la voie qui permettait à l’homme de tenir sa place dans la cité : de s’accomplir en tant que citoyen.
Platon, disciple de Socrate, a décrit dans le Mythe de la caverne, le passage de l’homme, de l’ignorance à la vérité. « Figure-toi, écrit Platon, des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière, ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête, la lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux, entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles. » Platon, La République, livre VII.
Mais l’homme qui sortira de cette caverne, aveuglé en premier lieu, verra la vraie image des choses et de l’univers. Pour autant, il sera assimilé à un fou par ses semblables, s’il retourne dans l’obscurité de la caverne. Sortir de la caverne, de l’obscurité, présente ainsi un risque : celui de ne pas être compris par les autres, mais aussi un gain, celui de voir la vraie image du monde et de l’univers, celui de s’accomplir en tant que citoyen libre, pour Platon.
L’analogie de la ligne de Platon : l’opinion se fonde sur le monde
sensible tandis que la science se construit sur la connaissance
des réalités intelligibles. (Image : wikimedia /
Platón-Vonalhasonlat.svg: Gothika / CC BY-SA)
La différence entre le développement personnel et l’accomplissement de soi
La pratique du développement personnel est devenue populaire vers la fin des années 1930, aux États-Unis. Les Américains Dale Carnegie (1888 – 1955) et Napoléon Hill (1883 – 1970) en étaient les principaux acteurs.
Selon les enseignements, le développement personnel peut servir de complément à une approche spirituelle. Le développement personnel semble ainsi davantage porté vers une action individuelle, tandis que s’engager dans une discipline spirituelle semble indiquer la volonté de l’homme de changer la vie.
Suivant ces concepts, le développement personnel permettrait de faire face aux actes du quotidien dans la vie ordinaire de tous les jours. Alors que l’amélioration et l’accomplissement de soi, questionneraient sur la place de l’homme au sein de la nature et de l’univers : le sens de sa vie au sein d’un espace plus vaste.
Alors pourquoi s’améliorer et s’accomplir ?
Peut-être pour réfléchir à son rôle social en tant qu’homme, femme et citoyen au sein de la cité, de son pays, voire de ce monde et de l’univers ?
L’idéal que proposait Confucius était contenu dans le
terme chinois « jun-zi », ou « fils de souverain », ou
« gentilhomme » : quelqu’un qui descend d’une famille noble,
donc « l’homme de bien » que devrait être tout être humain.
(Image : wikimedia / Domaine public)
Confucius (551 – 479 av. J. – C.), dont la philosophie plonge ses racines dans le Taoïsme, est souvent décrit comme un « directeur de conscience », précisait Marcel Granet (1884 – 1940), le sinologue français, dans La pensée chinoise.
Ainsi Confucius, ou Maître Kong (孔子), proposait à l’homme un idéal éthique qui reposait sur la voie des anciens. Cette voie puisait sa source dans les mythes et vies des rois sages de l’antiquité chinoise. L’objectif de Confucius dans une Chine chaotique, était de parvenir par cette voie à un équilibre politique durable. La politique étant pour lui une question de qualités éthiques.
L’idéal qu’il proposait était contenu dans le terme chinois « jun-zi », ou « fils de souverain », ou « gentilhomme » : quelqu’un qui descend d’une famille noble, donc « l’homme de bien » que devrait être tout être humain, qu’il soit ou non fils de souverain. « Voici un homme avec qui tu peux parler, tu ne lui parles pas : tu perds un homme. Voilà un homme avec qui tu ne dois pas parler, tu lui parles : tu perds une parole. Sage est celui qui ne perd ni un homme ni une parole. » disait-il.
Cette notion d’homme de bien reposait sur le fait que l’homme, selon Confucius, devait tendre vers la bienveillance, définie par la notion « ren », le concept clé de la philosophie confucéenne. Le ren qui désigne le bien absolu, abstrait : la bienveillance, est pour Confucius une vertu d’humanité. Mais cette vertu semblait si rare, que Confucius jugeait exceptionnel l’humain capable de l’atteindre.
Cette philosophie confucéenne reposait sur le concept de perfectionnement continu qui permettait à un individu de devenir un homme accompli.
En se basant sur les enseignements de Confucius et la sagesse antique issue du bouddhisme, du taoïsme et des philosophes grecs, il est possible de comprendre que s’améliorer et s’accomplir est un processus continu qui permet à chaque personne de devenir un homme accompli : un « homme de bien au sein » de la société et d’être en harmonie avec l’univers, de pouvoir s’éveiller et voir la vraie nature de l’Univers.
Rédacteur Swanne Vi
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